Czytaj książkę: «Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P)»
P
PALAIS, s. m. C'est la maison royale ou suzeraine, le lieu où le suzerain rend la justice. Aussi ce qui distingue particulièrement le palais c'est la basilique, la grand'salle qui toujours en fait la partie principale. Le Palais, au moyen âge, est, à dater des Carlovingiens, placé dans la capitale du suzerain, c'est sa résidence jusque vers le XIVe siècle. Cependant les rois mérovingiens ont possédé des palais dans les campagnes ou à proximité des villes. Ces premiers palais étaient à peu près élevés sur le modèle des villæ gallo-romaines, quelquefois même dans les restes de ces établissements. Les palais de Verberie, de Compiègne, de Chelles, de Noisy, de Braisne, d'Attigny, n'étaient que de véritables villæ.
«L'habitation royale n'avait rien de l'aspect militaire des châteaux du moyen âge: c'était un vaste bâtiment entouré de portiques d'architecture romaine, quelquefois construit en bois poli avec soin et orné de sculptures qui ne manquaient pas d'élégance. Autour du principal corps de logis se trouvaient disposés, par ordre, les logements des officiers du palais, soit barbares, soit romains d'origine, et ceux des chefs de bande qui, selon la coutume germanique, s'étaient mis avec leurs guerriers dans la truste du roi, c'est-à-dire sous un engagement spécial de vasselage et de fidélité. D'autres maisons de moindre apparence étaient occupées par un grand nombre de familles qui exerçaient, hommes et femmes, toutes sortes de métiers... La plupart de ces familles étaient gauloises, nées sur la portion du sol que le roi s'était adjugé comme part de conquête, ou transportées violemment de quelques villes voisines pour coloniser le domaine royal; mais si l'on en juge par la physionomie des noms propres, il y avait aussi parmi elles des Germains et d'autres barbares dont les pères étaient venus en Gaule, comme ouvriers ou gens de service, à la suite des bandes conquérantes. D'ailleurs, quelle que fût leur origine, ou leur genre d'industrie, ces familles étaient placées au même rang et désignées par le même nom, par celui de lites en langue tudesque, et en langue latine par celui de fiscalins, c'est-à-dire attachées au fisc. Des bâtiments d'exploitation agricole, des haras, des étables, des bergeries et des granges, les masures des cultivateurs et les cabanes des serfs du domaine complétaient le village royal, qui ressemblait parfaitement, quoique sur une plus grande échelle, aux villages de l'ancienne Germanie... 1.» Des baies vives, des murs de pierres sèches, des fossés, entouraient cet ensemble de bâtiments, et formaient quelquefois plusieurs enceintes, suivant l'usage des peuples du Nord. L'architecture des bâtiments participait des diverses influences sous lesquelles on les avait élevés; c'était un mélange de traditions gallo-romaines et de constructions de bois élevées avec un certain art, peintes de couleurs brillantes. Des granges, des hangars, des celliers énormes, contenaient des provisions amassées pendant plusieurs mois, et que les princes barbares venaient consommer avec leurs leudes. Lorsque tout était vide, ils se transportaient dans un autre domaine. Ces palais, bâtis sur la lisière des grandes forêts, retentissaient des cris des chasseurs et du fracas d'orgies qui se prolongeaient souvent, pendant plusieurs jours. Les Carlovingiens conservèrent encore cet usage de vivre dans les palais de campagne, et Charlemagne en possédait un grand nombre 2. Mais alors la vie en commun était remplacée par une sorte d'étiquette; les palais ressemblaient davantage à une cour; de beaux jardins les entouraient, cultivés avec soin; les enceintes étaient mieux marquées. Toutefois la grande salle, la basilique, formait toujours la partie principale du domaine.
Voici (fig. 1.) un aperçu de l'ensemble de ces palais carlovingiens. Charlemagne avait fait entièrement rebâtir le palais de Verberie, près de Compiègne. Il en restait encore de nombreux fragments dans le dernier siècle, si l'on en croit le P. Carlier 3. D'après cet auteur, Charlemagne aurait bâti la tour du Prædium, c'est-à-dire le donjon dominant le domaine, tour dont les soubassements étaient encore visibles de son temps. Il aurait fait construire le principal corps de logis, «édifice immense», ainsi que la chapelle du palais, qui «conservait encore le nom de chapelle Charlemagne au XIVe siècle.»
