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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z)

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z)
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TABERNACLE, s. m. Nom que l'on donne aujourd'hui à une petite armoire placée sur l'autel, au milieu du retable, et qui sert à déposer le ciboire.

L'établissement des tabernacles sur les autels ne date que du dernier siècle. Les hosties étaient déposées, jusqu'au XVIIe siècle, dans des édicules placés à côté de l'autel, ou dans une suspension (voyez AUTEL, et dans le Dictionnaire du mobilier français, l'article TABERNACLE). Ces édicules placés près de l'autel étaient de bois, de pierre ou de métal, avec lanterne pour loger une lampe. On voit encore quelques-uns de ces tabernacles, datant du XVIe siècle, dans des églises de Belgique. Souvent ces réserves de la sainte Eucharistie étaient mobiles, et n'étaient placées près de l'autel que pendant le service divin.

TAILLE, s. f. On dit: «Une bonne taille, une taille négligée, une taille layée, pour indiquer la façon dont est traité un parement de pierre. La nature de la taille est un des moyens les plus certains de reconnaître la date d'une construction; mais, dès le XIIe siècle, les diverses écoles de tailleurs de pierre ont des procédés qui leur appartiennent, et qu'il est nécessaire de connaître pour éviter la confusion. Ainsi certaines provinces n'ont jamais adopté la laye ou bretture 1, ou n'ont employé cet outil que très-tard. Des tailleurs de pierre ne se sont servis que du ciseau étroit ou large; quelques contrées ont employé de tout temps le marteau taillant sans dents, avec plus ou moins d'adresse.

Autant les ravalements des édifices romains, élevés sous l'influence ou sous la direction d'artistes grecs, sont faits avec perfection, autant les parements de nos monuments gallo-romains de l'empire sont négligés. D'ailleurs les Grecs, comme les Romains, posaient la pierre d'appareil à joints vifs sans mortier, épannelée, et ils faisaient un ravalement lorsque l'oeuvre était montée. Quand ils employaient des matières dures comme le granit ou le marbre, la taille était achevée avant la pose. Beaucoup de monuments grecs, en pierre d'appareil, sont restés épannelés. Le temple de Ségeste, par exemple, le grand temple de Sélinonte, de l'époque dorienne, ne montrent, sur bien des points, que des tailles préparatoires.

Quant aux édifices romains en pierre d'appareil, il en existe très-peu qui aient été complétement ravalés. Le Colisée, la porte Majeure à Rome, les arènes de Nîmes et d'Arles, celles de Pola, ne présentent que des ravalements incomplets. Il est évident que, la bâtisse achevée, on s'empressait d'enlever les échafaudages, et l'on se souciait peu de terminer les ravalements, ou bien ils étaient faits avec une négligence et une hâte telles, que ces ravalements conservaient une apparence grossière.

Il suffit d'examiner les nombreux débris que nous possédons de l'époque gallo-romaine des bas temps, pour constater l'infériorité de la taille des parements, tandis que les lits et joints sont dressés avec une précision parfaite; si bien que les blocs de pierre, même dans des monuments d'une très-basse époque, sont exactement jointifs. Cette négligence des parements tenait donc au peu d'importance que les Romains attachaient à la forme, et non à l'inhabileté des ouvriers. Les tailles préparatoires sont faites, dans les monuments gallo-romains, au moyen d'une ciselure sur l'arête; le nu vu de la pierre conservant la taille de la carrière, faite à l'aide d'un taillant droit peu large. Quant aux lits et joints, ils sont taillés au moyen d'une ciselure très-fine sur les arêtes bien dégauchies, le milieu étant parfaitement aplani à l'aide d'un taillant droit large et fin. Quelquefois ces lits et joints sont moulinés, probablement à l'aide d'une pierre dure et rugueuse, comme de la meulière, par exemple, ou de la lave. L'emploi de la lave, pour mouliner les lits et joints, parait avoir été en usage dans les Gaules, car là où il existe des restes de constructions gallo-romaines, nous avons fréquemment trouvé des morceaux de lave, bien que les contrées où existent ces restes soient fort éloignées des pays volcaniques.

