La Lune Dansante

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Z serii: Les Liens Du Sang #1
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La Lune Dansante
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Moon Dance



La saga des Liens du Sang-Livre Un





Édité par Tracy Murray




Translated by Louise Le Bars



Copyright © 2012 Amy Blankenship



English Edition Published by Amy Blankenship




French Edition Published by TEKTIME



All rights reserved.




Prologue



La forêt nationale d'Angeles est un repaire tout désigné pour les dangereux couguars et jaguars importés qui la parcourent dans toute son étendue. Parfois, lors des nuits claires, leur nombre croît lorsque les animaux-garous de L.A., ou métamorphes, comme les légendes ont fini par les désigner, les rejoignent et arpentent la terre sauvage parmi eux, leurs cousins éloignés. C'est au cours de ces nuits-là que les véritables animaux se replient au sein de leur tanière, tandis que les prédateurs de la ville envahissent leur territoire le temps nécessaire à la chasse, ou, en de rares occasions, à la résolution de différends qui ne peuvent s'accomplir sur le sol humain.



Il n'y a rien de plus enragés que ces métamorphes qui s'affrontent et, si l'un d'entre eux est blessé, ils deviennent aussi dangereux pour les humains que leurs congénères animaux. Afin de protéger les hommes parmi lesquels ils vivent, les conflits entre métamorphes ont toujours lieu hors de portée de ces mêmes humains et l'endroit idéal pour les résoudre est au cœur même de leurs terrains de chasse d'origine.



Cette nuit-là, un calme lancinant était tombé sur la forêt alors que les deux propriétaires du night-club le plus important de la ville pénétraient en cette terre sauvage et se dévêtaient pour laisser sortir la bête en eux. Cette nuit-là, ils se dirigeaient vers la tombe d'un vampire tout à fait capable de les détruire tous deux.



Au fin fond de la forêt où les humains ne pourraient les entendre, Malachi, le chef d'un petit clan de jaguars, s'élançait à travers les ténèbres, droit sur son adversaire... un homme qu'il n'aurait jamais dû considérer comme son meilleur ami. Sa cible était également un métamorphe, et du sang de couguar coulait dans ses veines. Nathaniel Wilder… son associé depuis trente ans.



Malachi surgit dans la clairière pour retrouver Nathaniel, qui l'attendait sous sa forme humaine. Alors qu'il avançait de deux pas, Malachi sembla glisser de sa forme animale à sa forme humaine. Ces deux-là étaient des êtres létaux, et peu importait l'apparence choisie. Sous leur enveloppe humaine, tous deux possédaient un corps athlétique, leurs muscles d'acier tendus sous une peau satinée. Les métamorphes vieillissaient lentement et les deux hommes paraissaient avoir à peine trente ans, bien qu'ils en eussent cinquante en réalité.



Si l'on avait été dans un film hollywoodien, il se serait écoulé plusieurs minutes pour qu'une telle transformation s'opère, mais c'était la réalité, et il n'y avait pas le moindre monstre baveux dans cette clairière. La nudité ne constituait pas un problème pour un métamorphe, et la lune les éclairait comme un projecteur, par la brèche faite dans les nuages d'orage massés au-dessus d'eux.



« Il n'est pas nécessaire d'en arriver là, dit Nathaniel, qui tenait tête à son ami tout en essayant de lui faire entendre raison. Écoute-moi ! C'était il y a trente ans et les choses ont changé… j'ai changé.



— Trente ans de mensonges, oui ! gronda Malachi, sa voix se perdant en échos dans la clairière.



Il dirigea son regard vers l'endroit où il avait enterré Kane et il sentit des larmes lui piquer les yeux.



— Par ta faute, je l'ai condamné à la terre… par ta faute, je l'ai abandonné pendant trente ans !



— Je ne peux pas te laisser le déterrer, Malachi ! Tu sais très bien ce qui arrivera si tu le fais, répondit Nathaniel en suivant avec nervosité le regard de Malachi, qui s'attardait sur la tombe de l'homme qui avait été un jour son meilleur ami.



Il ne l'avait jamais compris sur ce point. Kane n'était autre qu'un dangereux vampire.



Kane avait figuré également comme l'un des deux obstacles qui s'étaient dressés face à l'alliance formée entre jaguars et couguars… Kane, ainsi que Carlotta, la femme magnifique, fourbe et infidèle de Malachi. Nathaniel l'avait aimée le premier. Il n'avait pas pensé que les choses en arriveraient à cette extrémité. Finalement, Nathaniel avait résolu le problème dans un accès de furie et de jalousie… faisant d'une pierre deux coups.



