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Czytaj książkę: «Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome II», strona 9

Czcionka:

En 1701, M. d'Iberville commença un établissement sur la rivière de la Mobile, et M. de Bienville, son frère, devenu chef-résident de la colonie par la mort de M. de Sauvole, car il paraît que d'Iberville en resta toujours gouverneur général, retira les habitans des sables arides de Biloxi pour les y transporter. Cette rivière n'est navigable que pour des pirogues, et le sol qu'elle baigne n'est propice qu'à la culture du tabac; mais «suivant le système d'alors, qui était de fixer la colonie hors du fleuve», on voulait se rapprocher de l'île Dauphine ou du Massacre tout vis-à-vis, dans laquelle se trouvait le seul port de ces parages qui offrît les avantages de Biloxi quant à la proximité des Espagnols, des Iles et de l'Europe, quoiqu'elle fût d'ailleurs désolée et stérile; la Mobile devint bientôt le chef-lieu des Français.

A son quatrième voyage à la Louisiane l'année suivante, d'Iberville y fit construire des magasins et des casernes; petit à petit la colonie se peupla sous l'influence de ce premier fondateur, qui eut toujours sur elle une grande autorité jusqu'à sa mort arrivée en 1706. D'Iberville expira avec la réputation d'un des plus braves et des plus habiles officiers de la marine française. Né en Canada d'un ancien colon normand, M. Lemoine, il avait commencé à servir son pays dès son jeune âge. Il avait fait l'apprentissage des armes dans nos guerres contre les Sauvages et contre les Anglais, dure école où les deux premières qualités requises étaient une force de corps infatigable et une intrépidité à toute épreuve, l'officier comme le soldat devant être capable de faire des marches prodigieuses avec rapidité, par des pays incultes et dans toutes les saisons, de pourvoir à sa nourriture par la chasse, de manier le fusil comme la hache, l'aviron comme l'épée; devant ne pas craindre une balle perfide au détour d'un bois, d'attaquer corps à corps son ennemi embusqué, ou d'enlever souvent un fort par une brusque escalade et sans artillerie. D'Iberville excellait dans cette guerre difficile et meurtrière. Il était non moins distingué-comme marin, et s'il fût né en France, il serait sans doute parvenu aux premiers grades. Il livra une foule de combats sur mer, et quelquefois contre des forces bien supérieures, et il resta toujours victorieux. Il ravagea deux fois la partie anglaise de Terreneuve et prit sa capitale; il enleva Pemaquid, conquit la baie d'Hudson, fonda la Louisiane, et termina à un âge peu avancé sa carrière devant la Havane en 1706, en servant glorieusement sa patrie comme chef d'escadre (Dupratz). Depuis 3 ou 4 ans qu'il avait eu la fièvre jaune sa santé avait toujours été chancelante. Les colonies, dit Bancroft, et la marine française perdirent en lui un héros digne de leurs regrets. C'était un fort bel homme que la nature avait doué des qualités nécessaires pour la guerre d'Amérique. Le marquis de Denonville qui avait su apprécier ses talens, l'avait recommandé à la cour. Louis XIV, qui aimait déjà sa noblesse naissante du Canada, le fit de capitaine de frégate capitaine de vaisseau en 1702 50. «Sa mort fut une perte pour la Louisiane, car il est à présumer que s'il eût vécu plus longtemps, la colonie eût fait des progrès considérables; mais cet illustre marin dont l'autorité était grande, étant mort, un longtemps s'écoula nécessairement avant qu'un nouveau gouverneur arrivât de France.»

Note 50:(retour) Gazette de France du 15 juillet 1702: Notes historiques: manuscrits de M. A. Berthelot.

