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Lettres de Mmes. de Villars, de Coulanges et de La Fayette, de Ninon de L'Enclos et de Mademoiselle Aïssé

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LETTRE XLIX

A LA MÊME
Paris, 5 février 1704.

La comtesse de Grammont, madame, ne se porte pas bien; aussi je la crois moins soutenue que le comte par les charmes de la cour, quoiqu'elle y soit traitée avec toutes les distinctions possibles. M. de l'Hôpital est mort135; c'étoit une de vos conquêtes. Sa femme136 demeure avec quarante mille écus de rente. Cela change fort son état; car on ne la faisoit vivre que des infiniment petits137. L'abbé Testu est dans un état très-digne de pitié. Ses vapeurs augmentent; au lieu de diminuer. Il y a trois mois qu'il n'a dormi. Il ne mange plus, et son imagination se sent des désordres de son corps. Ajoutez à tous ses maux soixante-dix-huit ans, et vous jugerez que nous aurons bien de la peine à le tirer de l'état où il est. Quelle tristesse, madame, de voir disparoître toutes les personnes avec qui l'on a vécu! j'apprends dans ce moment la mort de madame de Boisdauphin. Je vous quitte avec regret, madame, pour aller au secours de madame de Louvois. Ce ne sera pourtant, qu'après vous avoir suppliée de ne point oublier la manière dont je vous honore, j'ose dire plus, celle dont je vous aime. Je vois quelquefois madame de Lesdiguières; j'ai même été chez elle avec madame de Simiane, qui ne l'avoit point vue depuis la perte de son fils138. Cette dernière prétend que ce n'étoit point sa faute; mais il étoit un peu tard, je l'avoue. Elle vous adore (madame de Lesdiguières); mais elle soutient, et je suis de son avis, que ce n'est pas vous voir que de se souvenir de vous. Je crois le printemps revenu à Marseille; car il se laisse entrevoir dans ce pays ci. J'oubliois de vous dire que l'abbé Testu a été très-sensible à l'honneur de votre souvenir, malgré la cruauté de tous ses maux.

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LETTRE L

A LA MÊME
Paris, 3 mars 1704.

Je me suis acquittée des ordres que vous m'avez donnés, madame, et j'ai mille et mille remercîmens à vous faire de madame de Louvois, qui m'a paru fort touchée de votre attention à son égard. La pauvre femme a hérité de cinquante-quatre mille livres de rente. Je ne l'en, crois pas plus heureuse, et je sais bien que je me sens très-éloignée de l'envier. Nous avons eu la duchesse du Lude quatre jours ici. Cela devient ridicule d'être aussi belle qu'elle l'est; les années coulent sur elle, comme l'eau sur la toile cirée. Sa joie est très-grande de l'heureuse grossesse de sa jeune princesse. Le P. Massillon réussit à la cour, comme il a réussi à Paris; mais on sème souvent dans une terre ingrate, quand on sème à la cour; c'est-à-dire que les personnes qui sont fort touchées de sermons, sont déjà converties, et les autres attendent la grâce, souvent sans impatience; l'impatience seroit déjà une grande grâce. En vérité, madame, M. le marquis de Grignan est ce qui s'appelle un homme de bien, sans qu'il lui en coûte de déplaire au monde: au contraire, on, l'en aime davantage. Pour moi, j'avoue que je l'honore au dernier point. Madame de Simiane se porte à merveille; elle se dispose à vous aller trouver ce printemps, puisque le duc de Savoie ajoute à tous les maux qu'il nous fait, celui de vous obliger à demeurer en Provence. Nous avons ici un voisin qui vous désire beaucoup à Paris, madame: c'est M. le cardinal d'Estrées. Il s'adonne fort à venir ici les soirs; et j'ai été assez peu polie pour le prier de ne les pas pousser aussi loin qu'il faisoit. Mon antiquité ne me permet plus d'entretenir la compagnie au-delà de neuf heures; et notre cardinal, qui est plus vif et plus jeune que jamais, ne s'amuse point à savoir l'heure qu'il est. Je compte m'aller établir dans ma solitude139 vers les premiers jours de mai. J'y verrai le maréchal de Catinat, qui se trouve toujours à Saint-Gratien, pour y recevoir le premier rossignol. Le maréchal de Villars nous quitte pour aller habiter le quartier de Richelieu: il est si amoureux de sa belle maréchale, qu'il est difficile qu'il soit heureux. Cette passion est ordinairement suivie d'une autre qui trouble le repos, lors même qu'on a tout lieu de ne se point inquiéter. Le maréchal est souvent plus aise que s'il avoit épousé ma nièce; mais il est bien moins tranquille qu'il ne l'auroit été. La belle-mère de ma nièce se meurt, et le pauvre Termes mourut hier à six heures du matin. L'abbé Testu a des maladies bien réelles; il est à craindre maintenant qu'on ne soit obligé de lui faire une opération. Ajoutez à ce mal un cruel rhumatisme, et vous jugerez, madame, que ses vapeurs ne sont pas le plus grand de tous ses maux. Il est comme Job sur son fumier, à la patience près; je suis très-fâchée de son état. C'est, pour ainsi dire, demeurer seule sur la terre, que de voir disparoître tout ce que l'on a connu; ce qui est de certain, c'est que l'on n'y sera pas long-temps. Votre amie, madame de Lesdiguières, fait des merveilles pour la duchesse de Lesdiguières, jadis madame de Canaples.