«Ce palais, dit le P. Carlier, tenait à plusieurs dépendances, qui formaient comme autant de châteaux particuliers, dont chacun avait sa destination... Le palais de Verberie avait son aspect au midi; les édifices qui le composaient s'étendaient de l'occident à l'orient, sur une ligne de 240 toises. Un corps de logis très vaste, où se tenaient les assemblées générales, les parlements, les conseils, etc., Mallobergium 4, terminait à l'occident cette étendue de bâtiments, de même que la chapelle à l'orient. La chapelle et la salle d'assemblée formaient comme deux ailes, qui accompagnaient une longue suite d'édifices de différentes formes et de différentes grandeurs. Au centre de toute cette étendue paraissait un magnifique corps de logis, d'une hauteur excessive, composé de deux grands étages... J'ai tiré ces notices, ajoute Carlier, de quelques restes de l'ancien palais et d'un titre du règne de François Ier, qui permet la démolition des différentes parties de ce palais. Ces parties de bâtiment avaient été incendiées sous le règne infortuné de Charles VI, un siècle auparavant.»
Ce ne fut qu'après les invasions des Normands que ces résidences se convertirent en forteresses, et constituèrent les premiers châteaux féodaux. (Voy. CHÂTEAU.)
La résidence des rois de France, dans l'île de la Cité, à Paris, était désignée sous le nom du Palais par excellence, tandis qu'on disait le château du Louvre, le château de Vincennes. Tous les seigneurs suzerains possédaient un palais dans la capitale de leur seigneurie. À Troyes était le palais des comtes de Champagne, à Poitiers celui des comtes de Poitiers, à Dijon celui des ducs de Bourgogne. Cependant, à dater du XIe siècle, conformément aux habitudes des seigneurs du moyen âge, le palais était ou fortifié ou entouré d'une enceinte fortifiée; mais généralement il occupait une surface plus étendue que les châteaux de campagne, se composait de services plus variés, et laissait quelques-unes de ses dépendances accessibles au public. Il en était de même pour les résidences urbaines des évêques, qui prenaient aussi le nom de palais, et qui n'étaient pas absolument fermées au public comme le château féodal. Plusieurs de nos anciens palais épiscopaux de France conservent ainsi des servitudes qui datent de plusieurs siècles. Les cours, plaids, parlements, les tribunaux de l'officialité, se tenaient dans les palais du suzerain ou de l'évêque; il était donc nécessaire de permettre au public de s'y rendre en maintes occasions. La partie essentielle du palais est toujours la grand'salle, vaste espace couvert qui servait à tenir les cours plénières, dans laquelle on convoquait les vassaux, on donnait des banquets et des fêtes. De longues galeries accompagnaient toujours la grand'salle; elles servaient de promenoirs. Puis venait la chapelle, assez vaste pour contenir une nombreuse assistance; puis les appartements du seigneur, les logements des familiers, le trésor, le dépôt des chartes; puis enfin les bâtiments pour les hommes d'armes, des cuisines, des celliers, des magasins, des prisons, des écuries, des préaux, et presque toujours un jardin. Une tour principale ou donjon couronnait cette réunion de bâtiments, disposés d'ailleurs irrégulièrement et suivant les besoins.
La plupart de ces palais n'avaient pas été bâtis d'un seul jet, mais s'étaient accrus peu à peu, en raison de la richesse ou de l'importance des seigneurs auxquels ils servaient de résidence.
Le palais des rois, à Paris, dans lequel ces souverains tinrent leur cour depuis les Capétiens jusqu'à Charles V, présentait ainsi, au commencement du XIVe siècle, une réunion de bâtiments dont les plus anciens remontaient à l'époque de saint Louis, et les derniers dataient du règne de Philippe le Bel. Des fouilles récemment faites dans l'enceinte du palais de Paris ont mis au jour quelques restes de constructions gallo-romaines, notamment du côte de la rue de la Barillerie; mais dans l'ensemble des bâtiments il ne reste rien d'apparent qui soit antérieur au règne de Louis IX. Depuis Charles V, le palais fut exclusivement affecté au service de la justice, et les rois ne l'habitèrent plus. Ce souverain y fit faire quelques travaux intérieurs, ainsi que Louis XI; mais Louis XII l'augmenta en construisant le bâtiment destiné à la chambre des comptes, et qui se trouvait occuper, place de la Sainte-Chapelle, l'emplacement affecté aujourd'hui à l'hôtel du préfet de police. Nous donnons (fig. 2) le plan du palais de Paris à rez-de-chaussée, tel qu'il existait au commencement du XVIe siècle.