À la chute de l'empire romain, les connaissances de l'appareilleur se perdent entièrement. On ne construit plus qu'en moellon smillé, et les quelques blocs de pierre de taille qu'on met en oeuvre dans les bâtisses sont à peine dégrossis. Cependant une façon nouvelle apparaît dans la taille de ces parements de moellons. On sait le goût des races indo-germaniques pour les entrelacs de lignes.


Les bijoux que l'on découvre dans les tombeaux mérovingiens présentent une assez grande variété de ces combinaisons de lignes croisées, contrariées, en épis, formant des méandres ou des échiquiers. On voit apparaître à l'époque mérovingienne les tailles dites en arête de poisson (fig. 1), et ce genre de tailles persiste assez tard chez les populations qui conservent les traditions germaniques. Ces tailles en épis sont faites à l'aide du taillant droit romain large. Jusqu'à l'époque carlovingienne, la ciselure semble abandonnée. On ne construit plus en pierres d'appareil. Nous voyons au contraire la ciselure employée partout dans les tailles de pierre appartenant aux VIIIe et IXe siècles, ciselure inhabilement faite, mais cependant cherchée, travaillée. Les moulures sont complétement traitées pendant cette époque, à l'aide du ciseau. Pour les parements simples, ils sont grossiers, faits à la pointe et dressés avec le taillant droit large. C'est en Bourgogne et dans le Charolais, pays riches en pierres dures, que vers la fin du XIe siècle on voit apparaître une taille très-bien faite à l'aide du taillant droit étroit, sans ciselures. Alors les pierres d'appareil étaient toutes entièrement taillées avant la pose, on ne faisait pas de ravalements: l'habitude que les ouvriers avaient prise, depuis la chute de l'empire romain, de bâtir en moellon smillé, posé sur lits épais de mortier, leur avait fait perdre la tradition des ravalements. Du moellon smillé ils arrivaient peu à peu à employer des pierres d'un échantillon plus fort, puis enfin la pierre d'appareil, mais ils continuaient à la poser comme on pose le moellon qui ne se ravale pas; et ils taillaient chaque bloc sur le chantier, soignant d'ailleurs autant les lits et joints que les parements. Les constructions du XIe siècle que l'on voit encore en Bourgogne, et sur les bords de la Saône, présentent de beaux parements, dont la taille par lignes verticales sur les surfaces droites, et longitudinales sur les moulures, est égale partout, fine et serrée. C'est à cette époque que l'on reconnaît souvent l'emploi du tour pour les colonnes et bases, et le polissage parfois pour des moulures délicates à la portée de la main. En Auvergne, vers ce même temps, les tailles, quoique un peu plus lourdes que dans la Bourgogne et le Charolais, sont bien faites, régulières, et parfois rehaussées par de la ciselure sur les moulures. Avant le XIIe siècle, dans l'Île-de-France, les tailles sont grossières, mal dressées, et rappellent celle des monuments gallo-romains.

Dans le Poitou, le Berri et la Saintonge, les tailles, avant le XIIe siècle, sont extrêmement grossières, faites à l'aide d'un taillant épais, coupant mal, écrasant le parement, et laissant voir partout les coups du pic ou du poinçon à dégrossir. La ciselure apparaît dans les moulures, mais elle est exécutée sans soin et par des mains inhabiles.