Vous savez, madame, que notre Sanzei a été fait brigadier.

FIN
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LETTRES DE MMES. DE VILLARS, DE COULANGES, ET DE LA FAYETTE; DE NINON DE L'ENCLOS, ET DE MADEMOISELLE AÏSSÉ; Accompagnées de Notices biographiques, de Notes explicatives, et de la Coquette Vengée, par Ninon de l'Enclos.
SECONDE ÉDITION.
TOME SECOND

A PARIS,
Chez LÉOPOLD COLLIN, Libraire,
Rue Gît-le-cœur, Nº. 18
AN XIII. – 1805

LETTRES DE MADAME DE LA FAYETTE

NOTICE SUR Mme. DE LA FAYETTE

Marie-Magdeleine Pioche de la Vergne, comtesse de la Fayette, naquit, en 1632, d'Aymar de la Vergne, maréchal de camp et gouverneur du Hâvre-de-Grâce, et de Marie de Péna, d'une ancienne famille de Provence.

Mademoiselle de la Vergne eut le bonheur d'avoir un père en qui le mérite égaloit la tendresse. Il prit soin lui-même de l'éducation de sa fille, et cette éducation fut à la fois solide et brillante. Les lettres et les arts concoururent à embellir un heureux naturel. Ménage et le père Rapin se chargèrent d'enseigner le latin à mademoiselle de la Vergne. Introduite de bonne heure dans la société de l'hôtel de Rambouillet, la justesse et la solidité naturelle de son esprit n'auroient peut-être pas résisté à la contagion du mauvais goût, dont cet hôtel étoit le centre, si la lecture des auteurs latins ne lui eût offert un préservatif, qu'à cette époque elle ne pouvoit encore trouver dans notre littérature. Du reste, elle mit autant de soin à cacher son savoir que d'autres en mettent à l'étaler.

En 1655, âgée de 22 ans, elle épousa François, comte de la Fayette, frère de mademoiselle de la Fayette, fille d'honneur d'Anne d'Autriche, connue par ses chastes amours avec Louis XIII. Madame de la Fayette eut de son mari deux fils, dont l'un suivit la carrière des armes, et l'autre embrassa l'état ecclésiastique.

