Le Lien Du Sang

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Z serii: Les Liens Du Sang #5
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Le Lien Du Sang
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Table des matières

  Chapitre 1

  Chapitre 2

  Chapitre 3

  Chapitre 4

  Chapitre 5

  Chapitre 6

  Chapitre 7

  Chapitre 8

  Chapitre 9

  Chapitre 10

  Chapitre 11

  Chapitre 12

  Chapitre 13

  Chapitre 14

  Chapitre 15

  Chapitre 16

Le Lien du Sang

La Saga des Liens du Sang-Livre 5

Author Amy Blankenship, RK Melton

Translated by Louise Le Bars

Copyright © 2012 Amy Blankenship

English Edition Published by Amy Blankenship

French Edition Published by TEKTIME

All rights reserved.

Chapitre 1

La ville de Los Angeles s'étendait autour de lui en un kaléidoscope de couleurs et de lumières éclatantes. Les bruits lointains de la vie urbaine s'égrenaient jusqu'à lui, mais Syn n'y prêta pas attention, leur préférant la douce brise murmurant autour de lui. Il se tenait immobile, en équilibre sur le plus haut toit d'un des plus grands immeubles de la ville, son sommet étant la seule chose encore tangible sous ses pieds.

Syn avait les mains enfoncées dans les poches de son pantalon, tandis que son manteau claquait derrière lui comme une longue cape qui semblait disparaître puis réapparaître au hasard, comme douée d'une vie propre. Ses longs cheveux sombres s'écartaient de son visage sous le souffle du vent, révélant une beauté sans âge comme on en voyait rarement de par le monde.

Il avait pris la précaution de protéger son aura de toutes les créatures qui pouvaient sentir sa présence, mais il percevait néanmoins ces auras qui émanaient du sol, loin en-dessous de lui… se déplaçant parmi les humains sans réellement se soucier du monde.

Baissant les yeux sur le balcon de l'appartement qu'il surplombait, il esquissa un petit sourire malicieux en entendant Damon donner à Alicia la pierre de sang… et la river en elle afin que la demoiselle soit constamment protégée de la lumière fatale du soleil qui menaçait son existence toute neuve. Syn était fier d'avoir une belle-fille de cette trempe, quelqu'un qui saurait pousser Damon à se tenir sur ses gardes et qui saurait le défier sur tous les points importants.

Son petit sourire s'élargit quand les hurlements de douleur de la jeune fille furent bientôt suivis de cris de plaisir, et il finit par hocher la tête d'un air approbateur. Il avait hâte de la rencontrer.

Syn concentra son regard améthyste sur la ville une fois de plus, et vit les ombres malfaisantes qui hantaient même la lumière… des choses que les autres ne pouvaient voir. Il ne comprenait pas pourquoi ses enfants avaient décidé de s'engager dans cette guerre déclarée aux démons. Dans son esprit, il considérait les démons de la même façon que les humains... sans vraiment s'intéresser à eux, dans l'un ou l'autre cas. Pourtant, ses enfants et son âme sœur rebelle avaient décidé de prendre position… en choisissant de protéger ceux qui ne pouvaient se défendre seuls dans une guerre d'une telle ampleur.

Un petit sourire apparut sur ses lèvres en se remémorant sa femme... son âme sœur. Elle s'était toujours rangée du côté des perdants, prenant fait et cause pour ceux qui étaient considérés comme faibles. Il en conclut qu'elle n'avait pas beaucoup changé depuis ses vies antérieures… son âme demeurait la même, peu importait le nombre de ses renaissances. Elle l'avait vu une fois comme un ennemi, seulement parce que le pouvoir de Syn était de loin plus important que de nombreux autres, dans leur monde... il avait fallu bien des années pour la faire changer d'opinion à ce sujet.

Le soleil pointait tout juste à l'horizon et Syn leva le visage vers lui pour en accueillir les rayons, laissant la lumière l'inonder de son flot... savourant l'afflux important d'énergie dont son corps s'abreuvait. Syn savait que ses enfants avaient choisi de vivre une vie de mortel... quelque chose qu'il n'avait jamais tenté de faire jusqu'ici. De nouveau, un demi sourire s'étira sur ses lèvres parfaites tandis qu'une idée intéressante lui venait à l'esprit.