— C'était mon meilleur ami et il ne m'a jamais trahi ! C'est toi qui m'a poignardé dans le dos ! s'écria Malachi en refoulant les larmes de rage qui lui montaient aux yeux, avant de porter la main à sa boucle d'oreille ; celle de Kane.



Qu'avait-il fait ? Quand il avait trouvé Kane penché sur le corps de sa femme, il avait hésité dans sa confusion, jusqu'à ce que Nathaniel ait confirmé que Kane était le meurtrier.



Elle était morte ici, en ce lieu, ce qui l'avait amené à penser que ce ne serait que justice d'emprisonner Kane sous cette terre... sous ce sol. Il était même allé jusqu'à dérober le grimoire de Kane pour l'utiliser et se venger de lui.



Ouais, Nathaniel avait raison sur un point. La plupart des vampires étaient mauvais, mais il existait quelques exceptions et Kane avait figuré comme l'une d'entre elles. Cependant, rien n'était plus mauvais que ce que lui-même avait fait. Ce sort pouvait être uniquement renversé par l'âme sœur de Kane.



Malachi s'était amusé à l'époque du fait que Kane n'ait encore jamais rencontré son âme sœur, et ce en dépit de son immortalité. Par le passé, lui et Kane avait fréquemment plaisanté sur le fait qu'une telle femme ne verrait jamais le jour. Lui revint à l'esprit le sourire de Kane lorsqu'il avait dit que « Dieu devrait faire preuve d'un grand sens de l'humour pour créer une femme qui supporterait ses singeries.»



— Il a été là-dessous trop longtemps. le prévint Nathaniel. Avec cette soif sanguinaire et cette démence qui le dominent… si tu libères Kane maintenant, il nous tuera.



Malachi tourna brusquement la tête et jeta un regard noir à Nathaniel avant de répliquer :



— Il n'aura plus qu'à me tuer, puisque tu seras déjà mort. »



Une fois cette menace proférée, les deux hommes revinrent à leur forme animale.



*****



Au bord du camping le plus proche de la grande réserve naturelle, Tabatha King, ou Tabby, comme tous semblaient l'appeler, était assise sur les marches de l'imposant camping-car de ses parents, le nez levé au ciel, occupée à regarder les étoiles qui filtraient à travers les nuages épais. Elle dégagea ses yeux de ses mèches de cheveux, ravie qu'il ait cessé de pleuvoir.



C'était la première fois qu'elle campait et la dernière chose qu'elle souhaitait était bien d'attraper des crampes en restant cloîtrée dans le véhicule. Elle s'était montrée si excitée par la perspective de ce voyage, et d'autant plus heureuse lorsqu'ils avaient décidé d'emmener avec eux le petit chien de la famille, Scrappy. Il avait fallu bien des supplications, mais après avoir promis de s'occuper de son meilleur ami, un chiot Yorkshire, elle avait finalement eu le dessus sur ses parents réticents.



Scrappy aboyait sur la pénombre, s'agitant au bout de sa laisse pour essayer de chasser les ombres qui attiraient son attention. La petite fille laissa échapper un hoquet de surprise quand Scrappy se débarrassa soudain de sa laisse et s'échappa à toute allure. Elle se releva sur les marches métalliques lorsque le chiot se faufila par une petite ouverture au bas de la clôture qui séparait le terrain du camping de la réserve naturelle.



« Scrappy, non ! » s'écria Tabby avant de s'élancer à la suite du chien.



Ses parents comptaient sur elle pour ne pas le perdre. S'arrêtant devant la clôture, elle inspira un grand coup en plongeant son regard dans les ombres jetées par les arbres.



« Je ne suis pas une trouillarde », lança-t-elle tout haut d'une voix déterminée, puis elle se mordit la lèvre inférieure et se laissa tomber à genoux, pour examiner le passage.



Avec quelques égratignures, elle se fraya un passage à travers ce même trou et s'enfonça dans les bois, en entendant le son d'un jappement éloigné.



« Tu vas m'apporter des ennuis », murmura-t-elle avec mauvaise humeur, avant de claquer de la langue, sachant que le chiot accourait souvent à ce bruit.