C'est avec le XIIe siècle, au moment où se fait sentir en Occident l'influence des arts gréco-romains de la Syrie, que les tailles se relèvent et arrivent très-promptement à une perfection absolue. Dans toutes les provinces, et notamment en Bourgogne, dans la haute Champagne, dans le Charolais et dans la Saintonge, les progrès sont rapides, et les tailleurs de pierre deviennent singulièrement habiles. On voit alors apparaître certaines recherches dans la façon de traiter les diverses tailles: les parements unis sont dressés au taillant droit, tandis que les moulures sont travaillées au ciseau et souvent polies. L'emploi de la bretture commence à se faire voir sur les bords de la Loire, dans le pays chartrain et dans le domaine royal. C'est vers 1140 que cet outil paraît être d'un usage général dans les provinces au nord de la Loire, tandis qu'il n'apparaît pas encore en Bourgogne et dans tout le midi de la France. Les tailles à la bretture ne se montrent en Bourgogne que vers 1200, et elles n'apparaissent que cinquante ans plus tard sur les bords de la Saône et du Rhône, en Auvergne et dans le Languedoc. Le choeur de l'église abbatiale de Vézelay, qui date des dernières années du XIIe siècle, et qui présente des tailles si merveilleusement exécutées, montre en même temps l'emploi du taillant droit très-fin, du ciseau, du polissage, et, dans quelques parties, de la bretture à larges dents. Les bases, les tailloirs des chapiteaux, les moulures des bandeaux, sont polis et d'une pureté d'exécution incomparable. Même exécution dans l'église de Montréal (Yonne), de la même époque. Ces différences de natures de taille produisent beaucoup d'effet et donnent aux profils une finesse particulière. À dater du XIIIe siècle, l'école de l'Île-de-France, qui prend la tête de l'art de l'architecture, n'emploie plus que la bretture, mais elle polit souvent les profils à la portée de la main, tels que les bases des colonnes. Ce fait peut être observé à Notre-Dame de Paris, à Notre-Dame de Chartres, à la cathédrale de Troyes, à Saint-Quiriace de Provins, à la sainte Chapelle du Palais, et dans un grand nombre de monuments.

 

Pendant ce temps, dans les contrées où le grès rouge abonde, dans les Vosges et sur les bords du Rhin, on continue de faire les tailles à l'aide du poinçon, du large ciseau et du marteau de bois. On voit beaucoup de tailles de ce genre à Strasbourg, où l'on se sert encore aujourd'hui du même outillage. Dans la cathédrale de cette ville, on remarque une grande variété de tailles du XIe au XIVe siècle, obtenues avec les mêmes outils. Ainsi, dans la crypte de ce monument, sur le mur nord, on voit des tailles faites au poinçon qui donnent ce dessin (fig. 2).



Aux voûtes de cette même crypte (XIIe siècle), les tailles sont façonnées en épis à l'aide du large ciseau strasbourgeois (fig. 3). L'église de Rosheim, près de Strasbourg (XIIe siècle), présente extérieurement et intérieurement des parements taillés au ciseau large, ainsi que l'indique la figure 4.



Il faut dire que le grès rouge des Vosges ne peut guère être parementé autrement qu'à l'aide de ce large ciseau, et les tailleurs de pierre de cette contrée mettaient une certaine coquetterie à obtenir des tailles d'une régularité et d'une finesse que permettait la nature des matériaux. Dans l'Île-de-France, nos tailleurs de pierre, au XIIIe siècle, taillent non-seulement les parements, mais aussi les moulures les plus délicates, à la bretture, ce qui exige une grande adresse de main. Cet outil (la bretture) est dentelé avec d'autant plus de finesse, que les profils deviennent plus délicats. Au XIVe siècle, ces profils acquièrent souvent une telle ténuité, que la bretture ne saurait les dégager; alors on emploie la ripe, sorte de ciseau recourbé et dentelé très-fin, et c'est perpendiculairement à la moulure que cet outil est employé (fig. 5).



Ainsi le tailleur de pierre modèle son profil, comme le ferait un graveur, pour faire sentir les diverses courbures. La ripe, au XVe siècle, est l'outil uniquement adopté pour terminer tout ce qui est mouluré, et la bretture n'est plus employée que pour les parements droits.