Oui, ce serait très amusant de les rejoindre, puisque son âme sœur pensait également n'être qu'une simple mortelle qui vivait sous leurs lois. Il les rejoindrait... il se rapprocherait d'elle et la convaincrait qu'il n'était l'ennemi de personne, et encore moins le sien, pour commencer. Cette fois-ci, il garderait enfoui l'essentiel de sa puissance afin qu'elle ne se sente pas autant menacée par lui. Il deviendrait son allié, son ami, et bien plus encore… son âme sœur.

*****

Misery était assise sur un rocher, balançant ses jambes d'avant en arrière et faisant tressauter ses boucles blondes à chacun de ces mouvements. Cette dernière semaine, elle avait été très occupée à embrigader des démons, en vue d'agrandir son armée. Même en cet instant, certains d'entre eux restaient cachés dans les ténèbres qui l’environnaient… à l'observer avec curiosité.

La plupart des démons qu'elle avait enrôlés étaient faibles et trop dénués d'un vrai pouvoir pour en faire état, mais c'était la condition d'un soldat. Seul, un démon était faible. Mais si on les réunissait tous en une seule armée, ils pouvaient charger le plus fort des ennemis sans s'inquiéter de voir leur nombre diminuer.

Ce soir, Misery avait senti la puissance d'une ancienne aura, dans la forêt qui cernait une partie de la ville, et elle l'avait suivie jusqu'à s'arrêter devant une grotte profonde. Cette énergie malveillante avait déferlé vers elle, muée par le désir de l'écarter de son repaire, mais Misery n'avait fait que s'amuser de cette tentative... jusqu'à ce que la force invisible l'en fasse physiquement sortir.

Lorsqu'elle se releva pour faire face au démon, elle ne vit qu'une simple corneille posée sur un rocher, les plumes hérissées. En cherchant à cerner son âme ténébreuse, Misery se détendit en comprenant que cet oiseau était l'un de ces anciens maîtres négligés lorsque les déchus avaient conduit les autres démons aux enfers.

Ce démon s'était intégré à son environnement, et aménagé un antre. Les amérindiens de cette terre avaient perçu le démon comme un grand esprit qu'il fallait adorer et vénérer et, de ce culte, le maître démon en était ressorti plus fort.

Misery pouvait goûter cette colère que le démon vouait aux mortels, aux visages pâles qui allaient et venaient librement sur ses terres et cherchaient à prendre avantage. Elle avait passé un marché avec ce démon, au lieu de le combattre... un combat dont elle savait maintenant qu'elle l'aurait perdu. L'ancien avait paru être de son avis quant à son intention de libérer leur espèce de leur prison dimensionnelle, et lui avait parlé d'accomplir un sacrifice de sang… l'un des moyens dont il aurait besoin pour l'assister, avant de s'envoler vers la forêt.

Quand Misery était retournée à la grotte avec deux vampires ainsi qu'un homme ensorcelé et à demi-conscient, l'esprit malveillant était déjà là, à les attendre. Les yeux rouges et perçants de la corneille la fixèrent avant de s'envoler. Misery suivit l'oiseau au cœur de la forêt, à l'extrémité même de la réserve naturelle. Elle avait alors pénétré dans une petite clairière pour y découvrir avec surprise un vieil homme assis près d'un grand feu.

« On m'appelle Noire-Corneille, se présenta le vieillard.

Misery hocha la tête avec respect. Elle se souvenait des us et coutumes sacrés à respecter pour traiter avec un démon dont la puissance surpassait la sienne.

— Je suis Misery.

Noire-Corneille éclata d'un rire moqueur.

— Que sais-tu de la véritable misère ?

Misery resta silencieuse, se mordant la langue afin d'éviter de se retrouver taillée en pièces. Elle avait de la force, et il le savait... elle était sûre qu'il pouvait la sentir de la même manière qu'elle, le sentait.

Noire-Corneille se leva et s'approcha d'eux. Elle prit note de la forme humaine du démon et ne parvint pas à comprendre pourquoi un être aussi puissant choisissait un corps aussi fragile. Il paraissait ancien, très âgé, ridé, avec de longs cheveux blancs, revêtu d'un pantalon en peau de daim tannée. Sa chemise était faite de la même matière et ornée de perles et de plumes. Un petit sac pendait à sa hanche et d'autres plumes étaient tressées dans ses cheveux, par-dessus une oreille.

 

Noire-Corneille tendit brusquement un bras et saisit le mortel par les cheveux afin de voir son visage.

