Za darmo

Deux et deux font cinq

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Ce matin, la première dépêche inscrite était la suivante:

New-York.—A bill will be presented to Congress for protection of public and to prevent importation of diseases.

Nous passions, moi (je me cite le premier, parce que la personne qui vient ensuite est une excellente fille qui ne se formalisera pas de si peu), moi, dis-je, et la maîtresse d'un de mes amis, une petite bonne femme, très gentille, mais qui n'a inventé aucun explosif.

–Qu'est-ce que ça veut dire?

–Comment, vous ne comprenez pas?

–Je ne sais pas l'américain, moi!

–Si vous voulez, je vous l'apprendrai, dès que vous aurez une minute.

–En attendant, expliquez-moi:

Ça veut dire: Une loi va être présentée au Congrès pour la protection du public et pour interdire l'importation des décès.

–L'importation des décès?

–Bien sûr, l'importation des décès! Ça vous étonne, ça?

–Dame! un peu… Je ne vois pas bien…

–Ça n'est pourtant pas très compliqué. La douane de New-York, si la loi est votée, empêchera les décès de pénétrer. Comme ça, personne ne claquera plus en Amérique.

–Ça, par exemple, c'est épatant! Et pourquoi qu'on n'en fait pas autant en France?

–Ah! voilà. Tant que nous aurons ce gouvernement-là, on ne pourra espérer aucune réforme. Imagine toi, ma pauvre petite, qu'il y a trois ans, monsieur Conrad de Witt, député de Pont-l'Évêque, a proposé un droit d'entrée de 3 francs par tonne sur les ouragans… La Chambre l'a repoussé.

–Tu crois que faudrait pas mieux un bon empereur, tout de même?

–À qui le dis-tu!

… À une devanture de libraire, j'ai aperçu Rouge et Noir, de Stendhal.

L'envie m'a pris de relire cet admirable livre et je l'ai acheté. Comme le libraire avait une bonne tête, je lui ai demandé:

–Vous n'auriez pas, du même auteur, Pair et Impair ou bien Manque et Passe?

Et le commerçant, avec un aplomb infernal, m'a répondu:

–Pas pour le moment, monsieur, mais si vous le désirez, je peux vous le faire venir.

Il en a une santé, celui-là! comme dit le sympathique directeur d'un grand journal littéraire de Paris.

… Anglomanie.

–Vous voyez ce monsieur, à cette table, avec ses deux filles?

–Je vois surtout tes deux jeunes filles.

–Eh bien! c'est un Américain qui est à la tête d'une dizaine de millions de dollars. À quatorze ans, ce bonhomme-là…

–N'achevez pas… À quatorze ans, il conduisait des trains de bois sur l'Hudson. Tous les Américains qui sont arrivés à quelque chose ont débuté par conduire des trains de bois sur l'Hudson. Continuez.

–Rien d'étonnant, d'ailleurs, à ce que cet homme ait si merveilleusement réussi. Il avait au plus haut degré cette qualité… Malheureusement, nous n'avons pas en français de mot pour bien exprimer cette qualité si américaine.

–Comment dit-on en anglais?

–On dit… activity.

… Déjeuné au mess de MM. les officiers du bataillon de chasseurs alpins. Fait la connaissance du lieutenant Élie Coïdal, un charmant garçon qui va faire parler de lui avec sa nouvelle invention de la bicyclette de montagne.

Jusqu'à présent, les bicyclettes n'avaient guère rendu de services que sur les routes horizontales ou, tout au moins, de faible pente.

Mais pour ce qui est de l'alpinisme, il n'y avait rien de fait, comme dit Jules Simon.

L'idée n'est venue à personne, pas même au redoutable alpiniste Étienne Grosclaude, d'ascensionner le Mont-Blanc à l'aide d'un vélocipède.

Le lieutenant Élie Coïdal vient de combler cette lacune.

Sa bicyclette de montagne ressemble, à première vue, à n'importe quelle bicyclette. Disons même qu'elle lui est sensiblement identique.

Elle n'en diffère que par un dispositif des plus subtils et dont l'idée fait grand honneur à son inventeur.

À l'extrémité de chaque roue—l'extrémité d'une roue! ça vous épate, ça, hein?—est fixé une manière de piton auquel peut s'accrocher une forte courroie de cuir.

Vient-il à s'agir de grimper un pic inaccessible, le touriste installe la courroie de cuir, se la passe autour du corps en bandoulière (de l'italien in bandoliera qui veut dire en sautoir).

L'ascension n'est plus, dès lors, pour un gaillard un peu résolu, qu'un jeu d'enfant.