Des constructions de saint Louis, il ne restait plus alors, comme aujourd'hui encore, que la sainte Chapelle A, le corps de bâtiment B compris entre les deux tours du quai de l'Horloge, et la tour carrée du coin C, dont les substructions paraissent même appartenir à une époque plus ancienne: Le bâtiment D, affecté aux cuisines, est un peu postérieur au règne de saint Louis. Peut-être l'enceinte E, avec les portes F, qui existaient sur la rue de la Barillerie, et qui, au XIVe siècle, donnaient encore sur un fossé, avaient-elles été élevées par Louis IX, ainsi que le donjon G, dit tour de Montgomery 5 et qui subsista jusque vers le milieu du dernier siècle 6.
Philippe le Bel fit construire les galeries H, la grand'salle l, les portiques K et le logis L, «très-somptueux et magnifiques ouvrages», dit Corrozet 7, qui les a encore vus tout entiers, bâtis sous la direction de «messire Enguerrand de Marigny, comte de Longueville et général des finances, et voyez (ajoute le même auteur) quels hommes on employoit jadis à tels états plustost que des affamez, et des hommes qui ne demandent que piller l'argent du prince.» Enguerrand de Marigny n'en fut pas moins pendu, comme chacun sait, ce qui enlève quelque chose au sens moral de la remarque du bon Parisien Corrozet.
Les bâtiments de la chambre des comptes, commencés par Louis XI et achevés par Louis XII, étaient en M. En N était une poterne avec tournelles, dont nous avons encore vu des restes intéressants il y a quatre ans. Cette poterne et l'enceinte O, avec quais, dataient du XIVe siècle. Quant à l'enceinte E', ses traces étaient visibles dans des maisons particulières avant la construction du bâtiment actuel de la police correctionnelle, ainsi que le constate un plan relevé avec le plus grand soin par M. Berty, et accompagné de renseignements bien précieux 8. En P était une chapelle placée sous le vocable de saint Michel, en R le pont aux Changeurs, et en S le pont aux Meuniers, ou le Grand-Pont. En T le jardin, les treilles du roi, séparé d'une petite île (île aux Vaches) par un bras de la Seine. Là était le bâtiment des étuves. De ce vaste ensemble de logis et monuments, il reste encore aujourd'hui: la sainte Chapelle, privée seulement de son annexe V à trois étages, servant de sacristie et de trésor des chartes; le rez-de-chaussée de la grand'salle, tel que le donne notre plan; une partie notable des portiques K; la partie intérieure du bâtiment des cuisines et de la salle B, ainsi que les quatre tours sur le quai de l'Horloge; le logis L dans toute sa hauteur. C'était dans la cour X qu'était planté le May. Cette réunion de monuments, tous d'une bonne architecture, présentait au centre de la Cité l'aspect le plus saisissant.
Nous avons essayé d'en donner une idée dans la vue cavalière (fig. 3) prise de la pointe de l'île en aval 9. Les étrangers qui visitaient la capitale s'émerveillaient fort de la beauté des bâtiments du Palais, principalement de l'effet de la cour du May, qui, en entrant par la porte donnant sur la rue de la Barillerie, présentait une réunion d'édifices plantés de la manière la plus pittoresque. Le grand perron, qui donnait au premier étage de la galerie d'Enguerrand; celui de droite, qui montait sur la terrasse, communiquant à la grand'salle; les parois de celle-ci avec ses fenêtres à meneaux; le gros donjon de Montgomery, dont la toiture paraissait au-dessus des combles de la grande galerie; la sainte Chapelle, avec son trésor, formaient réellement un bel ensemble, quoique peu symétrique. Si l'on tournait à gauche vers la chapelle Saint-Michel, on découvrait la façade élégante de la chambre des comptes avec son gracieux escalier couvert, puis l'escalier de la sainte Chapelle bâti par Louis XII, puis le gros donjon relégué au fond de la cour. En longeant la chambre des comptes, on passait dans les jardins du Palais, et l'on voyait se développer la façade mouvementée du logis, dont il reste encore aujourd'hui toute une portion. À chaque pas, c'était un aspect nouveau, une surprise, et la variété de toutes ces constructions contribuait à augmenter leur étendue. Il y a bien loin de ce palais aux bâtisses glaciales et ennuyeuses par leur monotonie, auxquelles nous sommes habitués depuis le grand siècle.