Douée d'un esprit cultivé et du talent d'écrire, madame de la Fayette ne pouvoit manquer d'avoir une estime particulière pour ceux en qui les mêmes avantages se faisoient remarquer. Plusieurs gens de lettres furent admis dans sa familiarité. De ce nombre étoit la Fontaine, dont la destinée sembloit être d'avoir les femmes les plus distinguées pour amies et pour bienfaitrices.

Segrais avoit déplu à Mademoiselle, au service de laquelle il étoit en qualité de gentilhomme ordinaire, pour avoir blâmé son projet de mariage avec Lauzun. Il fut obligé de quitter la maison de cette princesse. Madame de la Fayette le reçut dans la sienne. Ce fut pendant le séjour qu'il y fit qu'elle composa Zayde et la princesse de Clèves. Elle fit paroître le premier de ces romans sous le nom de Segrais. Le succès en fut si prodigieux, que madame de la Fayette, toute modeste qu'elle étoit, dut regretter de n'en pouvoir jouir qu'en secret, et que Segrais, sur-tout, dut désirer de ne pas rester plus long-temps chargé d'une gloire, qui, croissant chaque jour, devenoit un fardeau également incommode pour sa délicatesse et pour son amour-propre. Il en rendit la jouissance à celle qui en avoit la propriété, sans en rien retenir que l'honneur d'avoir donné quelques avis pour la disposition de l'ouvrage. Sa renonciation fut sincère, et l'on y crut.

 

Le docte Huet, depuis évêque d'Avranches, fut lié d'une amitié très-tendre avec madame de la Fayette. Il composa pour elle son Traité de l'origine des Romans, qui fut imprimé en tête de Zayde. C'est à ce sujet que madame de la Fayette disoit à Huet: Nous avons marié nos enfans ensemble.

Rien n'est plus connu que l'amitié de madame de la Fayette et du duc de la Rochefoucauld, l'auteur des Maximes. Elle dura plus de vingt-cinq ans, et la mort seule en rompit les nœuds. Ce ne seroit point assez de dire que M. de la Rochefoucauld et madame de la Fayette se voyoient tous les jours; ils étoient continuellement ensemble; ils ne se quittoient pas. Le duc de la Rochefoucauld, après l'éclat et les agitations de sa jeunesse, condamné à la retraite et au repos, éloigné des places et des honneurs, abandonné de ceux qui ne s'attachent qu'à la faveur, et de plus obsédé de maux très-douloureux, se livroit trop souvent aux accès d'une injuste misantropie. Dans cette position, quelle société pouvoit lui être plus nécessaire que celle d'une femme aimable et bonne, qui embellît sa solitude, remplît le vide de son âme, adoucît son humeur et ses chagrins, dont l'attachement désintéressé fût une continuelle réfutation de son triste système, dont l'entretien fît une agréable diversion aux maux qu'elle ne parviendroit pas à soulager par ses soins, qui attirât chez lui, auprès de qui il pût trouver ce choix d'hommes instruits et de femmes spirituelles, si préférable à la foule des courtisans frivoles et perfides? Telle étoit madame de la Fayette pour M. de la Rochefoucauld. Son ami mourut; elle fut inconsolable. Accablée par le chagrin et les infirmités, ayant perdu ce qui l'attachoit le plus au monde, elle se jeta toute entière dans le sein de Dieu. Les dernières années de sa vie furent consacrées aux pratiques de la piété la plus austère; elle mourut en 1693, dans sa soixantième année.

Le trait le plus marqué de son caractère, étoit la franchise. M. de la Rochefoucauld lui avoit dit qu'elle étoit vraie. Ce mot qui n'avoit point encore été employé dans cette acception, parut la peindre parfaitement, et dès lors chacun le lui appliqua.