Deux ans après la mort de d'Iberville, M. Diron d'Artaguette vint à la Louisiane en qualité de commissaire-ordonnateur, charge qui correspondait dans les colonies naissantes à celle d'intendant dans les établissemens plus avancés, et qui tenait du civil et du militaire. Ce nouveau fonctionnaire travailla avec peu de succès à mettre les habitans en état de cultiver les terres, le sol et le climat y mettant obstacle. Cependant l'on avait en Europe la plus grande idée de la Louisiane, et comme on voyait que la France s'opiniâtrait à la soutenir au milieu d'une guerre désastreuse, l'on conjectura qu'elle en tirait des secours prodigieux, et l'île Dauphine attira, dès lors pour comble de malheurs, l'attention des corsaires qui la ravagèrent en 1711; ils causèrent des dommages au roi et aux particuliers pour 80,000 francs. Cependant ce commissaire ne vit point les défauts du système adopté par la cour, ou il ne jugea pas à propos de les signaler.

«Une colonie, dit Raynal, fondée sur de si mauvaises bases, ne pouvait prospérer. La mort de d'Iberville acheva d'éteindre le peu d'espoir qui restait aux plus crédules. On voyait la France trop occupée d'une guerre malheureuse pour en pouvoir attendre des secours. Les habitans se croyaient à la veille d'un abandon total; et ceux qui se flattaient de pouvoir trouver ailleurs un asile, s'empressaient de l'aller chercher. Il ne restait que vingt-huit familles, plus misérables les unes que les autres, lorsqu'on vit avec surprise Crozat demander en 1712 et obtenir pour seize ans le commerce exclusif de la Louisiane.» Mais avant d'entrer dans une nouvelle phase de l'histoire de cette contrée, nous allons reprendre où nous l'avons laissée celle du Canada que la guerre de la succession d'Espagne vint troubler avant qu'il eût à peine goûté le repos dont il avait tant de besoin, après la lutte acharnée qu'il venait de soutenir contre les colonies anglaises et contre les cinq nations.

CHAPITRE II.
TRAITÉ D'UTRECHT.
1701-1713

Une colonie canadienne s'établit au Détroit, malgré les Anglais et une partie des Indigènes. – Paix de quatre ans. – Guerre de la succession d'Espagne. – La France malheureuse en Europe l'est moins en Amérique. – Importance du traité de Montréal; ses suites heureuses pour le Canada. – Neutralité de l'ouest; les hostilités se renferment dans les provinces maritimes. – Faiblesse de l'Acadie. – Affaires des Sauvages occidentaux; M. de Vaudreuil réussit à maintenir la paix parmi les tribus de ces contrées. – Ravages commis dans la Nouvelle-Angleterre par les Français et les Abénaquis. – Destruction de Deerfield et d'Haverhill (1708). – Remontrances de M. Schuyler à M. de Vaudreuil au sujet des cruautés commises par nos bandes; réponse de ce dernier. – Le colonel Church ravage l'Acadie (1704). – Le colonel March assiége deux fois Port-Royal et est repoussé (1707). – Terreneuve: premières hostilités; M. de Subercase échoue devant les forts de St. – Jean (1705). – M. de St. – Ovide surprend avec 170 hommes en 1709 la ville de St. – Jean défendue par près de 1000 hommes et 48 bouches à feu et s'en empare. – Continuation des hostilités à Terreneuve. – Instances des colonies anglaises auprès de leur métropole pour l'engager à s'emparer du Canada. – Celle-ci promet une flotte en 1709 et 1710, et la flotte ne vient pas. – Le colonel Nicholson prend Port-Royal; diverses interprétations données à l'acte de capitulation; la guerre continue en Acadie; elle cesse. – Attachement des Acadiens pour la France. – Troisième projet contre Québec; plus de 16 mille hommes vont attaquer le Canada par le St. – Laurent et par le lac Champlain; les Iroquois reprennent les armes. – Désastre de la flotte de l'amiral Walker aux Sept-Iles; les ennemis se retirent. – Consternation dans les colonies anglaises. – Massacre des Outagamis qui avaient conspiré contre les Français. – Rétablissement de Michilimackinac. – Suspension des hostilités dans les deux mondes. – Traité d'Utrecht; la France cède l'Acadie, Terreneuve et la baie d'Hudson à la Grande-Bretagne. – Grandeur et humiliation de Louis XIV; décadence de la monarchie. – Le système colonial français.