— Celui-là fera l'affaire, déclara-t-il en retournant près du feu.

— Que souhaites-tu que je fasse pour toi ? S'enquit Misery.

— Nous devons attendre, répondit Noire-Corneille, en ajoutant plus de bois dans le feu.

Misery ne dissimula pas l'impatience qui montait en elle.

— Attendre quoi, vieillard ? Je n'ai pas toute l'éternité… ma guerre aura lieu, avec ou sans toi.

Tout en l'ignorant, Noire-Corneille ajouta plus de bois dans le feu et entama un chant. Misery s'apprêtait à partir quand elle se retrouva soudain tétanisée. Elle sentait parfaitement que quelque chose aspirait ses forces, et son apparence enfantine se mit à tomber en pourriture. Ce n'était pas là les effets causés par son autre apparence, celle du cadavre… son être tout entier se voyait drainé de l'énergie qu'elle avait volé aux humains.

— Ton plan échouera sans mon aide, dit Noire-Corneille avec condescendance. Ton existence m'appartient depuis que tu as passé ce marché. Tu es faible et tu n'as aucun pouvoir sur moi car tu ne possèdes rien que je désire.

Misery fut brusquement libérée mais tourna aussitôt vers lui un regard furieux, tout en restant assise sur l'immense rocher, à attendre Dieu savait quoi. Noire-Corneille était en train d'alimenter le feu sans cesse, et les flammes s'étaient élevées à une hauteur fabuleuse. Le vieil homme se leva et se dirigea vers un côté de la clairière, jusqu'à un antique séquoia que Misery n'avait pas remarqué à son arrivée.

Noire-Corneille s'agenouilla à côté des épaisses racines de l'arbre et prit une poignée de terre. Alors qu'il retournait auprès du feu, son chant résonna avec plus de force et dans un rythme plus scandé, avant qu'il ne finisse par jeter la terre dans les flammes. Le feu pétilla et grandit quand la terre toucha les flammes brûlantes. Son corps s'anima en une danse tribale tandis qu'il chantait de plus en plus fort.

Les ténèbres qui les entouraient s'allongèrent pour tout avaler, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que Noire-Corneille au milieu d'elles, dansant au centre d'un cercle parfait. Il s'arrêta soudain et tendit la main vers l'obscurité près de ses pieds. La pénombre au noir d'encre coula vers sa main, réclamant la chaleur qui émanait de Noire-Corneille, avant qu'il ne l'enlève du sol. Elle rejoignit elle aussi les flammes dans une étincelle qui se changea aussitôt en explosion, et qui força Misery à se protéger les yeux du bras.

Un hurlement inhumain envahit la clairière et Misery regarda l'ombre s'échapper des flammes, chatoyant d'un éclat rouge sous l'emprise de la chaleur. Elle traversa la clairière à l'endroit où Noire-Corneille avait ramassé une poignée de terre puis disparut dans le sol. Quelques instants plus tard, la terre commença à se soulever, comme habitée d'un souffle, et deux bras osseux et desséchés surgirent brusquement de terre.

Noire-Corneille s'avança sans plus attendre vers la victime apportée par les vampires de Misery pour le sacrifice de sang, et la leur arracha des mains.

Le jeune homme, un étudiant de l'université locale, sortit de l'envoûtement que lui avaient jeté les vampires quand Noire-Corneille prit possession de lui. Encore désorienté, il ne comprit pas ce qui lui arrivait jusqu'à ce qu'il voit une longue lame s'approcher de sa gorge. Avant qu'il n'ait le temps d'agir, la lame plongea dans sa chair et le surprit dans un cri silencieux.

Le sang éclaboussa les flammes qui se tendaient vers le ciel, nourrissant ainsi le feu avec étincelles et sifflements. Les bras qui avaient surgi de terre extrayaient le reste du corps auquel ils étaient attachés, dans le noir de la nuit. De longs et graves gémissements s'échappèrent de la gorge de la chose, ainsi que des grognements affamés, tandis qu'elle rampait vers l'agonisant.

Un poing osseux s'enfonça dans la poitrine de l'homme et la créature baissa la tête sur la blessure ouverte, se nourrissant du sang et de la chair du malheureux. Au cours de son festin, muscles et chair se formèrent peu à peu sur ses os saillants, et Misery se sentit toute émoustillée par la scène. Elle ne parvenait pas à détourner les yeux de l’œuvre d'art créée par Noire-Corneille, et applaudit avec enthousiasme.