Son caractère et sa conduite ont été attaqués; mais la malignité connue de ses détracteurs suffit presque seule pour réfuter leurs accusations. Il suffit de nommer la Beaumelle, historien infidèle, qui presque toujours mettoit à la place de la vérité les caprices de son humeur ou les saillies de son imagination; et Bussy-Rabutin, ce satirique impitoyable qui n'épargna ni le roi ni madame de Sévigné, sa cousine, c'est-à-dire, ce qu'il y avoit de plus puissant et de plus aimable. Aux calomnies de pareils hommes, opposons un témoignage, qui, pour être favorable, n'en est pas moins digne de foi. C'est celui de madame de Sévigné. «Madame de la Fayette, écrivoit-elle à sa fille, est une femme aimable et estimable, que vous aimiez dès que vous aviez le temps d'être avec elle, et de faire usage de son esprit et de sa raison. Plus on la connoît, plus on s'y attache.»

Madame de la Fayette avoit l'esprit éminemment juste. Segrais lui avoit dit: Votre jugement est supérieur à votre esprit. Cette opinion lui avoit paru très-flatteuse. On sent que pour bien goûter une pareille louange, il faut la mériter. Elle ne portoit dans la conversation ni les saillies étincelantes et caustiques de madame Cornuel, ni la vivacité spirituelle de madame de Coulanges, ni l'aimable abandon de madame de Sévigné; mais ses discours étoient d'une précision élégante et ingénieuse. On a retenu d'elle plusieurs mots, entr'autres celui-ci: Les sots traducteurs ressemblent à des laquais ignorans qui changent en sottises les complimens dont on les charge.

Il est inutile de s'étendre ici sur ses ouvrages que tout le monde connoît. Zayde, la princesse de Clèves, la comtèsse de Tende et la princesse de Montpensier, seront lues avec plaisir aussi long-temps qu'on sera sensible à la délicatesse des sentimens, aux grâces et au naturel du style. Outre ses romans, elle avoit composé un assez grand nombre d'ouvrages historiques; mais les manuscrits se sont perdus par la négligence de l'abbé de la Fayette, son fils, qui les prêtoit à tout le monde, et ne les redemandoit pas. On n'a conservé que deux de ces écrits; l'un est intitulé: Mémoires de la cour de France, pour les années 1688 et 1689; l'autre est l'histoire de madame Henriette-Anne d'Angleterre, première femme de Monsieur.

On a encore de madame de la Fayette un portrait de madame de Sévigné, l'un des meilleurs qu'on ait faits dans ce siècle où l'on en fit tant. L'amitié retraça fidèlement les traits d'un modèle qu'elle n'avoit pas besoin d'embellir. Ce portrait a été placé dans le volume que nous publions à la suite des lettres de madame de la Fayette.

Ces lettres, qui sont au nombre de quatorze, sont adressées à cette même madame de Sévigné, dont elles ne dépareroient pas le recueil. On peut croire que, si madame de la Fayette se fût livrée davantage au commerce épistolaire, elle eût approché en ce genre du talent et de la réputation de son amie; «mais, lui écrivoit-elle un jour, le goût d'écrire m'est passé pour tout le monde; et, si j'avois un amant qui voulût de mes lettres tous les patins, je romprois avec lui.»

LETTRES DE MADAME DE LA FAYETTE, A MADAME DE SÉVIGNÉ

LETTRE PREMIÈRE
Paris, 30 décembre 1672

J'ai vu votre grande lettre à d'Hacqueville: je comprends fort bien tout ce que vous lui mandez sur l'évêque de Marseille; il faut que le prélat ait tort, puisque vous vous en plaignez. Je montrerai votre lettre à Langlade, et j'ai bien envie encore de la faire voir à madame du Plessis; car elle est très-prévenue en faveur de l'évêque. Les Provençaux sont des gens d'un caractère tout particulier.