Hennepin avait dit: «Ceux qui auront le bonheur de posséder un jour les terres de cet agréable et fertile pays, auront de l'obligation aux voyageurs qui leur en ont frayé le chemin, et qui ont traversé le lac Erié pendant cent lieues d'une navigation inconnue.» Il y avait vingt-deux ans que ces paroles avaient été prononcées, lorsque M. de la Motte Cadillac arriva au Détroit avec 100 Canadiens et un missionnaire dans le mois de juin 1700, pour y former un établissement. Les colons furent enchantés de la beauté du pays et de la douceur du climat. En effet la nature s'est plu à répandre ses charmes dans cette contrée délicieuse. Un terrain légèrement ondulé, des prairies verdoyantes, des forêts de chêne, d'érable, de platane et d'acacia, des rivières d'une limpidité remarquable, et au milieu desquelles les îles semblent avoir été jetées comme par la main de l'art pour plaire aux yeux, tel est le tableau qui s'offrit à leurs regards lorsqu'ils entrèrent dans cette terre découverte par leurs pères. C'est aujourd'hui le plus ancien établissement de l'Etat du Michigan, et la plupart des fermes y sont entre les mains des Canadiens français ou de leurs descendans. Des pâturages couverts de troupeaux, des prairies, des guérets chargés de moissons, des métairies, des résidences magnifiques, y frappent partout les regards du voyageur.

La ville du Détroit qui a subi depuis sa fondation toutes les vicissitudes des villes de frontière, et qui a été successivement possédée par plusieurs maîtres, renferme maintenant une population de 22,000 âmes. Fondée par les Français, elle est tombée sous la domination anglaise en 1760, et a été cédée par celle-ci à l'Union américaine à la suite de la guerre de 1812. Elle a conservé, malgré tous ces changemens, le caractère de son origine, et la langue française y est toujours en usage. Comme toutes les cités fondées par le grand peuple d'où sortent ses habitans, et qui a jalonné l'Amérique des monumens de son génie, le Détroit est destiné à devenir un lieu considérable à cause de sa situation entre le lac Huron et le lac Erié.

Son établissement éprouva de l'opposition de la part des Indigènes et surtout des Anglais, qui voyaient avec une jalousie, que le temps ne faisait qu'accroître, leurs éternels rivaux s'asseoir sur les rives des lacs, comme s'ils ne les avaient pas eu découverts et possédés depuis longtemps. Ce poste devait enlever à Michilimackinac toute son importance, et relier le Canada à la Louisiane à la colonisation de laquelle on travaillait alors, et où les Canadiens venaient, comme au Détroit, de commencer un établissement. Mais à peine avait-on jeté les premiers fondemens de la nouvelle ville qu'il fallut encore courir aux armes.

Il y avait quatre ans seulement que le Canada était en paix; c'était bien peu pour réparer les maux d'une longue guerre, qui avait retardé l'accroissement de la colonie, arrêté le commerce et les défrichemens, fait périr beaucoup de monde et causé l'abandon de quantité d'habitations (Documens de Paris). Dans ces quatre années on avait fondé la Louisiane et le Détroit, et signé l'important traité de Montréal avec les Indiens. Les protocoles inutiles ouverts en Europe pour l'ajustement des limites de l'Acadie n'avaient occupé que le cabinet de Versailles; les autorités coloniales n'avaient pas eu à s'en occuper. Les Canadiens croyaient jouir d'un long repos, lorsque la mort de Charles II roi d'Espagne, sans enfans, arrivée en 1700, ralluma la guerre dans les deux mondes. La possession de son vaste héritage ayant préoccupé fortement et avec raison la politique, plusieurs traités secrets avaient été conclus entre les différentes puissances européennes dès son vivant, pour partager ses dépouilles. Les Espagnols qu'on n'avait pas consultés, semblaient devoir subir la loi de l'étranger comme s'ils eussent été des vaincus. On alla jusqu'à démembrer la monarchie par un premier traité en 1699; plus tard l'on en disposa une seconde fois de la même manière en faisant un nouveau partage. Cette conduite, outre qu'elle blessait l'honneur de ce peuple fier et jaloux de son indépendance, violait ses droits et ses intérêts les plus chers. Menacé par tant de prétendans avides, le conseil d'Etat d'Espagne fut d'avis de préférer la maison de France, qui d'ailleurs avait pour elle les droits du sang, parceque la puissance de Louis XIV semblait une garantie pour l'intégrité de la monarchie. En conséquence, le roi moribond légua par testament tous ses Etats au duc d'Anjou, le second fils du dauphin et petit-fils du monarque français.