— Il devra se nourrir bien plus encore avant d'être complètement ressuscité… mais ce sacrifice suffira pour le moment, dit Noire-Corneille de sa voix rocailleuse légèrement teintée d'ennui.

— Peut-on en faire plus ? s'enquit Misery qui observait les paillettes de sang pétiller dans le feu.

— Je le peux, dit simplement Noire-Corneille, et son implication n'échappa pas à Misery… il pouvait le faire et elle, non.

— Maintenant, jeune démone… montre-moi ton pouvoir, ordonna Noire-Corneille.

Misery sourit et toucha l'araignée en pendentif autour de son cou. L'ornement explosa soudain en centaines de ces petites bestioles avant de déguerpir. Noire-Corneille regarda deux arachnides ramper le long de ses jambes puis traverser le sol inégal. Les créatures s'arrêtèrent à mi-chemin entre lui et Misery avant de disparaître dans le sol.

Noire-Corneille resta silencieux alors que le sol commençait à changer et qu'un petit tremblement de terre craquelait le sol en une veine rouge et fine. Les arbres frissonnèrent et les cris des animaux dans la forêt s'y mêlèrent tandis que le sol tremblait de mécontentement. Cinq démons des ombres s'échappèrent de l'ouverture faite dans le sol et se mirent à voler dans la clairière. Leurs cris sonnaient bien plus comme des hurlements qui emplissaient la nuit de leur musique. Ils convergèrent tous vers le feu et planèrent en cercles autour de ses flammes, se rapprochant avant de reculer à la dernière seconde.

Cela continua jusqu'à ce que les démons se fatiguent de ce petit jeu et disparaissent dans la ténébreuse forêt… vers la ville, où ils pourraient sentir leurs proies. Noire-Corneille regarde fixement cette embrasure donnant sur les enfers, avec une expression indéchiffrable. Cependant, quand il se pencha sur la craquelure dans la terre, il s'arrêta dessus, pour la refermer et empêcher la fuite de nouveaux démons.

« Bel effort, commenta Noire-Corneille. Mais tu es jeune et imprudente. Une aussi mince frontière entre les mondes ne fera que permettre à de simples démons des ombres de revenir dans ce royaume… laissant nos véritables alliés toujours captifs de l'autre côté. Tu auras besoin de bien plus de puissance que ça ! dit-il d'une voix forte avant de se calmer. Pendant que tu accumuleras cette énergie, je m'occuperai de ton armée... mais ils me répondront à moi seulement. »

Misery n'avait pas d'autre choix que d'acquiescer avec humilité. Alors qu'elle se détournait, ses lèvres enfantines esquissèrent un sourire mauvais. Le vieux démon avait raison à propos d'une chose, il lui fallait bien plus de puissance… et elle savait exactement où en trouver.

Laissant les ténèbres grandir en elle, elle retourna vers la ville en laissant ses sbires la suivre. Un plan avait commencé à prendre forme dans son esprit et elle devait retrouver l'enfant démon qui pourrait l'aider. Elle devrait abandonner les restes de sang de Kane pour cela, mais la fin justifiait les moyens… le sacrifice en vaudrait la peine.

Elle se dirigea vers les quartiers mal famés de la ville, là où elle avait trouvé un refuge temporaire. Allant de rue en rue à la recherche des ténèbres, elle tenta de capter l'odeur de sa cible. Le problème avec ce démon, c'était qu'il avait la capacité de cacher son aura maléfique. Pour quiconque le pourchassait, il avait l'apparence d'un être humain, et il n'y avait pas plus trompeur que cette enveloppe qu'il occupait.

Peu après avoir commencé ses recherches, Misery sentit que Skye, l'hybride, la suivait. Il n'intervenait pas dans ses actions et ne se rapprocherait pas plus d'elle, mais elle savait parfaitement qu'il épiait chacun de ses gestes. Avait-il oublié l'épisode de sa captivité dans la cave en sa compagnie ? Elle lui donnerait volontiers une petite remise à niveau s'il décidait d'interférer dans ses plans. C'était déjà bien assez avec ces deux anges déchus qui suivaient ses moindres mouvements... il ne ferait que les mener jusqu'à elle, s'il continuait ainsi.

