Czytaj książkę: «Mémoires de Constant, premier valet de chambre de l'empereur, sur la vie privée de Napoléon, sa famille et sa cour», strona 70

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CHAPITRE X

Chasse et déjeuné à Grosbois.—L'impératrice et ses dames.—Voyage inattendu.—La route de Fontainebleau.—Costumes de chasse, et désappointement des dames.—Précautions prises pour l'impératrice.—Le prétexte et les motifs du voyage.—Concordat avec le pape.—Insignes calomnies sur l'empereur.—Démarches préparatoires et l'évêque de Nantes.—Erreurs mensongères relevées.—Première visite de l'empereur au Pape.—La vérité sur leurs relations.—Distribution de grâces et de faveurs.—Les cardinaux.—Repentir du pape après la signature du concordat.—Récit fait par l'empereur au maréchal Kellermann.—Ses hautes pensées sur Rome ancienne et Rome moderne.—État du pontificat selon Sa Majesté.—Retour à Paris.—Arméniens et offres de cavaliers équipés.—Plans de l'empereur, et Paris la plus belle ville du monde.—Conversation de l'empereur avec M. Fontaine sur les bâtimens de Paris.—Projet d'un hôtel pour le ministre du royaume d'Italie.—Note écrite par l'empereur sur le palais du roi de Rome.—Détails incroyables dans lesquels entre l'empereur.—L'Élysée déplaisant à l'empereur, et les Tuileries inhabitables.—Passion plus vive que jamais pour les bâtimens.—Le roi de Rome à la revue du champ de Mars.—Enthousiasme du peuple et des soldats.—Vive satisfaction de l'empereur.—Nouvelles questions sur Rome adressées à M. Fontaine.—Mes appointemens doublés le jour de la revue à dater de la fin de l'année.

Le 19 janvier, l'empereur envoya prévenir l'impératrice qu'il allait chasser dans les bois de Grosbois, qu'il déjeunerait chez la princesse de Neufchâtel, et que Sa Majesté y viendrait avec lui. L'empereur me dit aussi de me rendre à Grosbois pour l'aider à changer de linge après la chasse. Cette partie eut lieu comme l'empereur l'avait annoncé. Mais quelle fut la surprise de toutes les personnes de la suite de l'empereur, lorsqu'au moment de remonter en voiture, au lieu de reprendre la route de Paris, Sa Majesté donna l'ordre de se diriger sur Fontainebleau! L'impératrice et les dames qui l'accompagnaient n'avaient absolument que leur costume de chasse, et l'empereur se divertit un peu des tribulations de coquetterie que les dames éprouvèrent en se voyant inopinément engagées dans une campagne sans munitions de toilette. Avant de partir de Paris, l'empereur avait donné des ordres pour que l'on envoyât en toute hâte à Fontainebleau tout ce qui pouvait être nécessaire à l'impératrice; mais ses dames se trouvaient prises au dépourvu, et c'était une chose curieuse que de les voir expédier, en arrivant, exprès sur exprès pour avoir les objets de première nécessité dont elles demandaient le prompt envoi.

Cependant on sut bientôt que la partie de chasse et le déjeuner à Grosbois n'avaient été que des prétextes, et que le but de l'empereur avait été de terminer lui-même avec le pape les différends qui existaient encore entre Sa Sainteté et Sa Majesté. Toutes choses ayant été préparées et convenues, l'empereur et le pape signèrent le 25 un arrangement, sous le nom de concordat, dont voici la teneur.

«Sa Majesté l'empereur et roi et Sa Sainteté, voulant mettre un terme aux différends qui se sont élevés entre eux, et pourvoir aux difficultés survenues sur plusieurs affaires de l'église, sont convenus des articles suivans, comme devant servir de base à un arrangement définitif.

Art. Ier. Sa Sainteté exercera le pontificat en France et dans le royaume d'Italie de la même manière et dans les mêmes formes que ses prédécesseurs.

2. Les ambassadeurs, ministres, chargés d'affaires des puissances près du Saint Père, et les ambassadeurs, ministres ou chargés d'affaires que le pape pourrait avoir près des puissances étrangères, jouiront des immunités et priviléges dont jouissent les membres du corps diplomatique.