L'Europe vit avec étonnement un Bourbon monter sur le trône espagnol. Cet événement trompait toutes les ambitions, et telle fut la surprise qu'aucune nation ne songea d'abord à élever la voix pour protester, excepté l'empereur d'Autriche qui prit les armes afin de conserver un sceptre qui échappait de sa maison. La France ne pouvait éviter la lutte, soit qu'elle eût refusé d'accepter le testament, soit qu'elle s'en fût tenu au dernier traité. Ainsi elle se trouvait entraînée malgré elle dans une guerre qui fut la seule juste peut-être entreprise par Louis XIV, et cependant la seule funeste dans son long et glorieux règne.

Les autres cabinets, qui n'avaient besoin que d'un prétexte, se liguèrent avec l'empereur pour détacher de la monarchie espagnole les Etats qu'elle avait en Italie, dans le but de rétablir l'équilibre européen. Ce motif tout puissant pour Guillaume III, n'aurait pas été regardé par ses sujets tout-à-fait du même oeil après sa mort qui arriva en 1702, sans une démarche du roi de France, qui insulta au dernier point la nation anglaise, en ce qu'elle parut une intervention dans ses affaires intérieures, objet sur lequel la jalousie d'un peuple libre est toujours très grande. Jacques II étant décédé, Louis XIV donna le titre de roi d'Angleterre à son fils, après être convenu du contraire avec son conseil. Les prières et les larmes de la veuve de Jacques appuyées par madame de Maintenon, firent changer la détermination qu'il avait prise. Cette dernière avait acquis sur le vieux monarque un empire qui fut plus d'une fois fatal au royaume.

«Le roi de France, disait la ville de Londres à ses représentans, se donne un vice-roi en conférant le titre de notre souverain à un prétendu prince de Galles: notre condition serait bien malheureuse, si nous devions être gouvernés au gré d'un prince qui a employé le fer, le feu et les galères pour détruire les protestans de ses Etats; aurait-il plus d'humanité pour nous que pour ses sujets.» Le parlement passa un acte d'atteinder pour déclarer le prétendu roi Jacques coupable de haute trahison.

Telles furent les causes des nouvelles hostilités; elles étaient parfaitement étrangères aux intérêts de l'Amérique; mais elles n'en armèrent pas moins encore une fois les colons les uns contre les autres et les Indiens.