Dans des contrées où l'on n'avait que des pierres très-dures, telles que certains calcaires jurassiques, le grès, la lave et même le granit, on continue à employer le poinçon, le ciseau et le taillant droit. La bretture, et à plus forte raison la ripe, n'avaient pas assez de puissance pour entamer ces matières. Tous les profils étaient dégagés au ciseau et terminés au taillant droit très-étroit, employé longitudinalement. On ne voit de traces de l'outil appelé boucharde que dans certains monuments du Midi bâtis de grès dur, comme à Carcassonne, par exemple, et cet outil n'apparaît-il que fort tard, vers la fin du XVe siècle. Encore n'est-il pas bien certain qu'il fût fabriqué comme celui que l'on emploie trop souvent aujourd'hui. C'était plutôt une sorte de grosse bretture à dents obtuses, au lieu d'être coupantes. Jusqu'à la fin du XVe siècle, la taille de la pierre, en France, est faite avec une grande perfection, souvent avec une intelligence complète de la forme et de l'effet à obtenir. Les parements unis ne sont jamais traités comme les moulures. Le grain de la bretture, et plus tard de la grosse ripe, apparaît sur ces parements, tandis qu'il est à peine visible sur les parties profilées. Des détails polis viennent encore donner de la variété et du précieux à ces tailles.

Avec le XVIe siècle, trop souvent la négligence, l'uniformité, le travail inintelligent, remplacent les qualités de tailles qui ressortent sur nos vieux édifices. Puis, depuis le milieu du XVe siècle, on ne mettait plus guère en oeuvre que les pierres tendres à grain fin et compacte, comme la pierre de Vernon, les pierres de Tonnerre, le Saint-Leu le plus serré. Il n'était plus possible, sur ces matériaux, de se servir de la bretture, on employait les ripes grosses et fines. Ces outils ont l'inconvénient, pour les parements unis surtout, si l'ouvrier n'a pas la main légère, d'entrer dans les parties tendres, et de se refuser à attaquer celles qui sont plus dures. Il en résulte que les surfaces ripées sont ondulées, et produisent le plus fâcheux effet sous la lumière frisante. On en vient à passer le grès sur ces parements pour les égaliser, et cette opération amollit les tailles, leur enlève cette pellicule grenue et chaude qui accroche si heureusement les rayons du soleil. Les moulures, les tapisseries, prennent un aspect uniforme, froid, mou, qui donne à un édifice de pierre l'apparence d'une construction couverte d'un enduit.

TAILLOIR, s. m.--Voyez ABAQUE.

TAPISSERIE, s. f. Nom que l'on donne à tout parement uni, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur d'un édifice. On dit: «Les tapisseries sont bien dressées», pour indiquer qu'un parement est bien fait, bien dégauchi et bien ravalé ou enduit.

TAPISSERIE, tenture d'étoffe.--Voyez le Dictionnaire du mobilier français.

TAS, s. m. Ensemble de l'oeuvre où sont mis en place les divers matériaux préparés sur les chantiers.

TAS DE CHARGE, s. m. Assises de pierres à lits horizontaux que l'on place sur un point d'appui, sur une pile ou un angle de mur entre des arcs, pour recevoir des constructions supérieures. Se dit aussi de certains encorbellements, comme, par exemple, des séries de corbeaux qui reçoivent le crénelage d'une courtine ou d'une tour (voyez MÂCHICOULIS).

On conçoit aisément que lorsque plusieurs arcs viennent reposer sur la tête d'une pile dont la section n'est pas considérable, les lits inclinés des claveaux a (fig. 1) ne présentent pas une assiette propre à recevoir une charge supérieure b.



Celle-ci tend à faire glisser ces claveaux ou à les écraser, parce qu'ils présentent leur angle d'extrados sous son action verticale. Alors (voyez en B), dans les constructions bien entendues, ou on laisse entre l'extrados de ces claveaux des assises horizontales c épousant la courbure de l'arc, ou, si la place ne le permet pas, on pose une série de sommiers d (voy. en C) avec lits horizontaux (voyez CONSTRUCTION, fig. 46, 46 bis, 48 ter, 49 bis, 81, 96 et 127). Quelquefois les constructeurs du moyen âge ont formé des arcs presque entièrement composés d'assises en tas de charge, pour éviter les poussées sous une pression considérable. Telles sont appareillées les archivoltes des grandes baies des deux tours occidentales de la cathédrale de Reims, afin de supporter les flèches de pierre projetées sur ces tours.