C'est dans ce palais que Charles V reçut et logea l'empereur Charles IV, probablement dans des bâtiments qui occupaient l'emplacement affecté plus tard à la chambre des comptes... «Lors, fist le roy lever l'empereur, à tout sa chayere, et, contremont les degrez porter en sa chambre (l'empereur était goutteux), et aloit le roy, d'un costé, et menoit le roy des Rommains à sa sénestre main, et ainssy le convoya en sa chambre de bois d'Irlande, qui regarde sus les jardins et vers la saincte Chappelle, qu'il avoit fait richement appareiller, et toutes les autres chambres derrière, laissa pour l'empereur et son filz; et il fu logiés ès chambres et galatois que son père le roy Jehan fist faire 10.»
Il est certain que ces palais, ces grandes résidences seigneuriales, au moyen âge, s'élevaient successivement. Suivant une habitude que nous voyons encore observée en Orient, chaque prince ajoutait aux bâtiments qu'il trouvait debout, un logis, une salle, suivant les goûts ou les besoins du moment. Il n'y avait pas de projet d'ensemble suivi méthodiquement, exécuté par fractions, et loin de se conformer à une disposition unique, les seigneurs qui faisaient ajouter quelque logis à la demeure de leurs prédécesseurs, prétendaient donner à l'oeuvre nouvelle un caractère particulier; ils marquaient ainsi leur passage, laissaient l'empreinte de leur époque en bâtissant un logis tout neuf, suivant le goût du jour, plutôt que d'approprier d'anciens bâtiments. Ces résidences présentent donc de la variété non-seulement dans les parties qui les composent, mais aussi entre elles, et si leur programme est le même, la manière dont il a été interprété diffère dans chaque province. Ici la chapelle prend une importance considérable, là elle se réduit aux proportions d'un oratoire. Dans tel palais, le donjon est un ouvrage de défense important; dans tel autre, il ne consiste qu'en une bâtisse un peu plus épaisse et un peu plus élevée que le reste du logis. Seule la grand'salle occupe toujours une vaste surface, car c'est là une partie essentielle, c'est le signe de la juridiction seigneuriale, le lieu des grandes assemblées; comme dans les châteaux, elle possède un large perron et s'élève sur des celliers voûtés. À Troyes, par exemple, le palais des comtes de Champagne, accolé à l'église Saint-Étienne, qui lui servait de chapelle, n'avait, relativement à l'édifice religieux, qu'une étendue assez médiocre; ses logements étaient peu nombreux, mais la grand'salle avait 52 mètres de longueur sur 20 mètres environ de largeur. Une tour carrée, accolée au flanc nord de l'église et dépendant de celle-ci, servait de trésor et de donjon. Les pièces destinées à l'habitation, renfermées dans un premier étage sur rez-de-chaussée voûté, étaient placées en enfilade sur l'un des flancs de la grand'salle et devant l'église du côté ouest; elles donnaient sur un bras de la Seine. Un jardin du côté du midi et une place du côté septentrional bornaient le palais; c'était sur cette place que s'étendait le large perron servant d'entrée principale à la grand'salle 11. Du reste, le palais de Troyes cessa d'être la demeure des comtes de Champagne dès 1220; ceux-ci préférèrent établir leur résidence à Provins.
Le palais des comtes de Poitiers est un de ceux qui, en France, ont conservé peut-être les plus beaux restes. Bâti sur des ruines romaines par les Carlovingiens, puis détruit à plusieurs reprises, il fut réédifié par Guillaume le Grand au commencement du XIe siècle; de cette reconstruction il ne reste rien. On attribue à Guy-Geoffroy, fils de Guillaume, la construction de la grand'salle que nous voyons aujourd'hui; mais cette salle présentant tous les caractères de l'architecture civile de la fin du XIIe siècle, et Guy Geoffroy étant mort en 1086, il faut lui trouver un autre fondateur.
Le palais de Poitiers fut brûlé en 1346 par les Anglais, puis réparé en 1395 par Jean, duc de Berry et comte du Poitou. Ce prince, frère du roi Charles V, fit rebâtir le pignon de la grand'salle, décoré d'une immense cheminée (voy. CHEMINÉE, fig. 9 et 10), et le donjon qui existe encore, quoique très mutilé et qui sert aujourd'hui de cour d'assises 12. Cette magnifique construction se compose d'un gros corps de logis barlong, à trois étages voûtés, flanqué de quatre tours rondes aux angles et couronné de mâchicoulis, créneaux et combles.