3. Les domaines que le Saint Père possédait, et qui ne sont pas aliénés, seront exempts de toute espèce d'impôt; ils seront administrés par ses agens ou chargés d'affaires. Ceux qui seront aliénés seront remplacés jusqu'à la concurrence de deux millions de francs de revenu.

4. Dans les six mois qui suivront la notification d'usage de la nomination par l'empereur aux archevêchés et évêchés de l'empire et du royaume d'Italie, le pape donnera l'institution canonique, conformément aux concordats et en vertu du présent indult. L'information préalable sera faite par le métropolitain. Les six mois expirés sans que le pape ait accordé l'institution, le métropolitain, et à son défaut, ou s'il s'agit du métropolitain, l'évêque le plus ancien de la province procédera à l'institution de l'évêque nommé, de manière qu'un siége ne soit jamais vacant plus d'une année.

5. Le pape nommera, soit en France, soit dans le royaume d'Italie, à dix évêchés qui seront ultérieurement désignés de concert.

6. Les six évêchés suburbicaires seront rétablis. Ils seront à la nomination du pape. Les biens actuellement existans seront restitués, et il sera pris des mesures pour les biens vendus. À la mort des évêques d'Anagni et de Rieti, leurs diocèses seront réunis auxdits six évêchés, conformément au concert qui aura lieu entre Sa Majesté et le Saint Père.

7. À l'égard des évêques des états romains, absens de leurs diocèses par les circonstances, le saint père pourra exercer en leur faveur son droit de donner des évêchés in partibus. Il leur sera fait une pension égale au revenu dont ils jouissaient, et ils pourront être replacés aux siéges vacans, soit de l'empire, soit du royaume d'Italie.

8. Sa Majesté et Sa Sainteté se concerteront en temps opportun sur la réduction à faire, s'il y a lieu, aux évêchés de la Toscane et du pays de Gênes, ainsi que pour les évêchés à établir en Hollande et dans les départemens anséatiques.

9. La propagande, la pénitencerie, les archives seront établis dans le lieu du séjour du Saint Père.

10. Sa Majesté rend ses bonnes grâces aux cardinaux, évêques, prêtres, laïques, qui ont encouru sa disgrâce par suite des événemens actuels.

11. Le Saint Père se porte aux dispositions ci-dessus par considération de l'état actuel de l'église, et dans la confiance que lui a inspirée Sa Majesté qu'elle accordera sa puissante protection aux besoins si nombreux qu'a la religion dans les temps où nous vivons.

Napoléon. Pie vii.

Fontainebleau le 25 janvier 1813.»

On a cherché, par tous les moyens possibles, à jeter de l'odieux sur la conduite de l'empereur dans cette circonstance. On l'a accusé d'avoir injurié le pape, de l'avoir menacé même: tout cela est de la plus insigne fausseté. Les choses se passèrent de la façon la plus convenable. M. Devoisin, évêque de Nantes, ecclésiastique très-estimé de l'empereur, et son médiateur favori dans les discussions fréquentes qui s'élevaient entre le pape et Sa Majesté, était venu aux Tuileries le 19 janvier. Après être resté deux heures enfermé avec Sa Majesté, il était parti pour Fontainebleau. Ce fut immédiatement après cette entrevue que l'empereur monta en voiture avec l'impératrice, en costume de chasse, suivi de tout le service, également en costume de chasse.

Le pape, prévenu par M. l'évêque de Nantes, attendait Sa Majesté; les points importans étaient convenus d'avance et réglés, il ne s'agissait plus que de quelques clauses accessoires au but principal du concordat; il est donc impossible que l'entrevue n'ait point été amicale. On se pénétrera de cette vérité d'autant plus que l'on voudra réfléchir aux excellentes dispositions du Saint Père à l'égard de l'empereur, à l'amitié qu'ils avaient l'un pour l'autre, à l'admiration que le grand génie de Napoléon inspirait au pape. J'affirme donc, parce que je crois pouvoir le faire, que toutes les choses se passèrent honorablement, et que le concordat fut signé librement et sans contrainte par Sa Sainteté en présence des cardinaux réunis à Fontainebleau. C'est une calomnie atroce que d'avoir osé dire que, sur les refus réitérés du pape, l'empereur lui mit une plume trempée d'encre à la main, et, lui saisissant le bras et les cheveux, le força de signer en lui disant qu'il le lui ordonnait, et que sa désobéissance serait punie d'une prison perpétuelle. Il faut avoir bien peu connu le caractère de l'empereur, pour ajouter foi à ce conte absurde.