« Tabby, où es-tu ? »



Derrière elle, Tabatha entendit sa mère l'appeler mais elle était bien plus préoccupée par l'idée de ramener son chien au camping. Scrappy était son chien et elle devait en prendre soin. Alors, au lieu de répondre à l'appel de sa mère ou d'appeler le chien, elle garda son calme et s'éloigna dans la direction du bruit que faisaient les aboiements aigus de Scrappy.



Tabatha ne tarda pas à s'arrêter une minute le temps de reprendre son souffle. Elle s'adossa à un arbre et posa les mains sur ses genoux crasseux, respirant et écoutant les bruits de la forêt. Elle avait toujours voulu rester comme ça, au milieu des bois à simplement écouter comme le faisaient les Indiens dans les films à la télé.



Les nuages de pluie qui s'étaient éclipsés un instant revinrent à l'assaut du ciel et le clair de lune éclatant disparut subitement. Elle écarquilla des yeux effrayés quand elle comprit que les lumières du camping n'étaient plus dans son champ de vision.



Risquant un pas en avant, elle jeta un regard farouche autour d'elle mais tout n'était plus que pénombre, elle distinguait à peine les silhouettes des arbres, plongés dans une obscurité encore plus prononcée. Elle poussa un gémissement en entendant quelque chose gronder loin derrière elle. Décidant qu'elle n'aimait pas cette direction-là, elle s'enfuit sans regarder une seule fois en arrière.

 



Après ce qui lui sembla être une éternité, elle entendit Scrappy aboyer à nouveau et fila dans cette direction en espérant que la créature qui grognait, quelle que fût, ne s'était pas mise en tête de lui donner la chasse. Elle entendit un autre grognement, qui cette fois lui sembla provenir de quelque part devant elle.



Enfonçant ses talons dans le sol, elle essaya de faire halte mais la terre était recouverte d'un tapis de feuilles et de boue à cause de la pluie. Au lieu de s'arrêter, elle glissa encore plus loin sur le côté avant d'être entraînée le long d'une pente.



Elle fut tout étourdie lorsque son corps heurta un arbre couché faisant obstacle à sa glissade. Ce qu'elle remarqua en premier lieu après avoir repris son souffle fut que les aboiements de Scrappy avaient cessé. Elle entendit encore ce fameux grondement et descendait la colline quand un léger gémissement lui arriva aux oreilles. En s'appuyant sur ses genoux, elle regarda par-dessus le tronc d'arbre et aperçut une petite clairière éclairée par la lumière de la lune.



En son centre, Scrappy pleurnichait comme s'il venait d'être malmené par le chien des voisins en bas de la rue où Tabatha et sa famille habitaient. Le chiot était aplati au sol et rampait à reculons. La jeune fille écarquilla ses yeux bleus lorsqu'elle vit pourquoi il se déplaçait ainsi. Deux animaux s'avançaient lentement l'un vers l'autre dans cette clairière, et Scrappy était au beau milieu de leur trajectoire.



« Imbécile», siffla Tabby entre ses dents.



Elle reconnut les animaux d'après les photos que son père lui avait montré avant leur voyage. L'un d'eux était un couguar et l'autre, qu'elle reconnut après en avoir vu à la télévision… un jaguar. Elle aimait regarder les documentaires sur les animaux et n'était pas du genre sensible comme sa mère quand elle y voyait les animaux s'attaquer. Mais là c'était différent… c'était réel et quelque peu effrayant.



Il y avait des félins qui pouvaient vous manger, et les plus gros aussi. Les gracieux animaux se tournèrent avec des grognements profonds et leurs yeux luisants comme des médaillons dorés. Ce bruit sinistre poussé par la brise arriva jusqu'à Tabatha tandis qu'elle continuait de les observer dans une stupeur nerveuse.



« Allez Scrappy, chuchota-t-elle, priant pour que les gros félins ne l'entendent pas. Sors-toi de là avant que l'un d'entre eux ne t'écrabouille. » Elle allait dire « ne te mange » mais elle ne voulait pas effrayer le malheureux chiot plus qu'il ne l'était déjà.



Les fauves se mirent brusquement à rugir, poussant Tabatha à se couvrir les oreilles face à ces cris puissants et terrifiants. Ils traversèrent la clairière à grandes foulées, et Scrappy rentra la queue entre ses pattes en hurlant de terreur.



En voyant le chiot traumatisé, Tabatha bondit par-dessus l'arbre et accourut vers lui à toutes jambes. Elle était plus proche du chiot que ne l'étaient les fauves et fondit sur lui, protégeant rapidement son petit corps du sien, à l'instant même où les deux bêtes s'élançaient dans les airs pour se heurter juste au-dessus d'elle.