L'absence des tas de charge sur des piliers a occasionné l'écrasement de ceux-ci. Cela se rencontre assez fréquemment dans des constructions de la fin du XIIe siècle.



Il est clair que si l'on appareille sur une pile des arcs ainsi que ceux tracés en a (fig. 2), tout le poids des constructions supérieures, glissant le long des extrados de ces arcs, vient faire coin en b et exercer sur ce seul point une pression qui eût dû être répartie sur toute la surface de la pile. Les arcs pressés à la clef en c tendent à s'écraser en d, peuvent se disloquer, ne plus épauler qu'imparfaitement le coin de pression. Celui-ci, reposant sur son angle seulement, s'écrase, et les pressions, agissant très-irrégulièrement sur la pile, brisent ses assises. Cet accident, assez fréquent, ainsi que nous venons de le dire, dans des édifices bâtis au XIIe siècle, où l'on n'avait pas encore acquis une parfaite expérience de l'effet des grandes constructions voûtées reposant sur des points d'appui grêles, doit éveiller l'attention des architectes chargés de la restauration de ces constructions. Souvent, en apercevant des piles écrasées, bien que d'une section notable, on croit à l'insuffisance des matériaux employés, et l'on se contente de remplacer les assises éclatées. C'est là l'effet; mais la cause réside presque toujours dans les sommiers qui n'ont pas de tas de charge ou de lits horizontaux au-dessus des chapiteaux, à la naissance des arcs. Il est donc urgent de supprimer cette cause.

L'opération est souvent périlleuse, et demande de l'attention. Remplacer les assises écrasées d'une pile, dans ce cas, sans relancer les sommiers en tas de charge ou à lits horizontaux, à la place des claveaux disposés comme il est dit ci-dessus, c'est faire un travail inutile.

Les accidents qui s'étaient produits dans des édifices du XIIe siècle, à cause de l'absence ou de l'insuffisance des tas de charge, ne furent pas perdus pour les maîtres du XIIIe, siècle. Ceux-ci en vinrent bientôt, ainsi que nous le démontrons dans l'article CONSTRUCTION, à ne plus donner de coupes aux claveaux que quand leur extrados échappait à l'aplomb de la charge supérieure (fig. 3).



Ce principe une fois admis, ils en tirèrent des conséquences nombreuses; ils parvinrent ainsi souvent à neutraliser presque complétement des poussées d'arcs sur des murs, ou à diminuer considérablement le volume et le poids des maçonneries destinées à contre-buter ces poussées.



La théorie de ce principe est celle-ci (fig. 4): Soit une nef voûtée en arcs d'ogives A, avec triforium B et galerie C au-dessus, à la naissance des grandes voûtes, avec bas côté D également voûté en arcs d'ogives. Il s'agit: 1° de ne pas écraser les piles cylindriques E; 2° de ne pas avoir un cube de culées d'arcs-boutants F considérable. Les contre-forts G sont élevés suivant une saillie assez prononcée pour présenter non-seulement une butée suffisante aux voûtes des collatéraux, mais encore une assiette assez large pour résister à une pression inégale. Les assises H de ces contre-forts sont taillées en tas de charge au droit de la naissance des arcs-doubleaux et arcs ogives I des voûtes des bas côtés, afin de recevoir sur leurs lits horizontaux le porte-à-faux de la pile F en K. De même en L, les assises au droit de la naissance des arcs-boutants M sont taillées en tas de charge pour recevoir le pinacle N en porte-à-faux. La ligne ponctuée NO étant l'aplomb du parement intérieur P, il est clair que si l'arc-boutant M n'existait pas, tout le système de la pile butante serait en équilibre avec une propension, au moindre mouvement, à se déverser en L. Cet empilage d'assises tend donc à s'incliner vers la grande voûte, et à exercer par conséquent sur celle-ci une pression. C'est l'arc-boutant qui transmet cette pression. Au-dessus de la pile ou colonne E, les assises sont taillées en tas de charge en R, pour recevoir sur des lits horizontaux la pile S. Les assises de naissance des arcs-doubleaux et arcs ogives de la grande voûte T sont taillées en tas de charge pour reporter la pression des claveaux sur la pile V et sur la colonne E. Ainsi c'est à l'aide de ces tas de charge que l'équilibre du système général est obtenu. C'est grâce à l'équilibre de la pile F, tendant à s'incliner vers l'intérieur de l'édifice, que la butée de l'arc-boutant peut être sensiblement réduite. Le chapiteau de la pile E étant plus saillant vers la nef que vers le bas côté, a ainsi son axe sous la résultante des pressions de la grande voûte, résultante rendue presque verticale par la butée de l'arc-boutant. Les assises en tas de charge R ont encore pour effet d'empêcher la poussée des voûtes des bas côtés, de faire rondir les piliers E vers l'intérieur, en reportant la résultante de pression de ces voûtes suivant l'axe de ces piliers.