Une personne présente à cette entrevue, dont on s'est plu si méchamment à dénaturer les circonstances, me les a toutes racontées: c'est d'après elle que je parle. Aussitôt son arrivée à Fontainebleau, l'empereur fit une visite au Saint Père, qui la lui rendit le lendemain: celle-ci dura deux heures au moins; pendant ce temps la contenance de Sa Majesté fut toujours calme et ferme à la vérité, mais pleine de bienveillance et de respect pour la personne vénérable du pape. Quelques stipulations du traité alarmaient la conscience du Saint Père, l'empereur s'en aperçut; et, sans attendre de réclamations, déclara qu'il y renonçait. Ce procédé subjugua tout ce qu'il pouvait rester de scrupules dans l'esprit de Sa Sainteté; un secrétaire fut appelé, et rédigea les articles du traité, que le pape approuva l'un après l'autre avec une bonté toute paternelle.

Le 25 janvier, le concordat étant définitivement arrêté, le Saint Père se rendit dans les appartemens de Sa Majesté l'impératrice. Les deux contractans paraissaient également satisfaits; c'est une preuve de plus qu'il n'y avait eu ni tromperie ni violence. Le concordat fut signé par les augustes personnages, au milieu d'un cercle magnifique de cardinaux, d'évêques, de militaires, etc. Le cardinal Doria remplissait les fonctions de grand maître des cérémonies: ce fut lui qui recueillit les signatures.

Je ne saurais dire combien il y eut ensuite de félicitations données et reçues, de grâces demandées et obtenues, de reliques, de décorations, de chapelets, de tabatières, distribués de part et d'autre. Le cardinal Doria reçut de la propre main de Sa Majesté l'aigle d'or de la Légion-d'Honneur. Le grand aigle fut aussi donné au cardinal Fabricio-Ruffo; le cardinal Maury, l'évêque de Nantes, l'archevêque de Tours reçurent la grande croix de l'ordre de la Réunion; les évêques d'Évreux et de Trèves, la croix d'officiers de la Légion-d'Honneur; enfin le cardinal de Bayanne et l'évêque d'Évreux furent faits sénateurs par Sa Majesté. Le docteur Porta, médecin du pape, fut gratifié d'une pension de douze mille francs, et le secrétaire ecclésiastique, qui était venu dans le cabinet transcrire les articles du concordat, reçut en cadeau une magnifique bague en brillans.

À peine Sa Sainteté eut-elle signé le concordat qu'elle s'en repentit. Ce fut ainsi que l'empereur le dit au maréchal Kellermann, en se trouvant avec lui à Mayence vers la fin du mois d'avril.

«Le lendemain de la signature du fameux concordat de Fontainebleau, le pape devait dîner en public avec moi; mais dans la nuit, il fut malade ou feignit de l'être. C'était vraiment un agneau, tout-à-fait bon homme, un véritable homme de bien, que j'estime, que j'aime beaucoup, et qui de son côté me le rend un peu, j'en suis sûr.

»Croiriez-vous, continua Sa Majesté, qu'il m'écrivit huit jours après, qu'il était bien fâché d'avoir signé, que sa conscience lui en faisait un reproche, et qu'il me priait avec instance de regarder le concordat comme non avenu? C'est qu'immédiatement après que je l'eus quitté, il retomba dans les mains de ses conseillers habituels, qui lui firent un épouvantail de ce qu'il venait d'arrêter. Si nous eussions été seuls, j'en aurais fait ce que j'aurais voulu. Je lui répondis que ce qu'il me demandait était contraire aux intérêts de la France, qu'étant d'ailleurs infaillible, il n'avait pu se tromper, et que sa conscience était trop prompte à s'alarmer.