« S'il-vous-plaît, ne faites pas de mal à mon chien !» s'écria-t-elle.



Elle poussa un autre cri lorsque des mâchoires tranchantes raclèrent son bras et qu'elle en sentit d'autres lui griffer le dos. Les fauves atterrirent au sol derrière elle, dans un énorme bruit sourd, grondants et rugissants. Elle se souvint alors qu'elle était recroquevillée au-dessus de Scrappy, toujours tremblant et gémissant, n'osant regarder les fauves qui se battaient à quelques pas à peine derrière elle.



Tabatha redoutait de faire le moindre mouvement et continuait de protéger son chien de toutes ses forces. Les yeux fermés, elle murmura à Scrappy l'ordre de s'enfuir pour chercher de l'aide, au cas où l'un des félins l'attraperait elle aussi. Un liquide chaud lui éclaboussa le dos mais elle resta immobile. Finalement, l'affrontement entre les fauves cessa et elle hasarda un coup d’œil par-dessus son épaule.



Elle se mit à trembler et à pleurer en découvrant derrière elle deux hommes qui gisaient dans une mare de sang. Tabatha se leva doucement avec Scrappy dans les bras et commença à reculer. Où étaient donc passés le couguar et le jaguar ? Avaient-ils attaqué ces deux hommes avant de s'enfuir ? Pourquoi ces deux derniers étaient-ils nus ?



Nathaniel ouvrit brusquement les yeux et lui montra des crocs pointus.



Tabatha trébucha en reculant et manqua de s'effondrer avant de retrouver un pied ferme. Scrappy poussa un autre cri perçant quand le grognement de l'homme imita celui du couguar, puis s'échappa des bras de Tabby. Il disparut dans la forêt en glapissant de terreur.



Malachi tressaillit, le sang coulant à flots de sa poitrine. Il ouvrit la bouche et grogna un mot à l'adresse de la petite fille.



« Cours !» réussit-il à lancer avant que sa voix ne s'éteigne dans le cri du jaguar.



Tabatha ne réfléchit pas à deux fois avant d'obéir. Elle tourna les talons et quitta la clairière sans risquer un seul regard en arrière. Elle se fichait bien de savoir où elle allait ; son seul désir était de se savoir loin, très loin, de cet homme couvert de sang qui la terrifiait.



*****



« Merci, et maintenant le journal local. Ce soir, une famille de la région a de bonnes raisons de se réjouir. Leur fille, Tabatha, a été finalement retrouvée, errant sans but dans la forêt nationale d'Angeles après avoir disparu trois jours plus tôt d'un camping à proximité de Crystal Lake, car elle voulait retrouver le chien de la famille. Apparemment, le chien s'était libéré tout seul de sa laisse et s'était enfui dans la forêt. La petite fille âgée de sept ans est partie courageusement à la recherche du chien et n'a été retrouvée que ce matin. Malheureusement, le chien n'a pas été retrouvé en même temps que l'enfant. Selon les autorités, celle-ci se trouve maintenant à l'hôpital communautaire afin de se remettre du choc subi, puisqu'il semblerait qu'elle ait survécu à une attaque de couguar. La petite Tabatha a maintenu aux gardes forestiers son histoire selon laquelle il y avait deux hommes blessés dans la forêt, mais suite à une recherche minutieuse sur une surface de cinq mille kilomètres carré, rien n'a été trouvé. Nous vous en dirons plus dans l'heure qui suit.»





Chapitre 1





Dix ans plus tard…



Les pulsations d'une musique forte s'échappaient du night-club, sa vaste enseigne lumineuse violette changeant de couleur en symbiose avec le rythme. La lumière jetait une lueur surnaturelle sur l'immeuble situé de l'autre côté de la rue. Sur le toit de ce même immeuble, un homme aux cheveux courts et d'un blond lumineux se tenait debout, un pied posé sur le rebord. Il se pencha en avant, un coude replié sur son genou fléchi, alors qu'il fumait une cigarette.



Kane Tripp baissa légèrement la tête et plongea une main dans ses cheveux courts et hérissés. Il avait détesté les couper, leur longueur passée lui manquait. Il pouvait encore se rappeler leur douce caresse sur ses reins. Portant la cigarette à ses lèvres, il inspira profondément en se disant que bien des choses lui avait manqué, comme les cigarettes qu'il avait coutume de fumer avant d'être enterré vivant et laissé pour mort.