Voilà un paquet que je vous envoie pour madame de Northumberland. Vous ne comprendrez pas aisément pourquoi je suis chargée de ce paquet; il vient du comte de Sunderland, qui est présentement ambassadeur ici. Il est fort de ses amis; il lui a écrit plusieurs fois; mais n'ayant point de réponse, il croit qu'on arrête ses lettres, et M. de la Rochefoucauld, qu'il voit très-souvent, s'est chargé de faire tenir le paquet dont il s'agit. Je vous supplie donc, comme vous n'êtes plus à Aix, de le renvoyer par quelqu'un de confiance, et d'écrire un mot à madame de Northumberland, afin qu'elle vous fasse réponse, et qu'elle vous mande qu'elle l'a reçu; vous m'enverrez sa réponse. On dit ici que si M. de Montaigu n'a pas un heureux succès dans son voyage, il passera en Italie pour faire voir que ce n'est pas pour les beaux yeux de madame de Northumberland qu'il court le pays: mandez-nous un peu ce que vous verrez de cette affaire, et comment il sera traité.

La Marans est dans une dévotion et dans un esprit de douceur et de pénitence qui ne se peuvent comprendre: sa sœur140, qui ne l'aime pas, en est surprise et charmée; sa personne est changée à n'être pas reconnoissable: elle paroît soixante ans. Elle trouva mauvais que sa sœur m'eût conté ce qu'elle lui avoit dit sur cet enfant de M. de Longueville, et elle se plaignit aussi de moi de ce que je l'avois redonné au public; mais ses plaintes étoient si douces, que Montalais en étoit confondue pour elle et pour moi; en sorte que, pour m'excuser, elle lui dit que j'étois informée de la belle opinion qu'elle avoit que j'aimois M. de Longueville. La Marans, avec un esprit admirable, répondit que puisque je savois cela, elle s'étonnoit que je n'en eusse pas dit davantage, et que j'avois raison de me plaindre d'elle. On parla de madame de Grignan; elle en dit beaucoup de bien, mais sans aucune affectation. Elle ne voit plus qui que ce soit au monde, sans exception; si Dieu fixe cette bonne tête-là, ce sera un des grands miracles que j'aurai jamais vus.

J'allai hier au Palais-Royal avec madame de Monaco; je m'y enrhumai à mourir: j'y pleurai Madame141 de tout mon cœur. Je fus surprise de l'esprit de celle-ci142; non pas de son esprit agréable, mais de son esprit de bon sens: elle se mit sur le ridicule de M. de Meckelbourg d'être à Paris présentement; et je vous assure que l'on ne peut mieux dire. C'est une personne très-opiniâtre et très-résolue, et assurément de bon goût; car elle hait madame de Gourdon à ne la pouvoir souffrir. Monsieur me fit toutes les caresses du monde au nez de la maréchale de Clérembault143; j'étois soutenue de la Fienne, qui la hait mortellement, et à qui j'avois donné à dîner il n'y a que deux jours. Tout le monde croit que la comtesse du Plessis144 va épouser Clérembault.

M. de la Rochefoucauld vous fait cent mille complimens; il y a quatre ou cinq jours qu'il ne sort point; il a la goutte en miniature. J'ai mandé à madame du Plessis que vous m'aviez écrit des merveilles de son fils. Adieu, ma belle, vous savez combien je vous aime.

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LETTRE II
Paris, 27 février 1673

Madame Bayard et M. de la Fayette arrivent dans ce moment; cela fait, ma belle, que je ne vous puis dire que deux mots de votre fils: il sort d'ici, et m'est venu dire adieu, et me prier de vous écrire ses raisons sur l'argent: elles sont si bonnes que je n'ai pas besoin de vous les expliquer fort au long; car vous voyez, d'où vous êtes, la dépense d'une campagne qui ne finit point. Tout le monde est au désespoir et se ruine. Il est impossible que votre fils ne fasse pas un peu comme les autres, et, de plus, la grande amitié que vous avez pour madame de Grignan, fait qu'il en faut témoigner à son frère. Je laisse au grand d'Hacqueville à vous en dire davantage. Adieu, ma très-chère.