»Dans le fait, qu'était Rome ancienne, et qu'était-elle aujourd'hui? Froissée par les conséquences impérieuses de la révolution, pourrait-elle se relever et se maintenir? Un gouvernement vicieux dans l'ordre politique a succédé à l'ancienne législation romaine qui, sans être parfaite, était cependant propre à former de grands hommes dans tous les genres. Rome moderne a appliqué à l'ordre politique des principes qui pouvaient être respectables dans l'ordre religieux, et leur a donné une extension fatale au bonheur des peuples…

»Ainsi la charité est la plus parfaite des vertus chrétiennes… Il faut donc faire la charité à ceux qui la demandent. Voilà le raisonnement qui a rendu Rome le réceptacle de la lie de toutes les nations. On y voit réunis (m'a-t-on dit, car je n'y ai jamais été) tous les fainéans de la terre qui viennent s'y réfugier, assurés qu'ils sont d'y trouver une nourriture abondante et des largesses considérables. C'est ainsi que le territoire papal, que la nature avait destiné à produire des richesses immenses, par sa position sous un ciel heureux, par la multiplicité des ruisseaux dont il est arrosé et encore plus par la bonté du sol, languit faute de culture. Berthier m'a souvent répété que l'on traverse des pays considérables sans apercevoir l'empreinte de la main des hommes. Les femmes mêmes, qui sont regardées comme les plus belles de l'Italie, y sont indolentes, et leur esprit n'est susceptible d'aucune activité pour les soins ordinaires de la vie: c'est la mollesse des mœurs de l'Asie.

»Rome moderne s'est bornée à conserver une certaine prééminence par les merveilles des arts qu'elle renfermait. Mais nous l'avons un peu affaiblie, cette prééminence; le Muséum s'est enrichi de tous ces chefs-d'œuvre dont elle tirait tant de vanité; et bientôt le beau monument de la Bourse qui s'élève à Paris, l'emportera sur tous ceux de l'Europe ancienne et moderne.

»La France avant tout.

»Pour en revenir à l'ordre politique, que pouvait être le gouvernement papal dans son état actuel en présence des grandes souverainetés de l'Europe? De vieux petits souverains parvenaient au trône pontifical dans un âge où l'on ne soupire qu'après le repos. À cette époque de la vie, tout est routine, tout est habitude; on ne songe qu'à jouir de sa grandeur et à la faire rejaillir sur sa famille. Un pape n'arrive au pouvoir souverain qu'avec un esprit rétréci par un long usage de l'intrigue, et avec la crainte de se faire des ennemis puissans qui pourraient dans la suite se venger sur sa famille; car son successeur est toujours inconnu. Enfin il ne veut que vivre et mourir tranquille. Pour un Sixte-Quint, que de papes n'y a-t-il pas eu qui ne s'occupaient que d'objets minutieux, aussi peu intéressans dans le véritable esprit de la religion que propres à inspirer du mépris pour un pareil gouvernement? Mais ceci nous mènerait? trop loin73

Depuis son retour de Moscou, Sa Majesté s'était occupée, avec une activité sans égale, des moyens à prendre pour arrêter l'invasion des Russes qui, réunis aux Prussiens depuis la défection du général Yorck, formaient une masse des plus formidables. Des levées nouvelles avaient été ordonnées: pendant deux mois on avait reçu et utilisé les offres innombrables de chevaux et de cavaliers faites par toutes les villes de l'empire, par les administrations, par les individus riches tenant de près à la cour, etc. La garde impériale fut réorganisée par les soins du brave duc de Frioul, qui devait, hélas! quelques mois après, être enlevé à ses nombreux amis.

Au milieu de ces graves occupations, Sa Majesté ne perdait pas de vue son plan favori, de faire de Paris la plus belle ville du monde. Une semaine ne se passait jamais sans que les architectes et les ingénieurs fussent admis à lui présenter leurs devis, à lui faire des rapports, etc.