C'est conformément à cette théorie que l'église si intéressante de Notre-Dame de Dijon a été construite. Malheureusement l'exécution peu soignée, faite avec trop de parcimonie et par des ouvriers qui ne comprenaient pas parfaitement le système adopté, laisse trop à désirer. La conception n'en est pas moins très-remarquable et due à un maître savant. C'est en mettant d'accord l'exécution avec la théorie, que ce monument peut être restauré sans beaucoup d'efforts. Il ne faudrait pas croire que ces combinaisons de structure nuisent à l'effet, car certainement l'église de Notre-Dame de Dijon est un des beaux monuments de la Bourgogne. Il ressort même de l'adoption de ce système d'équilibre une franchise de parti, une netteté, qui charment les yeux les moins exercés.

 

Les maîtres des XIVe et XVe siècles, très-savants constructeurs, ne négligèrent pas d'employer les tas de charge, et ils en comprenaient si bien l'importance, qu'ils avaient le soin de les faire tailler dans de très-hautes assises, pour supprimer les chances de rupture. Mais à l'article CONSTRUCTION on trouvera de nombreux exemples de l'emploi de ce système d'appareil.

TEMPLE, s. m. Neuf chevaliers, compagnons d'armes de Godefroy de Bouillon, firent voeu devant Garimond, patriarche de Jérusalem, de se consacrer à la terre sainte 2. Vivant d'aumônes, voués au célibat, consacrant tous les instants de leur vie à protéger les pèlerins, à détruire le brigandage et à combattre les infidèles, ils obtinrent de Baudouin II, roi de Jérusalem, de demeurer près du temple, dans une des dépendances du palais de ce prince. Dès lors ils furent appelés Templiers ou chevaliers du Temple, ou encore soldats du Christ (Christi milites).

Ces premiers chevaliers du Temple étaient soumis à la règle de Saint-Augustin. Ayant été admis près du pape Honoré II pour obtenir une constitution particulière, ce pontife les envoya au concile de Troyes, en 1128, où saint Bernard composa pour eux une règle fixe qui fut adoptée. Bientôt cet ordre devint un des plus riches et des plus puissants de la chrétienté. Du temps de Guillaume de Tyr, le couvent de Jérusalem comptait trois cents chevaliers et un nombre beaucoup plus considérable de frères servants. Des commanderies s'élevèrent sur tout le sol de l'Occident, en outre des établissements de Palestine et de Syrie. Les templiers, dès le XIIe siècle, possédaient des châteaux, des places fortes, des terres en nombre prodigieux, si bien que le P. Honoré de Sainte-Marie estime que les revenus de l'ordre s'élevaient à la somme de 54 000 000 de francs 3.

On donnait le nom de temples, pendant le moyen âge, aux chapelles des commanderies de templiers; ces chapelles étaient habituellement bâties sur plan circulaire, en souvenir du saint sépulcre, et assez exiguës. Bien entendu, les plus anciennes chapelles de templiers ne remontent qu'au milieu du XIIe siècle environ, et elles furent presque toutes bâties à cette époque.