Nous donnons (fig. 4) le plan des parties encore existantes du palais de Poitiers. En A est la grand salle, en B le donjon. D'autres logis existaient en C, mais il n'en reste plus que quelques traces. La muraille de la ville gallo-romaine passait en R et servait de soubassement à la grand'salle, dont l'entrée était en D. Une déviation de voie publique, ou peut-être l'orientation, avait dû faire planter le donjon de biais, ainsi que l'indique le plan. Ce donjon de palais affecte une disposition particulière qui n'est point celle que nous observons dans les donjons de châteaux, lesquels ne présentent qu'une tour ou un amas de logis fortement défendus par des ouvrages importants, comme l'est, par exemple, celui du château de Pierrefonds. Le donjon du palais de Poitiers est à lui seul un petit château, possédant une grand'salle à chaque étage et des chambres dans les tours. Il affecte une apparence de forteresse, mais il n'est réellement qu'un gros logis éclairé par de larges baies et n'était nullement propre à la défense; il se rapproche de l'architecture civile, et les tours, les mâchicoulis ne sont là qu'un appareil féodal 13.
Nous donnons (fig. 5) une élévation du donjon du palais de Poitiers, faite sur l'un des petits côtés. Aujourd'hui les constructions des tours sont dérasées au niveau N; cependant les seize statues ont été conservées sur leurs culs-de-lampe, quoique fort mutilées. Ces statues sont revêtues de l'habit civil du commencement du XVe siècle. L'artiste a-t-il voulu représenter les comtes du Poitou? C'est ce qu'il est difficile de savoir. Quoi qu'il en soit, elles sont d'un beau travail.
La coupe transversale du donjon, faite sur la ligne BG du plan (fig. 6), montre les deux salles inférieures, avec leurs voûtes reposant sur une épine de trois piliers, puis le second étage ne formant plus qu'une grand'salle sans piliers. Au-dessus se trouvent le galetas et les chemins de ronde desservant les mâchicoulis. Un escalier à vis compris dans une tour carrée, autrefois englobée dans les logis bâtis entre ce donjon et la grand'salle, permet d'arriver aux trois étages par un couloir détourné, ainsi que l'indique le plan.
Les palais des seigneurs suzerains laïques forment au milieu des villes où ils sont situés une sorte d'oppidum, de lieu à la fois fortifié et sacré, comme était l'acropole des villes grecques. C'est dans le palais suzerain que sont conservées les reliques les plus précieuses et les plus vénérées par le peuple; c'est là que sont déposés les chartes, les trésors; c'est là que se tiennent les cours plénières, que siégent les parlements, que se passent les fêtes à l'occasion du mariage des princes, des traités. Quant aux palais des évêques, ils ont un autre caractère qui mérite de fixer l'attention des archéologues. Situés dans le voisinage des cathédrales (ce qui est naturel), ils sont presque toujours bâtis le long des murailles ou sur les murailles mêmes de la cité, et peuvent contribuer à leur défense au besoin. Ce fait est trop général pour qu'il n'ait pas une origine commune. En premier lieu, il prouverait ceci: c'est que les évêchés se sont établis, primitivement, sur quelque castellum tenant aux murs des villes gallo-romaines; en second lieu, que la construction de ces palais a dû précéder la construction des cathédrales et déterminer leur emplacement. En effet, on ne s'expliquerait pas comment la plupart de nos plus anciennes cathédrales, rebâties plusieurs fois, toujours sur le même emplacement, depuis les VIIe et VIIIe siècles, celles de Paris, de Meaux, de Bourges, d'Amiens, de Soissons, de Beauvais, de Laon, de Senlis, de Noyon, de Langres, d'Auxerre, du Mans, d'Évreux, de Narbonne, d'Alby, d'Angoulème, de Poitiers, de Carcassonne, de Limoges, et tant d'autres, s'élèvent plutôt près des anciens remparts qu'au milieu même de l'enceinte des cités. Les villes gallo-romaines possédaient, ou un capitole, ou au moins un castellum, le long d'un des fronts des remparts, comme sont encore nos citadelles modernes; c'est au milieu de ce capitole gallo-romain, ou dans un de ces réduits voisins des remparts, que s'implantent les premiers évêchés. N'oublions pas qu'à la fin du VIe siècle, «les évêques étaient les chefs naturels des villes; qu'ils administraient le peuple dans l'intérieur de chaque cité; qu'ils le représentaient auprès des barbares; qu'ils étaient ses magistrats en dedans, ses protecteurs au dehors 14.»