«C'est une honte, disait un jour l'empereur en regardant la caserne de la garde, espèce de hangar noir et enfumé, c'est une honte, disait-il à M. Fontaine, de faire des bâtimens aussi affreux que ceux de Moscou. Je n'aurais jamais dû laisser exécuter un pareil ouvrage: n'êtes-vous pas mon premier architecte?» Là dessus M. Fontaine s'excusa en faisant observer à Sa Majesté que les constructions de Paris ne le regardaient pas, qu'il avait bien l'honneur d'être le premier architecte de l'empereur, mais pour les Tuileries et le Louvre seulement. «C'est vrai, reprit Sa Majesté; mais ne pourrait-on pas, dit-elle en montrant le quai, à la place de ce chantier à bois, qui fait d'ici un très-mauvais effet, construire un hôtel pour le ministre d'Italie?» M. Fontaine répondit que la chose était très-faisable, mais qu'il faudrait pour cela trois à quatre millions. Alors l'empereur sembla abandonner cette idée, et pensant au jardin des Tuileries, peut-être à cause de la conspiration du général Malet, il dit de mettre en état toutes les fermetures du palais de manière à ce que la même clef pût servir pour toutes les serrures. «Cette clef, ajouta Sa Majesté, devra être remise au grand maréchal tous les soirs après les portes fermées.»

Quelques jours après cet entretien avec M. Fontaine, l'empereur lui remit pour lui et pour M. Costaz la note suivante, dont une copie est tombée entre mes mains. Sa Majesté était allée, dans la matinée, visiter les constructions de Chaillot.

«Il serait temps de discuter la construction du palais du roi de Rome.

»Je ne veux point que l'on m'entraîne dans des dépenses folles; je voudrais un palais moins grand que celui de Saint-Cloud, mais plus grand que celui du Luxembourg.

»Je voudrais pouvoir l'habiter lorsque le seizième million sera dépensé; alors ce sera le moyen que je puisse en jouir; si, au lieu de cela, on me fait des choses à prétention, il en sera de celui-ci comme du Louvre, qui n'a jamais été terminé.

»Il faut commencer par les plantations, déterminer l'enceinte, et la fermer.

»Je veux que ce palais soit un peu plus beau que celui de l'Élysée; or l'Élysée ne coûterait pas huit millions à construire; il est cependant l'un des plus beaux palais de Paris.

»Celui du roi de Rome sera le second palais après le Louvre, qui est un grand palais. Ce ne sera, pour ainsi dire, qu'une maison de campagne pour Paris; car on préférera toujours passer l'hiver au Louvre et aux Tuileries.

»J'ai peine à croire que Saint-Cloud coûtât seize millions à construire.

»Avant de voir le projet, je veux qu'il ait été bien discuté et arrêté par le comité des bâtimens, de manière que j'aie l'assurance que cette somme de seize millions ne sera point dépassée: je ne veux point une chimère, mais une chose réelle pour moi, et non pas pour le plaisir de l'architecte. L'achèvement du Louvre suffit pour faire la part de sa gloire. Quand une fois le projet sera adopté, je le mènerai grand train.

»L'Élysée ne me plaît point, et les Tuileries sont inhabitables. Rien ne pourra me plaire, s'il n'est extrêmement simple, et bâti suivant mes goûts et ma manière de vivre. Alors ce palais me sera utile. Je veux en quelque façon que ce soit un Sans-souci renforcé. Je veux surtout que ce soit un palais agréable plutôt qu'un beau jardin, deux conditions qui sont incompatibles; qu'il soit entre cour et jardin, comme les Tuileries; que de mon appartement je puisse aller me promener dans le jardin et le parc, comme à Saint-Cloud: mais à Saint-Cloud il y a l'inconvénient de ne pas avoir de parc pour la maison.

»Il faut aussi étudier l'exposition, de manière que mon appartement soit au nord et au midi, afin que suivant la température je puisse changer de logement.

»Il faut que mon logement d'habitation soit celui d'un riche particulier, comme celui de mon petit appartement à Fontainebleau.