Le chef-lieu de l'ordre, après l'abandon de Jérusalem par les Occidentaux était Paris. Le Temple de Paris comprenait de vastes terrains dont la surface équivalait au tiers de la capitale; il avait été fondé vers 1148, ou, d'après Félibien, au retour de la croisade de Louis VII. Au moment du procès des templiers, c'est-à-dire en 1307, les bâtiments du Temple à Paris se composaient de la chapelle circulaire primitive du XIIe siècle, qui avait été englobée dans une nef du XIIIe, d'un clocher tenant à cette nef, de bâtiments spacieux pour loger et recevoir les frères hospitaliers. Mathieu Paris raconte que Henri III, roi d'Angleterre, à son passage à Paris, en 1254, logea au Temple, où s'élevaient de nombreux et magnifiques bâtiments destinés aux chevaliers, lors de la tenue des chapitres généraux; car il ne leur était permis de loger ailleurs 4. En 1306, une année avant l'abolition de l'ordre, le donjon était achevé; il avait été commencé sous le commandeur Jean le Turc. Ce donjon consistait en une tour carrée fort élevée, flanquée aux quatre angles de tourelles montant de fond, contenant des escaliers et des guettes 5. L'étendue, la beauté, la richesse et la force du Temple à Paris, provoquèrent l'accusation portée contre eux. En effet, l'année précédente, en 1306, le roi Philippe le Bel s'était réfugié au Temple pendant les émeutes soulevées contre les faux monnayeurs, et, de cette forteresse, il put attendre sans crainte l'apaisement des fureurs populaires. Il songea dès lors à s'approprier une résidence plus sûre, plus vaste et splendide que n'étaient le Palais et le Louvre.

L'hospitalité magnifique donnée aux princes par les templiers, possesseurs de richesses considérables, sagement gouvernées, ne pouvait manquer d'exciter la convoitise d'un souverain aussi cupide que l'était Philippe le Bel. Plus tard l'hospitalité que Louis XIV voulut accepter à Vaux ne fut guère moins funeste au surintendant Fouquet.

Les derniers chevaliers du Temple qui quittèrent la Palestine revinrent en Occident, possesseurs de 50 000 florins d'or et de richesses mobilières considérables. Ces trésors n'avaient fait que s'accroître dans leurs commanderies par une administration soumise à un contrôle sévère. Le mystère dont s'entouraient les délibérations de l'ordre ne pouvait d'ailleurs qu'exagérer l'opinion que l'on se faisait de leurs biens. Dès qu'ils eurent été condamnés et exécutés, Philippe le Bel s'installa au Temple. Quant aux trésors, ils passèrent dans ses mains et dans celles du pape Clément V, complice du roi dans cette inique et scandaleuse procédure. Plus tard le Temple de Paris et les commanderies de France furent remis aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem 6, puis de Rhodes et de Malte.

Sauval 7 s'exprime ainsi au sujet du Temple: «C'est une église gothique, accompagnée devant la porte d'un petit porche ou vestibule antique, et enrichi en entrant d'une coupe (coupole), dont la voûte est égale à celle du vaisseau, et soutenue sur six gros piliers qui portent des arcades au premier étage, et sur autant de pilastres au second, qui s'élèvent jusqu'à l'arrachement de la voûte. Cette coupe (coupole) est entourée d'une nef, dont la voûte a une élévation pareille à ces arcades. Cette partie d'entrée, qui est l'unique en son espèce que j'ai encore vue en France, en Angleterre et dans les dix-sept provinces, non-seulement est majestueuse et magnifique par dedans, mais encore fait un effet surprenant et plaisant à la vue par dehors.