L'aube était presque là quand elle retrouva enfin le petit démon qu'elle cherchait. Il sortit des ténèbres et traversa la rue pour disparaître dans une autre. Misery était tombée sur lui par un pur hasard peu de jours auparavant, et l'avait pris pour un mortel… jusqu'à ce qu'il se mette à massacrer les subalternes vampires qui l'avaient attaqué.

Vu de l'extérieur, le démon n'était qu'un petit garçon de huit ans, à la vie de vaurien. Ses cheveux sombres et longs jusqu'aux épaules étaient emmêlés et tombaient en mèches huileuses autour de son visage, qui était pâle mais doux et angélique à bien d'autres égards. Il empruntait seulement cette enveloppe humaine quand il souhaitait puiser sa force dans les cœurs et esprits de ses victimes. Ses vêtements étaient en loques et il n'avait pas de chaussures. Quand il leva la tête pour regarder dans la rue derrière lui, ses yeux brillèrent comme des diamants noirs.

Misery remonta la rue au-dessus de lui, avant de se laisser tomber sur son chemin, adoptant au passage l’apparence de la petite fille blonde dans son atterrissage. Arrivant en position accroupie, elle se releva et épousseta sa robe à froufrous.

« Bonjour Misery, salua le garçon, dont la petite voix la fit sourire.

— Bonjour Cyrus, l'imita Misery.

— C'est toi qui a poussé tous ces mortels à s'entre-tuer dans le bus, l'autre nuit, chuchota le garçon.

Misery sourit avec fierté.

— Oui c'est moi, et je dois apprendre ce que tu sais faire.

Cyrus pencha la tête sur le côté.

— Que puis-je faire que tu ne sais pas déjà faire ?

Misery se mit à glousser et retira le collier avec le pendentif en forme d'araignée qui contenait le sang de Kane, pour le passer autour du cou de l'enfant.

— Tu serais surpris, petit, murmura-t-elle.

— Est-ce que j'aurais le droit de jouer ? demanda le garçonnet, ce qui fit réaliser à Misery à quel point ce démon était jeune.

— Oh oui, tu pourras faire tout ce que tu voudras, répondit Misery.

Le noir envahit les prunelles du garçon, annihilant toute couleur, jusqu'à ressembler à deux trous sans fond baillant sur le néant.

— J'aime jouer », dit le garçon avec un sourire malicieux, avant de se mettre à jouer avec l'araignée qui pendait au bout de la chaîne.

*****

Kriss se trouvait dans le lit de l'appartement au dernier étage de l'un des plus prestigieux immeubles du centre-ville de Los Angeles. Il avait trouvé refuge là pour éviter Tabatha, de même que ses sentiments grandissants pour elle.

Il se remémora la dernière fois où il l'avait vue. Il avait résolument gardé ses distances vis-à-vis d'elle pendant quelques jours, avant que cette séparation ne devienne trop pénible pour lui. Son cœur souffrait de cette absence et quand il entrait dans leur appartement pour la trouver endormie, des traces de larmes séchées sur ses joues… il ne pensait plus qu'à la serrer dans ses bras et tout arranger.

Il s'était glissé sous les draps avec elle, sans réaliser qu'elle était nue, jusqu'au moment où il l'avait enlacée en une étreinte protectrice. C'est à ce moment-là qu'il s'était figé, à demi tendu vers elle et à demi écarté d'elle. Elle s'était tournée vers lui dans son sommeil, jetant son bras autour de lui pour le câliner comme elle le faisait souvent avec ses oreillers en surplus. Quand ses seins s'étaient pressés contre sa poitrine, cette maîtrise de soi qui constitué sa fierté jusqu'ici avait lâché.

Pendant des mois, il n'avait pensé qu'à lui faire des choses… qu'à faire des choses avec elle… des choses qui ne pouvaient se réaliser, malgré tout l'amour et le désir qu'il ressentait pour elle. Mais en cet instant, il désirait être en elle, assez pour risquer de la tuer, elle, la femme qu'il aimait. Il sentit son sexe durci palpiter de désir et effleurer sa peau douce.

 

Lorsqu'une ombre rageuse tomba sur le lit, Kriss s'immobilisa et tourna lentement la tête, puis leva les yeux pour rencontrer le regard irisé et accusateur de Dean. Il sut qu'il avait franchi la ligne qui séparait l'amitié du danger, quand il lut cette expression sur le visage de son amant.