»Il faut que mon appartement soit très-près de celui de l'impératrice et au même étage.

»Enfin il me faut un palais de convalescent, ou d'habitation pour un homme sur le retour de l'âge. Je veux un petit théâtre, une petite chapelle, etc.; et surtout que l'on ait grand soin qu'il n'y ait point d'eau stagnante autour du palais.»

Le goût des bâtimens était alors poussé à l'excès par l'empereur; il semblait un architecte plus actif, plus pressé d'exécuter ses plans, plus jaloux de ses idées que tous les architectes du monde. Cependant, l'idée de mettre le palais du roi de Rome sur les hauteurs de Chaillot n'était pas tout entière à lui, M. Fontaine pouvait en revendiquer la meilleure part: on en avait parlé la première fois à propos du palais de Lyon qui, pour avoir une belle apparence, disait M. Fontaine, avait besoin d'être situé sur une élévation qui pût dominer la ville, comme par exemple les hauteurs de Chaillot dominent Paris. L'empereur n'eut pas l'air de prendre garde à ce que venait de dire M. Fontaine; il avait, deux ou trois jours auparavant, donné l'ordre que l'on mît le château de Meudon en état de recevoir son fils… quand, un matin, il fit appeler l'architecte, et lui dit de lui présenter un projet pour l'embellissement du bois de Boulogne, en y ajoutant une maison de plaisance bâtie sur le sommet de la montagne de Chaillot. «Qu'en dites-vous? ajouta-t-il en souriant; le lieu vous paraît-il bien choisi?»

Un matin du mois de mars, l'empereur fit apporter son fils à une revue qu'il passait au Champ-de-Mars; ce fut un enthousiasme impossible à décrire; la sincérité ne pouvait point en être suspectée, car il était facile de voir que les cris partaient du cœur: aussi l'empereur fut-il vivement ému. Il rentra aux Tuileries dans la plus charmante disposition d'esprit; il caressait le roi de Rome, le couvrait de baisers, en faisant remarquer à M. Fontaine et à moi l'intelligence précoce que ce cher enfant témoignait. «Il n'a pas eu peur du tout, disait Sa Majesté; il semblait savoir que tous ces braves étaient de ma connaissance.» Ce jour-là, il causa long-temps avec M. Fontaine, en jouant avec son fils qu'il tenait dans ses bras; la conversation étant venue à tomber sur Rome et ses monumens, M. Fontaine parla du Panthéon avec l'admiration la plus profonde. L'empereur lui demanda s'il avait habité Rome, et sur la réponse de M. Fontaine qu'il y était resté trois ans à son premier voyage, «C'est une ville que je n'ai pas vue, continua Sa Majesté; j'irai sûrement un jour. C'est la ville du peuple-roi.» Et ses yeux se fixèrent sur le roi de Rome avec tout l'orgueil de la tendresse paternelle.

Lorsque M. Fontaine fut sorti, l'empereur me fit signe d'approcher, et commença par me tirer les oreilles, selon son habitude quand il était de bonne humeur. Après quelques questions personnelles, il me demanda de combien étaient mes appointemens.—«Sire, six mille francs.—Et monsieur Colin, combien a-t-il?—Douze mille francs.—Douze mille francs! Cela n'est pas juste; vous ne devez pas avoir moins que M. Colin: je me ferai rendre compte de cela.» Sa Majesté eut en effet la bonté de se faire informer sur-le-champ, mais on lui dit que les comptes de l'année étaient faits. Alors l'empereur m'annonça que jusqu'à la fin de l'année ce serait M. le baron Fain qui me donnerait chaque mois, sur sa cassette, cinq cents francs, voulant, disait-il, que mes appointemens fussent égaux à ceux de M. Colin.

73.Cette allocution remarquable de Sa Majesté au maréchal Kellermann a déjà été rapportée dans un autre ouvrage, mais j'ai cru pouvoir me permettre de la reproduire ici, parce qu'elle vient tout-à-fait à l'appui des renseignemens que j'ai pu recueillir particulièrement sur l'entrevue du pape à Fontainebleau et que l'on vient de lire.