Cependant cette guerre fut bien moins meurtrière dans le Nouveau-Monde que celle de 1688; et tandis que le génie de Marlborough immortalise le règne de la reine Anne par des victoires, l'Angleterre voit presque toutes ses entreprises se terminer en Amérique par des défaites ou des désastres. Mais la faiblesse du Canada qui n'avait encore alors qu'une population de 18,000 âmes, en y comprenant même l'Acadie, à opposer aux 262,000 des colonies anglaises 51, ne permettait point d'entreprendre rien de sérieux contre elles; l'argent manquait comme les hommes. En vain d'Iberville demanda-t-il (1701) 1000 Canadiens et 400 soldats pour prendre Boston et New-York, qu'il voulait attaquer l'hiver par la rivière Chaudière, on fut incapable de subvenir aux frais de cette expédition (Documens de Paris). Dans une pareille situation, l'on ne doit pas être surpris si les succès des Français n'avaient aucun résultat durable, s'ils étaient incapables de garder leurs conquêtes, tandis que l'ennemi retenait les siennes même en dépit de ses revers. Le Massachusetts, l'Acadie et Terreneuve furent les théâtres des hostilités. Cette dernière île acquérait tous les jours une plus grande importance, et l'Angleterre, devenue plus forte sur mer que la France, songea sérieusement alors à s'emparer de toute l'entrée du bassin du St. – Laurent, base de la puissance de la dernière nation dans cette partie du monde. En minant cette base petit à petit, la partie supérieure de l'édifice devait crouler au premier choc. Les points exposés aux coups de la marine britannique devinrent ainsi les côtés faibles du grand système colonial de Colbert.

Note 51: (retour)

Humphreys: Hist. Account.


Pour compenser cette faiblesse du côté de l'Atlantique, l'on travaillait à se fortifier dans l'intérieur, afin que la Nouvelle-France fût comme ces places de guerre que l'art a rendues redoutables au dedans tandis que le dehors semble solliciter l'ennemi à avancer. Le traité de Montréal et l'établissement du Détroit furent dictés par cette sage politique. Nos historiens n'ont pas assez senti la haute portée de ces grandes mesures de préservation territoriale; ils n'ont pas prévu non plus l'influence immense que la conclusion du traité auquel nous venons de faire allusion, allait donner aux Français sur toutes les nations indigènes, traité en effet qui établissait une espèce de droit public pour elles, et dont le premier fruit fut de paralyser complètement l'action des colonies anglaises dans la présente guerre. Car on ne doit pas attribuer les résultats des traités d'Utrecht et de 1763 à l'élévation du drapeau français sur les Apalaches; mais bien aux victoires de Marlborough et de la marine anglaise. La politique française avait élevé en quelques jours des barrières en Amérique qu'il fallut un demi siècle à l'Angleterre pour renverser, et qui ne l'auraient jamais été si la France eût eu seulement en 1755 les vaisseaux et les habiles officiers qui assurèrent le triomphe de la révolution américaine vingt ans après.

Cependant le traité de Montréal assurait la neutralité des Iroquois; et rien ne pouvait être plus utile à la colonie dans ce moment (1702-3) qu'elle était en proie aux ravages d'une épidémie cruelle (la petite vérole), épidémie qui reparut treize ans plus tard, que d'être en paix avec eux. M. de Callières venait de leur envoyer plusieurs missionnaires qui se répandirent dans leurs cantons pour les disposer au christianisme, dissiper leurs préjugés contre les Français, avertir le Canada de toutes leurs démarches, travailler à les gagner ou à se faire des amis parmi eux, et enfin déconcerter les intrigues des Anglais peu redoutables de ce côté lorsqu'ils n'avaient pas pour eux les cantons. Cette dernière mission n'était pas moins nécessaire; car à la première nouvelle de la guerre, la Nouvelle-York avait commencé à les solliciter vivement de renvoyer les missionnaires; mais quoiqu'elle réussît à ébranler quelques chefs, et à étendre, par leur canal, ses intrigues jusque parmi les nations occidentales, tous ces peuples restèrent fidèles au traité.