Le palais épiscopal bâti, la cathédrale s'élève à côté, et chaque fois que la cathédrale se rebâtit à neuf, il est rare que le palais épiscopal ne soit point reconstruit en même temps. Or il nous reste quelques plans d'évêchés du XIIe siècle et même du XIe. Ces plans présentent une disposition à peu près uniforme: une grande salle, une chapelle, une tour ou donjon, des dépendances mixtes entre le palais et la cathédrale, et des logis qui, probablement, avaient peu d'importance, puisqu'on n'en trouve pas de traces. Le signe représentatif du pouvoir épiscopal, à la fois religieux et civil dans les premiers siècles du moyen âge, c'est la grande salle, curie canonique et civile, au besoin forteresse, qui devient plus tard l'officialité et la salle synodale. L'évêché de Paris, reconstruit par l'évêque Maurice de Sully, vers 1160, conservait encore ce caractère; il ne faisait d'ailleurs que remplacer un palais plus ancien dont les fondations, découvertes par nous en 1845 et 1846, peuvent passer pour une structure gallo-romaine. C'était la résidence dont parle Grégoire de Tours, et qui existait de son temps. Dans la chapelle palatine épiscopale, dont nous avons vu encore les restes en 1830, on lisait cette inscription rapportée par le P. du Breuil 15: «Hæc basilica (la chapelle) consecrata est a Domino Mauritio Parisiensi episcopo, in honore beatæ Mariæ, beatorum martyrum Dionysii, Vincentii, Mauritii, et omnium sanctorum.» Or ce palais, reconstruit par Maurice de Sully, se composait d'une grande salle, avec bâtiments tenant au choeur de la cathédrale, qu'il réédifiait en même temps, et d'une chapelle. Des logements privés du prélat, nulle trace. Voici (fig. 7) le plan du rez-de-chaussée de ce palais épiscopal du XIIe siècle.
En A était la chapelle, en B le donjon, en C la grande salle, qui alors, ne s'étendait pas au delà du mur pignon D. Le choeur de la cathédrale, rebâti par Maurice de Sully, est en E; la salle F servait de trésor au premier étage, avec escalier de communication entre le palais et le choeur, et de sacristie au rez-de-chaussée. La grande salle au premier étage formait un seul vaisseau voûté. Ici la muraille gallo-romaine de la cité passe en M, sous la cathédrale et au delà de son abside, et en creusant les fondations de la nouvelle sacristie, nous avons retrouvé une substruction de la même époque en G et en P. Il semblerait donc que les évêques de Paris avaient profité d'un saillant formé par les défenses de la cité, d'une sorte de castellum, pour y enfermer le palais épiscopal. Le mur méridional de la grande salle était même bâti sur les fondements de l'enceinte gallo-romaine, et fut encore crénelé par Maurice de Sully.
Alors, dit le P. du Breuil, «l'evesque et les siens alloient de la grande salle à la grande église (la cathédrale) par une gallerie (l'aile F), laquelle messieurs les Ponchers successeurs evesques (au XVIe siècle) ont depuis quittée aux chanoines qui y mettent les reliques et les plus beaux ornemens. Depuis messire Pierre d'Orgemont (commencement du XVe siècle) fit bastir le second corps d'hostel, qui a veuë tant sur le jardin que sur le lieu dict (c'est le bâtiment H). Longtems après messire Estienne de Poncher (commencement du XVIe siècle), cent deuxième evesque de Paris, fit édifier le bastiment joignant le vieil, lequel est vis à vis de l'église, où est à présent la geolle et autres demeures (c'est le corps de logis doublé en K). Messire François de Poncher, son neveu et successeur, fit bastir le troisième corps d'hostel, qui est derrière la chappelle (c'est le logis L). En ce lieu auparavant estoient les écuries et quelques maisonnettes où demeuroient les quatre chanoines de la basse chappelle.....» La chapelle avait en effet deux étages, comme celle de Meaux, et plus tard celle de Reims. Les constructions O dataient seulement du XVIIe siècle, et en R étaient des logis qui furent cédés à l'Hôtel-Dieu. Le pont aux Doubles S fut élevé plus tard, après tous ces bâtiments. Les évêques de Paris n'avaient pas que ce palais ne renfermant pendant plusieurs siècles qu'une grande salle. Hugues de Besançon, en 1326, avait son hôtel rue des Amandiers. Guillaume de Chanac, son successeur, logeait dans la rue de Bièvre, et donna son logis pour la fondation du collège de Chanac ou de Saint-Michel. Pierre d'Orgemont, qui bâtit l'annexe K à la grande salle du palais épiscopal, hérita de l'hôtel des Tournelles qui appartenait au chancelier d'Orgemont, son père, et le vendit au duc de Berry, dont il était le chancelier. Girard de Montagne avait une maison rue des Marmousets et une autre rue Saint-André-des-Arts 16. Le long de la rivière et derrière l'abside de la cathédrale s'étendaient des jardins qui touchaient au cloître du chapitre bâti vers le nord-est. La grande salle crénelée du XIIe siècle, avec son annexe élevée par Pierre d'Orgemont au commencement du XVe siècle, son donjon et sa chapelle à deux étages, avait fort grand air du côté de la rivière, ainsi que le fait voir la perspective (fig. 8) prise du point V 17, avant les adjonctions O et la construction du pont aux Doubles.