La bicyclette en aluminium est, pour ce sport infiniment préférable à celle en platine écroui (densité, 23 et quelque chose).

… Môme fin de siècle:

–Viens, Pierre, nous allons faire un tour.

–Où qu' nous allons, m'man?

–Sur la promenade des Anglais.

–Ah! zut! j'en ai soupé, moi, de la balade aux Angliches!

… Étrange! Étrange!

J'ai demandé, ce matin, à un sergent de ville de Nice:

–Pardon, mon lieutenant8, pour aller au Pont-Vieux, s'il vous plaît?

–Oh! mon Dieu, c'est bien simple, monsieur. Prenez le boulevard du Pont-Neuf que voici, et allez tout droit, vous arriverez au Pont-Vieux.

Prendre le boulevard du Pont-Neuf pour aller au Pont-Vieux, c'est la première fois que m'arrivait pareille aventure.

–Mais, me dis-je, peut-être que pour aller au Pont-Neuf il faut prendre le boulevard du Pont Vieux.

Ça ne rata pas:

–Pardon, mon lieutenant, fis-je à un autre sergot, pour aller au Pont-Neuf, s'il vous plaît?

–Oh! mon Dieu, c'est bien simple, monsieur. Prenez le boulevard du Pont-Vieux que voici, et allez tout droit, vous arriverez au Pont-Neuf.

… Puisque je parle de ces deux ponts, laissez-moi vous signaler l'unique au monde spectacle du Paillon, par un coup de soleil.

Des femmes sans nombre et myriachromes y lavent du linge et le font sécher.

Le Paillon est, d'ailleurs, une des rares rivières de France dont la principale occupation soit de sécher du linge.

… Lu, dans un journal local, cette annonce troublante:

SAN-REMO
Hôtel X…
Grâce à une disposition ingénieuse, tous les appartements de l'hôtel X… sont exposés au Midi

Je ne connais pas la disposition ingénieuse en question, mais je puis affirmer, de chic, que celui qui l'a imaginée n'est pas un type ordinaire.

… Chacun procède au culte de la patrie comme il l'entend.

J'ai vu, tout à l'heure, un Américain qui, à la lecture d'une dépêche du Gordon Bennett Herald, relatant la pluie à New-York, a, tout de suite, relevé le bas de son pantalon, bien que le sol, à Nice, fût parfaitement sec, et radieux le soleil.

… L'excellent Jacques Isnardon, qui détient, en ce moment, le record du succès au Casino Municipal, possède une nièce, un amour de petite nièce d'une demi-douzaine d'années, laquelle, née et élevée à Marseille, a un assent des plus comiques dans cette petite bouche.

Je la rencontre sur le trottoir à la porte d'un magasin.

Après lui avoir fait une grimace pour la faire rire—quand elle rit, ça lui met aux joues deux jolies petites fossettes—je lui demande:

–Que fais-tu ici, toute seule, jeune Émilie?

La jeune Émilie me répond par un gazouillis qui ne me semble avoir rien de commun avec le langage humain.

Je réitère ma question. Émilie réitère sa tyrolienne.

À la fin, je réussis à noter les sons qu'elle émet:

Ja tann tann tann tô nine.

Heureusement, sa tante, sa gracieuse tante sort du magasin et m'explique.

Émilie me disait tout simplement:

–J'attends tante Antonine.

Je ne m'en serais jamais douté.

Tiens, ça me fait penser que je déjeune, demain, chez Isnardon.

… Le docteur australien nous en a raconté une bien bonne, ce matin, au déjeuner.

On parlait de la grande discussion qui passionne, en ce moment, certains milieux:

«Est-il indispensable que les médecins sachent le latin pour vous prescrire un gramme d'antipyrine ou pour vous couper la jambe?»

–Cette discussion, dit le docteur, me rappelle le plus extraordinaire pharmacien que j'aie vu de ma vie. En voilà un qui n'avait pas fait son éducation à Oxford ni à Cambridge, ni même à Cantorbery, comme Max Lebaudy! Il ignorait le latin, le grec et n'était pas bien reluisant sur l'orthographe anglaise… Ceci se passait dans une petite ville d'Australie de fondation récente. Notre homme… s'était établi apothicary, comme il se serait établi marchand de copeaux, tout simplement parce qu'il n'y avait pas d'apothicary dans le pays. Ses affaires prospérèrent assez bien, d'ailleurs. Au cours d'un voyage qu'il fit à Melbourne, le potard improvisé remarqua une magnifique pharmacie sur la devanture de laquelle était peinte cette devise latine: Mens sana in corpore sano, qui le frappa fort. À son retour, il n'eut rien de plus pressé que d'orner sa boutique de cette merveilleuse sentence qu'il élargit à sa manière, et bientôt les habitants de Moontown purent lire, à leur grand ébaubissement, cette phrase en lettres d'or:

MENS AND WOMENS
SANA IN CORPORE SANO

(Mens and womens, en dépit d'une légère faute d'orthographe, bien excusable aux antipodes, signifie hommes et femmes.)