Ainsi le gouverneur étant assez rassuré du côté du couchant, écrivit à la cour pour demander seulement quelques recrues, après avoir ordonné de mettre Québec en bon état de défense. Toute sa sollicitude se portait alors sur les provinces du golfe, l'Acadie et Terreneuve, qui n'étaient pas dans une situation si favorable, exposées qu'elles étaient sans défense, comme de coutume, aux insultes de l'ennemi, et n'ayant pas assez d'habitans pour faire une résistance sérieuse. Il était d'autant plus inquiet sur leur sort, que le bruit courait qu'elles allaient être attaquées par des forces considérables. Mais dans le temps que ces craintes étaient les plus vives, il apprit que les hostilités des Anglais s'étaient bornées à la prise de quelques navires pêcheurs le long des côtes, et qu'il était fortement question à Paris d'acheminer sur l'Acadie une émigration assez nombreuse pour défendre cette province et en assurer la possession à la France. L'épuisement de la métropole et les revers de Louis XIV vinrent empêcher cependant l'exécution de ce projet; ce qui fut un malheur pour tout le monde, pour la France à laquelle cette province fut ensuite enlevée; pour les Acadiens qui furent déportés et dispersés en divers pays; pour l'Angleterre qui se déshonora par cet acte cruel, commis au préjudice d'un peuple dont la faiblesse même aurait dû servir d'égide. Mais dans le moment, M. de Callières crut la péninsule acadienne sauvée, et il ne se préoccupait plus que de la colonie qu'il avait sous son commandement immédiat, lorsqu'il tomba malade et mourut le 26 mai, 1703, regretté de tout un pays qu'il servait avec diligence et talent depuis plus de vingt années. C'était un ancien officier au régiment de Navarre. Il avait été nommé au gouvernement de Montréal sur la présentation du séminaire de St. – Sulpice revêtu de ce droit comme seigneur de l'île, et en remplacement, en 1684, de M. Perrot, qui perdit cette charge par sa violence, comme il se priva plus tard de l'administration de l'Acadie par sa cupidité. M. de Callières avait succédé en qualité de second fonctionnaire militaire du pays, à M. le comte de Frontenac, et son administration dura quatre ans et demi. Ayant fait du Canada sa patrie adoptive, il contribua beaucoup par ses actes et probablement par ses conseils, à amener la métropole à reposer cette confiance dans les colons, qui est si rarement accordée aujourd'hui malgré les assurances du contraire sans cesse répétées, mais répétées derrière un rempart de bayonnettes 52.

Note 52:(retour) Les 20 millions d'habitans de l'Union américaine ont moins de troupes pour les garder que les 1200 mille du Canada.

Le marquis de Vaudreuil, gouverneur de Montréal, fut choisi à la demande de toute la colonie, pour tenir les rênes de la Nouvelle-France. Ce ne fut pas néanmoins sans quelque répugnance, car en 1706 le ministre tout en le blâmant de montrer trop de faiblesse pour des parens auxquels il laissait faire la traite contre les ordonnances, lui écrivit que le roi avait eu de la peine à se résoudre à le nommer à cette haute charge, parceque son épouse était du pays. L'on verra faire plus tard les mêmes remarques à l'occasion de son fils. Etait-ce jalousie métropolitaine, ou bien la condition de gouvernant est-elle incompatible avec celle de colon?

Cependant la cour de Versailles, ayant bien vite senti l'impolitique, l'imprudence de ce système de soupçonneuse exclusion, semblait alors suivre une conduite contraire à celle de Londres; car, tandis que celle-ci cherchait à soustraire aux colonies une partie de leurs libertés, et leur ôtait le droit d'élire leurs gouverneurs, la France se faisait comme une règle de nommer à ces fonctions des hommes nés dans ces provinces lointaines, ou qui s'y étaient familiarisés par une longue résidence; le même esprit la guidait pour remplir les autres emplois. L'Angleterre essayait, elle, du système qu'elle suit aujourd'hui; elle choisissait des gouverneurs étrangers au pays et les changeait souvent. Outre la raison d'état de ne pas laisser l'autorité royale trop longtemps dans les mains d'un sujet qui est loin de l'oeil de son maître, ces changemens fréquens paraissent, ce nous semble, une conséquence du régime qu'elle avait introduit dans ses possessions d'outre-mer. Reconnaissant à tous ses nationaux les mêmes droits, et cependant reniant l'exercice d'une partie de ces droits à ceux d'entre eux qui habitent des contrées lointaines, elle dut se trouver engagée dans une lutte compromettante, en ce que les maximes invoquées contre elle sont les maximes mêmes sur lesquelles reposent les fondemens de sa propre liberté. Les gouverneurs, chargés de faire valoir ces prétentions inconstitutionnelles, mais inévitables, perdant bien vite leur popularité, il devenait nécessaire et politique de les changer souvent.