Un des palais épiscopaux les plus anciens, celui d'Angers, construit vers la fin du XIe siècle, conserve encore sa grande salle romane d'un beau style (voy. SALLE), et des dépendances assez considérables qui datent de la même époque. Des travaux récents, dirigés par l'architecte diocésain, M. Joly Leterme, ont fait reparaître une partie des logements entourant cette grande salle 18, qui est mise en communication directe avec le bras de croix nord de la cathédrale. On remarque même certaines portions de murs de ce palais qui ont tout à fait le caractère de la structure gallo-romaine des bas temps, et qui pourraient bien avoir appartenu, ainsi que l'observe M. le docteur Cattois, à la demeure que l'ancien maire du palais de Neustrie, Rainfroy, aurait fait construire, à Angers, sur l'emplacement du capitole. À l'évêché de Meaux, il existe une chapelle à deux étages, de la seconde moitié du XIIe siècle, ayant les plus grands rapports avec celle de l'ancien évêché de Paris, et l'étage inférieur de la grand'salle. Ce rez-de-chaussée, comme celui de la grand'salle du palais épiscopal de Paris, se compose de deux nefs voûtées. Le palais de Meaux est également bâti à proximité des remparts gallo-romains. À Soissons, l'évêché repose sur une partie de la muraille antique, mais des constructions de l'ancien palais il ne reste qu'une tourelle du commencement du XIIIe siècle et quelques substructions de la même époque. À Beauvais, le palais épiscopal joignait l'ancienne fortification romaine, et une tourelle datant du XIIe siècle flanquait même le vieux mur romain 19. À Reims, l'étage inférieur de la grand'salle date du commencement du XIIIe siècle, et la chapelle à deux étages, du milieu du XIIIe siècle (voy. CHAPELLE). À Auxerre, l'un des pignons de la grand'salle existe encore, et date du milieu du XIIIe siècle, comme le choeur de la cathédrale; une galerie du XIIe siècle repose sur l'ancien mur de la ville gallo-romaine. À Rouen, on trouve également des restes assez considérables du XIIIe siècle, et notamment l'un des pignons de la grand'salle. À Laon, l'assemblage des bâtiments de l'évêché (aujourd'hui palais de justice) est des plus intéressants à étudier. Ce palais fut reconstruit après l'incendie de 1112, qui détruisit l'ancienne cathédrale et les bâtiments environnants. En effet, on retrouve dans l'évêché de Laon des parties de bâtiments qui appartiennent au style de la première moitié du XIIe siècle, notamment la chapelle A (figure 9) et les corps de logis B. Quant à la grand'salle C élevée sur un rez-de-chaussée doublé d'un portique du côte de la cathédrale, sa construction est due à l'évêque Garnier (1245). La grand'salle s'éclaire sur la cour O et sur la campagne. Le portique intérieur fut remanié à une époque ancienne déjà. Les arcs furent reconstruits, les appuis des fenêtres baissés; on a la preuve de ce remaniement en observant l'arcade unique de retour E dont la courbure et l'ornementation primitives sont conservées. L'aspect de ce grand corps de logis, sur l'extérieur, devait être fort beau avant les mutilations qui en ont altéré le caractère. Cette façade qui domine la muraille de la ville passant parallèlement à quelques mètres de sa base, est flanquée de trois tourelles portées sur des contre-forts, et entre lesquelles s'ouvrent les fenêtres de la grand'salle au premier étage. Le couronnement, autrefois crénelé, pouvait au besoin servir de seconde défense par-dessus les remparts de la cité, dominant un escarpement abrupt. Voici (fig. 10) une vue de cette façade extérieure prise du point P. Au XVe siècle, les évêques de Laon (voy. le plan, fig. 9) élevèrent les deux corps de logis F et G. Une porte fortifiée était ouverte en K.