Il était parti avec Dean cette nuit-là, déterminé à ne pas commettre les mêmes péchés que son père. Son corps palpitait encore à ce souvenir. Tant qu'il n'aurait pas mis cette émotion sous contrôle, et il savait que Dean avait raison à ce propos... il devrait rester loin de Tabatha.

En guise de précaution supplémentaire, il quittait son job au Silk Stalkings juste au cas où elle viendrait l'y chercher. Il avait fait tout son possible pour faire en sorte que Tabatha se trouve aussi loin de lui que possible, mais la séparation le faisait souffrir comme jamais encore il n'avait souffert. Quand un déchu aimait... c'était un peu plus fort que ce qu'un humain nommerait de l'amour, et la folie que cette émotion causait souvent chez les mortels, quand ils ne pouvaient avoir l'élu de leur cœur, était décuplée chez un déchu en comparaison.

Kriss tira une fois encore sur les liens qui lui entravait l'un de ses poignets… il haïssait Dean pour le retenir ainsi prisonnier. Toutefois, Kriss comprenait ce qui avait failli se passer. S'il s'abandonnait au désir qui faisait rage en lui... la douleur de perdre Dean et de tuer Tabatha du même coup pourrait anéantir son esprit.

Il ferma les yeux quand une brise fraîche franchit les portes ouvertes donnant sur la terrasse et caressa sa peau nue. Bien que ses entraves lui permettaient de se déplacer à travers le grand appartement, il s'était étendu pendant des heures sans trouver le sommeil et les draps et couvertures amassés au sol en témoignait. Kriss était à présent allongé sur le ventre, avec un genou replié contre le matelas et l'autre jambe recouverte par un bout du drap.

Un nouveau souffle traversa la chambre, apportant avec lui une odeur familière. Kriss ouvrit les yeux, avant de fixer l'ombre des rideaux vaporeux projetée sur le mur d'en face. Quand l'ombre d'une aile s'en détacha, Kriss resta silencieux, dans l'attente.

Dean était resté sur le toit, donnant ainsi le temps de souffler pour la nuit à ses proies démoniaques et à l'ange déchu hybride et insaisissable. Se laissant tomber du toit de l'immeuble pour atterrir sur la terrasse en-dessous, il se tint dans l'encadrement des portes-fenêtres, pour contempler Kriss. Le drap blanc avait été repoussé du pied, exposant son corps nu à la clarté lunaire. Dean sentit la solitude qui rongeait le cœur de Kriss et comprit que rester à l'écart de Tabatha assez longtemps serait le seul remède à une telle souffrance.

Son regard glissa sur le lien surnaturel qui empêchait Kriss de quitter l'appartement pendant son absence. Il ne voulait pas faire de mal à Kriss ainsi, mais il sentait l'amour de l'ange déchu pour Tabatha grandir chaque jour. Il avait rappelé à la mémoire de Kriss que coucher avec une femme de ce monde reviendrait à la tuer, et il n'avait pas menti... la semence d'un déchu prendrait même racine chez une femme stérile. Cela la guérirait de la stérilité afin de donner la vie, s'il le fallait... mais cette même vie tuerait la femme qui la porterait dans son ventre.

Dean avait confié à Kriss la vérité sur ses propres péchés… c'était la seule façon sûre d'éloigner Kriss de Tabatha. Quand il avait été envoyé dans ce monde au début, il avait été séduit par une jeune femme d'à peu près le même âge que Tabatha. Il avait passé trop de temps avec elle et une chose en menant à une autre... il en était tombé amoureux.

En s'imaginant que la malédiction ne le suivrait pas… en croyant que grâce à la force de son amour pour elle ils auraient un enfant déchu, il s'était livré à la volupté des rapports charnels. Elle l'avait encouragé à cela parce qu'elle le désirait avec autant de force. Lui faire l'amour avait été le paradis sur terre, mais il n'avait fallu que quelques heures au démon pour se former complètement en elle. Quand elle l'avait réveillé plus tard dans la nuit avec ses hurlements, il avait dû tuer son propre enfant qui commençait à dévorer sa mère de l'intérieur.

Kriss s'était trompé… en pensant qu'il pouvait dormir aux côtés de Tabatha nuit après nuit sans faire l'amour avec elle, alors que Dean savait que c'était un mensonge... un dangereux mensonge. Kriss ne pourrait jamais supporter de vivre avec l'idée d'avoir tué Tabatha, s'il signait son arrêt de mort avec la semence de son amour.