La confédération iroquoise était alors à l'apogée de sa gloire. Elle voyait les Anglais et les Français briguer son alliance et ramper pour ainsi dire à ses pieds. Cela ne devait-il pas satisfaire son orgueil, et flatter sa barbare ambition. Elle se crut l'arbitre des deux peuples; et l'un de ses chefs, mécontent de la guerre qui venait d'éclater, disait avec une fierté naïve: «Il faut que les Européens aient l'esprit bien mal fait; ils font la paix entre eux et un rien leur fait reprendre la hache; nous, quand nous avons fait un traité, il nous faut des raisons puissantes pour le rompre.» Ces paroles orgueilleuses et qui renferment un reproche, faisaient connaître assez cependant à M. de Vaudreuil, que les Iroquois respecteraient le traité de Montréal au moins pour le présent. Fidèles à leur ancienne politique, ils voulaient jouer le rôle de médiateurs, et ce dernier, qui avait pénétré leur dessein, en avait informé le roi, qui lui fit répondre que, si l'on était assuré de faire la guerre avec succès, sans encourir de trop grandes dépenses, il fallait rejeter les proposition de l'ambitieuse confédération de comprendre les Anglais dans la neutralité; sinon qu'on pouvait ménager cette neutralité pour l'Amérique, mais sans passer par la médiation des seuls Iroquois.

L'on se retrancha donc dans la partie occidentale du Canada sur la défensive. Les ordres de Paris portaient que, comme on était trop faible pour attaquer les colonies anglaises, il fallait mettre toute sa politique à maintenir nos alliés en paix ensemble et à conserver sur eux toute notre influence, double tâche qui exigeait beaucoup de dextérité et une grande prudence. M. de Vaudreuil possédait ces qualités; il connaissait surtout parfaitement le caractère des Indiens: un air de froide réserve de sa part dans certaines circonstances qu'il savait choisir, lui ramenait quelquefois des tribus prêtes à l'abandonner.

Rassuré du côté des cinq cantons, il tourna aussitôt les regards vers les contrées occidentales, où les Hurons paraissaient pencher vers les Anglais, et où les Outaouais et les Miâmis voulaient guerroyer contre la confédération iroquoise, dont ils attaquèrent même quelques uns des guerriers près de Catarocoui (Kingston). La paix fut un moment en danger; les Indiens du Détroit avaient envoyé des députés à Albany; le colonel Schuyler, l'homme le plus actif du parti de la guerre dans la Nouvelle-York, et l'ennemi le plus invétéré qu'eussent les Français, employait toute son influence, et compromettait même sa fortune, pour rompre l'alliance qui existait entre eux et les Iroquois; il allait aussi, sans les Abénaquis, gagner une partie des Iroquois chrétiens du Sault-St. – Louis et de la Montagne. Il avait réussi encore par ses intrigues qu'il étendait de tous côtés, à engager en 1704 quelques Sauvages à mettre le feu au Détroit et à disperser les colons. Tout annonçait enfin une crise, un soulèvement général. Mais une fois que M. de Vaudreuil eût en ses mains les fils de toutes ces menées, il sut en peu de temps les démêler, se rendre maître de la trame, et après des négociations multipliées et conduites avec la plus grande adresse, non seulement conjurer l'orage, mais armer encore les Iroquois chrétiens qui avaient été prêts à l'abandonner, contre ceux qui les avaient soulevés, contre les Anglais eux-mêmes.