… Le même docteur, qui me fait l'effet d'être un joli pince-sans-rire, disait, en parlant de cet hôtel de San-Remo dont les appartements, grâce à une disposition ingénieuse, sont tous exposés au Midi:

–Moi, j'ai vu plus fort que ça.

Vous pensez si on tendit l'oreille.

 

–Oui, j'ai vu plus fort que ça. C'est une jeune fille russe, à Menton, qui avait le poumon droit attaqué. Dans ses promenades, elle s'arrangeait de façon à avoir toujours le côté droit au soleil.

–Pardon, docteur, interrompt un vieux monsieur, ça ne devait pas toujours être bien commode.

–Pourquoi cela, pas bien commode? Est-ce qu'on ne peut pas toujours s'arranger pour avoir le soleil à sa droite ou à sa gauche?

–Je ne vous dis pas, mais… Enfin, une supposition: votre jeune fille russe sort de l'hôtel. Bon! Elle va se promener dans une direction qui lui permet d'avoir le soleil à sa droite. Mais quand elle rentre à l'hôtel?…

–Elle rentre par un autre chemin, pardi.

–Ah! c'est juste.

Le plus comique, c'est que le vieux monsieur est parfaitement persuadé de l'exactitude du raisonnement, et même il a l'air de se dire:

–Faut-il que je sois bête pour ne pas avoir songé à cela!

… Je crois que l'existence deviendrait plus aisément coulable et qu'on pourrait parfois, comme disent les Anglais, take a smile with life, si on s'attachait à lire toutes les choses exquises écrites sur les murailles des cités ou la paroi externe des magasins.

En débarquant à la gare d'Antibes, l'œil émerveillé du voyageur peut immédiatement contempler un avis au public, composé de lettres de 1 mètre de hauteur, ainsi conçu:

Il est interdit de déposer le long des remparts aucuns matériaux autres que des décombres en bon état

Pour une voirie soigneuse, la voirie d'Antibes est une voirie soigneuse.

Et cette enseigne, cueillie sur la boutique d'un petit épicier de Villefranche:

Denrées coloniales anglaises et du pays

… Dialogue de table d'hôte.

–Et… vous comptez passer tout l'hiver à Nice?

–Oh non, je ne crois pas. D'ailleurs, cela ne dépend pas de moi.

–Vous avez des affaires à Paris?

–Oh! non, pas d'affaires à Paris.

–Je dis à Paris… ou ailleurs, bien entendu.

–Ni à Paris, ni ailleurs.

–Eh bien! alors, cela dépend de vous.

–Non, cela ne dépend pas de moi. Je resterai à Nice, jusqu'à ce que j'ai rattrapé les 80 kilos que je pesais cet été… Encore trois livres et demie et ça y sera.

… Haute philosophie de mon jeune ami Pierre.

–Pierre, as-tu fini tes devoirs?

–Je les ai seulement pas commencés.

–Veux-tu bien les faire tout de suite, petit malheureux!

–Dis donc, m'man, crois-tu que ça soit bien utile?

–Bien utile… quoi?

–De faire mes devoirs, parbleu?

–Quelle question ridicule! Allons, dépêche-toi!

–Parce que, je vais te dire, m'man, plus que je vieillis, plus que je trouve inutile de se fiche tant de coton!

–Tant de…?

–Tant de coton! tant de peine, quoi!… Ainsi, tous ces bonshommes épatants, qu'on voit dans les versions latines, qui faisaient des bouquins, qui gagnaient des batailles et tout le tremblement, à quoi que ça leur sert d'avoir fait tout ce turbin-là, maintenant qu'il y a trois mille ans qu'ils sont claqués?

–En voilà un raisonnement!

–Bien sûr que c'est un raisonnement! T'es ben gentille, ma pauvre p'tite mère, seulement… voilà, tu ne comprends pas ces machines-là.

–Merci, Pierre.

–Et moi, quand il y aura trois mille ans que je serai claqué…

–Veux-tu te taire! malheureux enfant!

–Tiens, te voilà encore! Est-ce que tu t'imagines, par exemple, que je serai vivant dans trois mille ans? Et toi aussi? Et papa aussi? Et Bébé aussi? Ah ben zut! alors, nous serions rien gaga!… Alors, quand il y aura trois mille ans que je serai claqué, à quoi que ça me servira de m'être rasé à faire des devoirs?… Tiens, veux-tu que je te dise? Si on était raisonnable, on passerait sa vie rien qu'à la rigolade.