Quarante longues années plus tôt, il avait été pris au dépourvu par Malachi, le meneur d'un modeste clan jaguar, pour se voir accusé du meurtre de la compagne du métamorphe. Avant cette nuit-là, Kane était en bons termes avec les jaguars, et leur chef avait été l'un de ses amis les plus intimes. Les lèvres de Kane se serrèrent à ce souvenir. Malachi l'avait appréhendé, jugé et condamné dans un accès de rage.



En utilisant un sort issu de ce même livre que Kane avait cru si soigneusement caché, Malachi l'y avait lié, le rendant incapable de bouger ou de parler… dans l'incapacité même de se défendre par lui-même. Puis il avait enlevé la boucle d'oreille en pierre de sang de l'oreille de Kane, qui lui permettait d'aller et venir librement à la lumière du jour. Cet objet avait autrefois appartenu au premier vampire du nom, Syn.



Un jour, Kane lui avait demandé comment le premier de leur espèce avait pu exister et la réponse à cette question l'avait surpris.



Syn était venu en ce monde seul, meurtri et affamé. Un jeune homme l'avait trouvé et dans sa soif, Syn avait bu son sang. Le vampire apprit alors très vite que les humains de ce bas monde étaient de bien fragiles créatures, que l'âme pouvait quitter quand il leur offrait son propre sang, dans l'espoir de créer une famille sur cette planète. Mais une fois leurs âmes envolées, ils devenaient inutiles à ses yeux et rien de moins que des monstres.



Au cours de sa vie sans fin, Syn avait rencontré trois humains seulement alors capables de préserver leurs âmes... ce qui fit d'eux ses enfants. La seule différence consistant en ce qu'une fois transformés, le soleil pouvait les brûler... les contraignant eux et leurs frères monstrueux à se cacher du jour. Ce qui, grâce à la pierre de sang, n'avait jamais été un problème sur la planète de Syn.



Les épais brassards de Syn avaient été rapportés de son propre monde et fabriqués à partir de la Pierre de sang. Il avait arraché un morceau de l'un de ces brassards, puis avait façonné à base de cette même matière un anneau, un collier, et une seule boucle d'oreille. Kane tendit la main pour toucher une fois encore le bijou qu'il portait à l'oreille.



Là où la pierre de sang lui avait offert une vie à peu près normale... le grimoire de Syn avait fait la ruine de Kane. Syn l'avait laissé à son élu afin qu'il l'utilise à bon escient pendant son sommeil. Concernant ce satané sort, c'était un moyen de venir à bout des enfants sans âme au cas où ils deviendraient un trop grand danger pour les humains.



Alors que ce damné sortilège agissait sur lui, Kane, impuissant, ne pouvait que regarder de ses yeux noirs et fixes son ancien ami le recouvrir d'une terre sombre. Le ciel étoilé couronnant une forêt était la dernière vision dont il se souvenait alors.



Les ténèbres avaient été dévorantes et emplies d'un tel silence. Le sort le retenait prisonnier mais il pouvait sentir aisément ces petites vies qui fourmillaient dans la terre au-dessous de lui. De minuscules créatures mortelles qui évitaient de manger sa chair morte mais qui rongeaient inconsciemment son âme.



Le temps passant, il se dit qu'il était forcément devenu fou, puis il commença d'entendre des bruits et de temps à autre… des voix. Elles lui étaient bienvenues du fin fond de sa prison, et il aspirait à en entendre davantage. Parfois il entendait des familles entières, et à d'autres moments, des adultes seulement.



Parfois, il tentait aussi de lutter contre la malédiction, pour appeler à l'aide ou à quelque compagnie. La magie avait une emprise tenace sur lui, le rendant totalement impuissant. Il connaissait ce sort… il l'avait utilisé sur quelques monstres. Cette magie un brin complexe requérait le sang d'un être aimé pour en être libéré. Un sortilège d'amour si puissant que seule l'âme sœur de la victime pouvait briser.



Cela avait toujours fonctionné sur les vampires dénués d'âme parce qu'il fallait posséder une âme pour compter sur une âme sœur. Il s'était servi de ce sort plus d'une fois pour libérer le monde de ses frères démoniaques et meurtriers qui ne connaissaient rien d'autre que la soif de sang.



Kane eut un rire amer face à cette pensée obsédante qu'il était maudit… car il n'avait pas d'âme sœur. Du moins n'avait-il jamais rencontré une telle énigme. Et s'il n'en avait pas, il était peu probable qu'elle vînt trébucher sur sa tombe tout en saignant. Malachi avait tellement souffert … il avait aimé sa femme avec tant d'amour qu'il souhaitait que Kane en connaisse toute la profondeur et se languisse de le connaître à son tour.