Les déchus aspiraient à l'amour, mais on les avait envoyés dans un monde où ils ne pouvaient toucher aux femmes… tout ce qui leur restait, c'était leurs semblables. La beauté de Kriss avait toujours envoûté Dean, elle l'avait enchanté, et il savait pourquoi... Kriss faisait partie de la royauté chez les anges déchus. Il n'aurait jamais dû être envoyé ici-bas pour se battre contre les démons. Il se demanda intérieurement combien de temps il avait fallu à l'un de leurs rois pour remarquer la disparition de leur prince. Kriss était né pour être choyé, aimé, chéri.

En entrant dans la chambre, Dean se déplaça lentement de sorte à ce que son ombre reste sur le mur et à ce que Kriss puisse clairement voir ce qu'il faisait et trouve le temps de l'arrêter s'il le voulait.

« Les démons sont agités ce soir, en ville... peux-tu les sentir ? demanda Dean d'une voix tranquille, sans s'attendre à une réponse.

Il ouvrit la bouche quand la voix mélancolique de Kriss s'éleva et résonna en un doux écho à travers la pièce.

— Laisse-les venir.

Dean retira sa veste de ses épaules et la jeta sur une chaise appuyée contre le mur. Puis sa chemise... il la déboutonna et la fit glisser de ses épaules, abandonnant le petit tas de coton sur le sol. Il défit son pantalon et baissa lentement sa braguette, souriant presque lorsque Kriss retint son souffle. Retirant ses chaussures et chaussettes, Dean fit glisser son jean au sol et l'enjamba.

En se dirigeant vers le lit, Dean attrapa l'un des piquets du lit à baldaquin un instant pour ensuite baisser les yeux sur Kriss et s'étendre près de lui. Mettant Kriss sur le flanc, Dean se mit en cuillère dans son dos et le tira à lui, laissant libre cours à la jalousie qui couvait dans son cœur.

Il savait que la tristesse de Kriss découlait de son amour pour Tabatha… il avait reçu la prémonition de ce danger, la nuit où Tabatha et Kriss s'étaient rencontrés. C'était pourquoi il avait piégée Tabatha dans le parking du Silk Stalkings. Il avait eu l'intention de l'avertir de la menace mais Kriss l'avait interrompu, se servant de son corps comme d'un bouclier pour la protéger... et retournant l'obsession de Dean contre lui.

Kriss roula sur le dos et tourna la tête pour regarder Dean. Ils se dévisagèrent pendant ce qui sembla être une éternité avant que Dean ne réduise rapidement la distance entre eux et ne caresse avec sensualité les lèvres de Kriss avec les siennes.

Sentant que le souffle de Kriss s'emballait, Dean prit l'avantage et approfondit leur baiser… avec une ardeur grandissante. Il en avait assez de s'étendre à côté de Kriss toutes les nuits et de le regarder languir pour une fille qu'il ne pourrait jamais avoir. S'il avait pu le faire, il aurait aspiré toute la souffrance que ressentait Kriss et l'aurait remplacé par un amour furieux pour lui.

Kriss sentit le feu se répandre dans ses veines, mais sa propre culpabilité le poussa à détourner le visage de celui de son amant, ce qui rompit leur baiser. Il se blottit dans les bras de Dean, serrant ce dernier dans ses bras avant d'emmêler leurs jambes.

Dean fixa en silence le sommet du crâne de Kriss et soupira en son for intérieur. Il ne se calmait vraiment que lorsque Kriss le serrait aussi fort contre lui. Il sentait la tristesse décliner un peu avant de revenir. Il avait déjà décidé de libérer Kriss de ses liens à l'aube mais devant l'abandon de Kriss, les yeux de Dean se mirent à étinceler, et les entraves disparurent.

En un instant, Kriss se retourna et saisit les poignets de Dean, pour les plaquer contre le lit et les clouer sur place.

Dean soutint calmement son regard, de ses yeux argentés et agités, curieux de savoir ce qu'allait faire Kriss à présent qu'il avait la liberté de revenir auprès de Tabatha. Alors que Kriss se contentait de le retenir là, Dean leva la tête du matelas pour caresser doucement de sa bouche la clavicule puis le creux du cou de son amant. Il fut récompensé par le sifflement de désapprobation qui échappa à Kriss, et par sa libération.