… À Toulon.

Des gendarmes entourent un wagon décoré de cette inscription: ministère de l'intérieur.

En descendent de jeunes messieurs, dénués de distinction et pas très luxueusement vêtus.

Je demande à un vieillard solennel et propret qui a l'air de se trouver tout à fait chez lui dans cette gare:

–Des forçats, sans doute, monsieur?

–Pas précisément, me répond le vieillard solennel et propret, des relégués, tout simplement… Ces voyageurs sont de jeunes hommes que la police cueillit, une belle nuit, en des bouges de la périphérie parisienne et qui ne purent justifier d'autres moyens d'existence que l'argent à eux versé par leur concubine, argent provenant de la prostitution. Le gouvernement, en vertu d'une loi votée voilà tantôt trois ou quatre ans, procure à ces messieurs toutes facilités pour aller exercer leur coupable industrie par des latitudes diamétralement opposées à la nôtre.

–Alors, ce wagon est, comme qui dirait, un alphonse-car.

–Pas si fort, monsieur! Les mânes d'Alphonse Karr reposent tout près d'ici, à Saint-Raphaël, et pourraient vous entendre.

–Les morts n'entendent pas, vieillard solennel et propret!

… À la Réserve:

–Et après le poisson, qu'est-ce que ces messieurs prendront?

–Moi, répond Narcisse Lebeau, je prendrai un beefteak sur le gril sans beurre.

–Sans beurre?

–Oui, sans beurre… et sans reproche!

… Aux courses.

–Tiens, voilà Montaleuil!… Qu'est-ce qu'il a donc de vert à la boutonnière?

–Le Mérite agricole, parbleu!

–Le Mérite agricole à Montaleuil! Ah! celle-là est bonne!

–Mais pas du tout! dit Pierre Nicot. Au point de vue champêtre, Montaleuil est loin d'être le premier venu. C'est lui l'inventeur du procédé qui consiste à nourrir les lapins qu'on pose avec les carottes qu'on tire.

… Devant le magasin d'un coiffeur à prétentions britanniques.

Dialogue entre une jeune niaise et celui qui écrit ces lignes:

La jeune niaise: Qu'est-ce que ça veut dire Hair dresser?

Celui qui écrit ces lignes: Hair, ça veut dire cheveux.

L. J. N.: Et dresser?

C. Q. E. C. L.: Dresser, parbleu, ça veut dire dresseur.

L. J. N.: Et alors?

C. Q. E. C. L.: Alors, le hair dresser, c'est un individu qui vous fait tellement mal en vous rasant que les cheveux vous en dressent sur la tête.

L. J. N.: Ah?

C. Q. E. C. L.: Oui.

… Le record de la distraction est certainement détenu par un monsieur qui prend ses repas dans une pension où je vais quelquefois.

Hier matin, j'arrive très en retard. Presque tout le monde finissait de déjeuner.

Je prends des sardines et, en songeant à autre chose, je les passe au susdit monsieur qui grignotait un dessert quelconque.

Le pauvre homme saisit la boîte et, docilement, se sert une sardine qu'il mange d'un air de candeur inexprimable.

Tous les gens autour de nous ont ri comme des bossus. Le monsieur s'est aperçu de son étourderie et c'est grand dommage, car je me serais amusé à le faire redéjeuner totalement.

… Fragment de conversation entre mon jeune ami Pierre et sa maman:

–T'es-tu bien promené, Pierre?

–Oh! oui, m'man! j'ai assez rigolé!… Et puis, tu sais pas ce que j'ai vu? Devine.

–Mais je ne peux pas deviner.

–Quelque chose d'épatant: une nounou nègre!

–Que vois-tu de si extraordinaire en cela?

–Tu trouves pas ça épatant, toi? Eh ben! zut, t'es pas dure!… Tu sais pas l'effet que ça me fait à moi, une nounou nègre?

–Dis un peu.

–Eh ben! l'effet que ça me fait, c'est que le gosse doit téter du café au lait!

… Maintenant que le gentleman en question vogue entre le Havre et New-York, je peux bien conter l'histoire.

Le gentleman en question est rédacteur important dans un Chicago Tribune quelconque.

On m'a présenté à lui comme étant Maurice Barrès. Joie débordante du Yankee.

J'ai subi une interview des plus corsées.

À la grande satisfaction de mes camarades, j'ai bourré mon homme de documents infiniment contestables et d'idées personnelles, semblant provenir de Ville-Evrard, au sujet de révolution littéraire et artistique de notre belle France.