Cependant cette multitude de tribus barbares à passions vives, mobiles et farouches, toujours armées, toujours désirant la guerre, étaient encore plus difficiles à maintenir en repos lorsque la France et l'Angleterre avaient les armes à la main, que lorsqu'elles étaient en paix. Il était donc presqu'impossible au marquis de Vaudreuil d'espérer une longue tranquillité dans l'Ouest. En effet à peine venait-il d'en réconcilier les peuples que des difficultés s'élevèrent tout-à-coup (1706) entre les Outaouais et les Miâmis par la faute de M. de la Motte Cadillac, commandant au Détroit, et qui manquèrent d'allumer la guerre entre la première de ces deux nations et les Français, ce qui aurait probablement mis les armes aux mains des cinq cantons. Les Miâmis tuèrent quelques Outaouais. La nation outaouaise demanda vengeance à M. de Cadillac, qui répondit qu'il allait faire informer. Partant quelques jours après pour Québec, il leur dit que tant qu'ils verraient sa femme au milieu d'eux, ils pouvaient demeurer tranquilles; mais que si elle partait il ne répondait pas de ce qui pourrait arriver. Ces paroles énigmatiques leur parurent une menace; ils crurent qu'on voulait les punir pour avoir attaqué les Iroquois à Catarocoui. Les paroles et la conduite de l'enseigne Bourgmont, qui vint remplacer temporairement M. de Tonti, lieutenant de M. de Cadillac, ne firent que les confirmer dans leur supposition; et lorsqu'il leur proposa de marcher contre les Sioux avec les Hurons, ils crurent qu'il voulait les attirer dans un piège pour les massacrer. Une circonstance fortuite qui arriva pendant l'audience les éloigna encore davantage des Français.

Le chien de l'enseigne ayant mordu un de ces Sauvages à la jambe, et celui-ci l'ayant battu, Bourgmont se jeta sur l'Outaouais et le frappa avec tant de fureur qu'il en mourut. Cette violence atroce mit le comble à leur désespoir. Ils dissimulèrent cependant et firent mine de partir; mais ils revinrent aussitôt sur leurs pas, attaquèrent des Miâmis et les poursuivirent jusqu'au fort, qui fut obligé de tirer sur eux pour les éloigner. Quantité de naturels furent tués des deux côtés avec quelques Français et un missionnaire, le P. Constantin.

La nouvelle de cet événement jeta M. de Vaudreuil dans le plus grand embarras, embarras qui fut encore augmenté par la députation que les Iroquois lui envoyèrent pour le prier d'abandonner à leur vengeance ces Outaouais perfides. Il commença par repousser la demande des cantons, à laquelle toutes sortes de raisons s'opposaient. Il exigea ensuite des ambassadeurs outaouais envoyés auprès de lui pour expliquer leur conduite, qu'ils lui remissent les coupables auxquels M. de Cadillac, de retour au Détroit, eut l'imprudence, par une fausse pitié, de faire grâce contrairement à l'opinion du gouverneur, qui voulait qu'on les abandonnât à la justice de leur nation. Les Miâmis, à qui l'on avait promis de les faire mourir et qui voulaient leurs têtes, outrés de ce que leur vengeance restait sans satisfaction, accusèrent de trahison ce commandant, et tuèrent quelques Français qu'il y avait dans leur bourgade. M. de Cadillac se disposait à aller punir ces assassinats lorsqu'il apprit que les Hurons et les Iroquois s'étaient entendus pour faire main basse sur tous ses compatriotes qui se trouvaient dans la contrée. Force lui fut de dissimuler, et même de faire une paix avec les Miâmis qui, méprisant sa faiblesse, n'en observèrent point les conditions. Mais cette paix avait rompu le complot des Indiens, et dès qu'il vit les Miâmis seuls, il marcha contre eux avec quatre cents hommes pour venger et leur premier crime et les violations du traité qui les avait soustraits à sa colère. Ces barbares ayant été battus et forcés dans leurs retranchemens, se soumirent sans condition à la clémence du vainqueur (Gazette de France 1707).