 
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LETTRE III
Paris, 15 avril, 1673

Madame de Northumberland me vint voir hier; j'avois été la chercher avec madame de Coulanges: elle me parut une femme qui a été fort belle, mais qui n'a plus un seul trait de visage qui se soutienne, ni où il soit resté le moindre air de jeunesse; j'en fus surprise: elle est, avec cela, mal habillée; point de grâce; enfin, je n'en fus point du tout éblouie; elle me parut entendre fort bien tout ce qu'on dit, ou, pour mieux dire, ce que je dis; car j'étois seule. M. de la Rochefoucauld et madame de Thianges, qui avoient envie de la voir, ne vinrent que comme elle sortoit. Montaigu m'avoit mandé qu'elle viendroit me voir; je lui ai fort parlé d'elle; il ne fait aucune façon d'être embarqué à son service, et paroît très-rempli d'espérance. M. de Chaulnes partit hier, et le comte Tot aussi; ce dernier est très-affligé de quitter la France: je l'ai vu quasi tous les jours, pendant qu'il a été ici; nous avons traité votre chapitre plusieurs fois. La maréchale de Grammont s'est trouvée mal; d'Hacqueville y a été, toujours courant, lui mener un médecin: il est, en vérité, un peu étendu dans ses soins. Adieu, mon amie: j'ai le sang si échauffé, et j'ai tant eu de tracas ces jours passés, que je n'en puis plus; je voudrois bien vous voir pour me rafraîchir le sang.

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LETTRE IV
Paris, 19 mai 1673

Je vais demain à Chantilli: c'est ce même voyage que j'avois commencé l'année passée jusque sur le Pont-neuf, où la fièvre me prit; je ne sais pas s'il arrivera quelque chose d'aussi bizarre, qui m'empêche encore de l'exécuter: nous y allons, la même compagnie, et rien de plus.

Madame du Plessis étoit si charmée de votre lettre, qu'elle me l'a envoyée; elle est enfin partie pour sa Bretagne. J'ai donné vos lettres à Langlade, qui m'en a paru très-content; il honore toujours beaucoup madame de Grignan. Montaigu s'en va: on dit que ses espérances sont renversées; je crois qu'il y a quelque chose de travers dans l'esprit de la nymphe145. Votre fils est amoureux, comme un perdu, de mademoiselle de Poussai; il n'aspire qu'à être aussi transi que la Fare. M. de la Rochefoucauld dit que l'ambition de Sévigné est de mourir d'un amour qu'il n'a pas; car nous ne le tenons pas du bois dont on fait les fortes passions. Je suis dégoûtée de celle de la Fare: elle est trop grande et trop esclave; sa maîtresse ne répond pas au plus petit de ses sentimens: elle soupa chez Longueil et assista à une musique le soir même qu'il partit. Souper en compagnie quand son amant part, et qu'il part pour l'armée, me paroît un crime capital; je ne sais pas si je m'y connois. Adieu, ma belle.

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135Le a février.
136Marie-Charlotte de Romillei de la Chesnelaye.
137Allusion au livre du marquis de l'Hôpital, sur les infiniment petits.
138Jean-François-Paul de Créqui, duc de Lesdiguières, mort à Modène le 6 octobre 1703, âgé de 25 ans.
139A Ormesson.
140Mademoiselle de Montalais, fille d'honneur de madame Henriette-Anne d'Angleterre.
141Henriette-Anne d'Angleterre, morte le 29 juin 1670.
142Elisabeth-Charlotte, palatine du Rhin, que Monsieur, frère unique de Louis XIV, épousa en secondes noces le 21 novembre 1671.
143Gouvernante des enfans de Monsieur.
144Marie-Louise le Loup de Bellenave, veuve d'Alexandre de Choiseul, comte du Plessis; et remariée depuis à René Gillier de Puygarreau, marquis de Clérembault, premier écuyer de Madame, duchesse d'Orléans.
145Madame de Northumberland.