Ce journaliste américain fut tellement ravi d'avoir fait la connaissance de Barrès qu'il nous invita tous, le soir même, au Helder, où nous avons fait un dîner, mes petites chéries, je ne vous dis que ça!

Je ne sais pas encore comment Barrès prendra la chose quand il recevra le journal d'Amérique.

… Il faudrait le pinceau de Goya pour dépeindre le ravissement où me plongea la lisance des feuilles d'aujourd'hui.

L'abondance des matières nous force, à notre grand regret, à écourter les citations.

Au choix:

D'abord, dans l'Éclair, une chronique de Gerville-Réache qui débute par cette phrase définitive et lapidaire:

Il y a quatre aspects dans Victor Schœlcher.

Quatre, seulement?

Êtes-vous bien sûr, Gerville, de n'en avoir pas oublié un petit?

Dans le Petit Niçois, une circulaire du général Poilloüe de Saint-Mars, commandant du 12e corps, dans laquelle je relève une observation frappée au coin du bon sens:

Le pied du soldat est un organe d'une très grande importance (sic).

Votre remarque, mon général, est très juste.

C'est même grâce à cette considération que les conseils de revision hésitent rarement à réformer un cul-de-jatte.

Ah! je ne lis pas souvent les journaux, mais quand je les lis, je ne m'embête pas!

… Quai des Phocéens, à côté du New-Garden Bar, il y a un grand marchand de liquides et de produits de toutes sortes, lequel se nomme Berlandina.

Le Captain Cap me donna une excellente idée, c'était d'aller proposer à cet industriel de lui composer une chanson-réclame dont le refrain serait:

 
Berlandina, Berlandinette! (bis)
 

M. Berlandina demanda à réfléchir.

Sur notre assurance que cette chanson lui serait fournie à titre gracieux, il accepta immédiatement.

Seulement… dame! n'est-ce pas?… on ne peut pas faire une chanson… comme ça… de chic… Il faudrait quelques échantillons… pour nous donner des idées.

Et le soir, quand nous rentrons chez nous, Cap et moi, nous trouvons une admirable sélection des best spirits of the world.

Cap juge que M. Berlandina a bien fait les choses et que nous sommes, d'ailleurs, des garçons d'infiniment de ressources.

… Rencontré à Beaulieu deux matelots américains du Chicago, le croiseur qui est en rade de Villefranche.

Ces deux Yankees, ivres comme toute une escadre polonaise, se font des confidences probablement consternées, car ils pleurent, tels deux lugubres veaux.

–Qu'ont-ils bien pu boire, ces malheureux, pour être si tristes?

Et Maurice Leblanc, duquel j'aurais attendu une toute autre réponse, suppose:

–Peut être bien des chopines Auër.

(Car, détail peu connu, M. Auër ne s'est pas contenté d'inventer le bec qui porte son nom. Il imagina, en outre, les affligeantes chopines qui désolent notre époque.)

… Toulon!

Depuis la joyeuse fête (il y a six semaines) de la Batterie des hommes sans peur, je m'étais bien promis de le revoir ce Toulon gai, tout pimpant avec ses mathurins au grand joli col bleu, au regard clair et brave. Je me suis tenu parole.

Arrivé le soir. On donnait Sigurd au Grand-Théâtre.

J'adore sacrifier au Grand Art, en général, et au père Reyer, en particulier.

Je me suis donc envoyé les deux premiers actes de Sigurd. Interprétation éminemment discutable.

Je signalerai, entre autres, les choristes-dames, qui gagneraient énormément,—les pauvres femmes!—à avoir vingt-cinq ou trente ans de moins.

Les choristes-hommes ne perdraient pas, non plus, grand'chose à avoir l'air un peu moins paquet.

Pour ce qui est des deux sexes réunis, je ne verrais nul inconvénient à ce qu'ils chantassent juste et en mesure, ou même qu'ils ne chantassent pas du tout.

… Au contrôle de ce théâtre de Toulon, on distribue, en guise de contremarques, des cartes à jouer, marquées d'un quelconque signe cabalistique.

Au premier entr'acte, je fus loti d'un neuf de pique.

Au second, m'échut en partage la dame de cœur.

Si, au lieu de jouer Sigurd, c'eût été au baccara, j'abattais, et, j'ose le dire, c'était bien mon tour.

… Rentré à Paris.

Zut!

Ah! elle est chouette, la Ville-Lumière!

Si je retournais là-bas!

FIN
8J'appelle toujours les sergents de ville de province mon lieutenant. Ça ne me coûte rien et ça leur fait tant plaisir!