Le circuit de ce lieu, dit Corrozet 8 (le Temple, ses dépendances et cultures), est très-spacieux et plus grand que mainte ville renommée de ce royaume; il est clos de fortes murailles à tourelles et carneaux larges, pour y cheminer deux hommes de front. Là sont plusieurs chapelles et logis en ruyne, qui servaient aux congrégations des templiers, chacun en sa nation... Y sont aussi plusieurs riches bastimens nouveaux faits par les chevaliers de Rhodes, auxquels les biens desdits templiers furent donnez, et par conséquent ledit lieu du Temple, dont l'église est faite à la semblance du temple de Jérusalem....»



Réunissant les renseignements que nous avons pu nous procurer sur le Temple de Paris 9, nous donnons le plan de l'église (fig. 1). La rotonde datait de la première moitié du XIIe siècle. Après la sortie des templiers de la Palestine, cette rotonde fut augmentée au porche A, dont parle Sauval, et un peu plus tard de la grande nef B. Le bas du clocher C datait également du XIIe siècle, et l'étage du beffroi du commencement du XIIIe siècle.

Le porche A était à claire-voie dans la partie inférieure, et vitré dans la partie supérieure. Cette disposition, adoptée fréquemment pour les cloîtres, produisait ici un effet très-pittoresque, ainsi que le remarque Sauval. Une coupe longitudinale (fig. 2) fera saisir la disposition originale de ces constructions ajoutées à la rotonde primitive.



En A, est le porche avec ses claires-voies latérales; au-dessus, les fenêtres vitrées. C'est à peu près la disposition qui subsiste à Aix-la-Chapelle, mais mieux entendue. La rotonde englobée avait conservé ses voûtes et son étage supérieur, qui formait saillie extérieurement sur les parois du narthex et de la grande nef 10. Le triangle équilatéral avait été le générateur du plan de la rotonde. On sait que le triangle équilatéral était un des signes adoptés par les templiers. Des fragments de vitraux fournis par M. de Penguern, et provenant de la chapelle de la commanderie de Brelvennez, laissent voir la croix de gueules entourée de l'orle d'or des templiers et le triangle équilatéral. Dans la chapelle de Saint-Jean de Creac'h, près de Saint-Brieuc, sont placées plusieurs dalles tombales de chevaliers du Temple. Sur l'une d'elles est gravée une petite croix latine, et au-dessous une épée posée diagonalement; entre l'épée et la croix est un triangle équilatéral 11.

11 Outil dont le taillant est dentelé (voyez BRETTURE).
22 Ces neuf chevaliers sont: Hugues de Payens, Godefroy de Saint-Omer, André de Montbard, Gundomar, Godefroy, Roral, Geoffroy Bisol, Payen de Montdésir, Archambaud de Saint-Aignan, ou, suivant Lejeune, Hugues, comte de Champagne, fondateur de Clairvaux.
33 Voyez l'Histoire des chevaliers templiers, par Élizé de Montagnac. Paris, 1864.
44 Voyez Dubreul, Théâtre des antiquités de Paris, livre III.
55 C'est dans ce donjon que Louis XVI fut détenu en 1792.
66 C'est en 1317 que par une transaction passée entre les chevaliers hospitaliers et Philippe le Long, il est démontré que le séquestre des biens des templiers s'était prolongé jusqu'en 1313. Donc la couronne avait perçu, pendant une période de six ans, les énormes revenus de ces biens; de plus, tous les biens meubles et les trésors étaient restés entre les mains du roi.
77 Livre IV, p. 454.
88 Antiquitez de Paris, G. Corrozet Parisien, 1586, part. I, p. 108.
99 Voyez le plan de Paris de Verniquet, le grand plan de Mérian, les gravures d'Israël Sylvestre, l'oeuvre de Marot: l'Architecture françoise.
1010 Voyez les gravures de Marot et d'Israël Sylvestre.
1111 Hist. des chevaliers templiers, par Élizé de Montagnac. Paris, A. Aubry, 1864. Les francs-maçons ont prétendu continuer l'ordre du Temple, et posséder même un testament ou charte de transmission d'un grand maître dont le pouvoir secret avait été reconnu par les frères postérieurement à la mort de Jacques de Molay.