Récit des temps mérovingiens, par Augustin Thierry, récit 1er.
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Charlemagne avait aussi des palais dans des villes, celui d'Aix entre autres, qui passait pour très beau.
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Hist. du duché de Valois, par le P. Carlier, prieur d'Andrezy, 1764, t. 1, liv. II, p. 169.
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Mallobergium, Malbergium, maison des plaids, lieu où l'on rendait la justice. (Voir Du Cange, Glossaire.)
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Ce fut dans cette tour que Montgomery fut enfermé après le tournoi qui fut si fatal à Henri II.
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Ainsi que le constatent deux dessins fort curieux, représentant les démolitions du palais avant la construction de la façade actuelle sur la cour du May. Ces dessins, qui appartenaient à M. Lassus, ont été lithographiés pour faire partie d'une monographie du Palais, qui n'a pas été publiée.
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Antiquités de Paris.
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Voy. l'Hist. topogr. et archéol. de l'anc. Paris, par MM. A. Lenoir et A. Berty (feuille X).
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Voyez le grand Plan de Paris à vol d'oiseau, par Mérian, et la Tapisserie de l'hôtel de ville; la Topographie de la Gaule, par Mérian; Livre troisième de la Cosmogr. universelle, Sébastien Munster et Belle-Forest, 1665; le Plan de Gomboust; l'oeuvre d'Israël Sylvestre; la Topographie de la France bibliog. imp.; l'oeuvre de Pérelle (vue du pont au Change); l'Hist. pittor. du Palais de justice, par Sauvan et Schmit, 1825; l'Itinéraire arch. de Paris, par M. le baron de Guilhermy.
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Le Livre des faits et bonnes meurs du sage roy Charles, chap. XXXVIII. Christine de Pisan.
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Voyez le plan de ce palais dans le Voyage archéol. dans le département de l'Aube par A. F. Arnaud (1837). Ce palais est entièrement rasé.
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C'est là, dit M. Ch. de Chergé, dans son Guide du voyageur à Poitiers, que se «trouve la tour historique de Maubergeon (Malhbery, audiences en lieux couverts, Mallobergium), lieu où, dès l'origine, et sous Charlemagne, furent tenues les audiences publiques et rendue la justice, et dont relevèrent depuis tous les fiefs capitaux de la province..... Ce fut dans le palais de Poitiers que le dauphin, fils de France, fut proclamé roi sous le nom de Charles VII (oct. 1422); ce fut là encore que fut interrogée, par les docteurs les plus habiles, Jeanne d'Arc, la Pucelle (mars 1429); ce fut là que s'assemblèrent les parlements de Paris et de Bordeaux, au moment où la France presque entière était anglaise....» Si un monument est historique, c'est bien celui-là.
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En effet, les saillies des ornements entourant les fenêtres, les statues décorant les cylindres des tours, auraient gêné beaucoup le service des mâchicoulis, si l'on eût voulu en faire usage en cas d'attaque. M. de Mérindol a bien voulu nous communiquer l'excellent travail qu'il a fait sur le palais de Poitiers, et c'est d'après ses relevés très exacts que nos dessins ont été réduits.
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Guizot, Hist. de la civilis. en France, VIIIe leçon.
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Le Théâtre des antiquités de Paris, 1612, p. 43.
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Sauval, liv. VII.
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Voyez la tapisserie de l'hôtel de ville; le Plan Gomboust; le grand Plan de Paris à vol d'oiseau, de Mérian; les vues d'Israël Sylvestre; celles de Pérelle; le Plan de la cité de l'abbé Delagrive; les plans et coupes déposés aux archives de l'Empire et dont M. A. Berty a eu l'obligeance de nous communiquer des calques; une gravure du parvis Notre-Dame, par L. van Merlen, qui montre le couronnement du bâtiment H.
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Voyez dans le tome II de l'Architecture civile et domestique de MM. Verdier et Gattois, p. 201, le plan du palais épiscopal.
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Cette tourelle existe encore. (Voy. l'Archit. civ. et dom. de MM. Verdier et Cattois, t. I.)
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