Aspirer à un tel amour, ça, il le faisait sans mal. À bien des reprises il versa des larmes, exhortant n'importe quel dieu existant à l'écouter, pour mener jusqu'à lui cette âme sœur qui pourrait le libérer. S'il avait réellement tué la femme de son ami, la punition aurait été justifiée. Mais il était innocent d'un tel crime.

 



Une nuit, bien après qu'il ait abandonné tout espoir... il l'entendit. Le bruit distinct du rugissement de Malachi fit voler en éclats son monologue intérieur imprégné de démence, accompagné d'un autre cri de rage tout à fait bestial. À sa grande stupeur, il entendit la voix d'une petite fille juste au-dessus de lui, qui leur hurlait de ne pas faire de mal à son chiot.



Le son de sa petite voix effrayée brisa quelque chose en lui, lui donnant plus que jamais le désir d'être libre, pour qu'il puisse la protéger de la créature de la nuit.



« Malachi ne fera pas de mal à ton chien, petite », chuchota Kane mentalement.



C'était la vérité. Malachi ne ferait jamais de mal à une mouche à moins qu'on ne lui ai fait du tort d'une certaine manière… et encore moins à un enfant. Sentant que son ami était quelque part au-dessus de lui, une étincelle de vie s'alluma chez Kane. Il sentit la colère l'envahir lorsque la jeune fille se remit à hurler et il sentit le choc d'un atterrissage brutal sur le sol qui le surplombait. Du sang… il sentit que des gouttes de sang toutes fraîches venaient d'être versées, suintant jusqu'à lui à travers la terre molle.



Il n'avait jamais été aussi heureux de recevoir. Le parfum envahit son esprit et faillit le propulser à de plus hauts sommets de folie, sachant qu'il était dans l'impossibilité de s'en approcher. Il était si faible après avoir passé tant de temps sans boire une seule fois... assoiffé à mort, sans jamais mourir cependant. Ce fut à ce moment-là qu'il sentit l'un de ses doigts tressaillir.



Kane se concentra là-dessus, ainsi que sur ce qui restait de son esprit, afin de tenter un mouvement. Il sentait les jours défiler, s'appuyant pour cela sur la chaleur émanant de la terre qui le submergeait. L'odeur du sang l'enveloppait à présent, le guidait. Il finit par être capable de bouger lentement les bras, puis il entama la laborieuse entreprise que représentait la sortie de sa propre tombe.



Bien des jours avaient passé et, quand sa main se fraya enfin un chemin à la surface, il pleurait littéralement des larmes de joie. S'arrachant lui-même à la terre, Kane ouvrit les yeux et leva la tête, à deux doigts d'éclater d'un rire frénétique en découvrant le ciel noir et les étoiles au-dessus de lui. Baissant les yeux vers le sol, il remarqua un lambeau de vêtement tâché de gouttelettes de sang séché. Le ramassant, il le porta à ses narines pour y humer l'odeur de ce sang qui l'avait libéré.



Serrant ce souvenir de son sauveur dans son poing, il sortit le reste de son corps du sol. Malachi et le métamorphe qui avait réellement tué la femme du jaguar gisaient morts, à seulement quelques pas de sa tombe.



Son regard passant des deux corps à la forêt, Kane comprit que la jeune fille était partie depuis un moment, mais il était convaincu que cette enfant était son âme sœur. Qui d'autre aurait pu briser le maléfice que Malachi lui avait jeté ?



Trop faible pour partir à sa recherche, Kane rampa par-dessus Malachi, et quiconque d'extérieur l'aurait vu en cet instant aurait pensé qu'il caressait tendrement la joue de l'homme. Tournant la tête vers lui, Kane eut aussitôt le souffle coupé. Malachi portait à son oreille le bijou en pierre de sang. Le sien !



Dans un instant de rage et avec un mouvement trop rapide pour être détecté, Kane se redressa avec la boucle d'oreille dans son poing. Jetant un dernier regard à Nathaniel, l'homme qui l'avait piégé, Kane s'enveloppa dans les ténèbres environnantes comme d'un manteau et se fondit en elles.



Kane exhala la fumée et la regarda s'acheminer dans les airs, sous forme de cercles, avant d'être emportée par la brise. Il avait consacré ces dix dernières années à errer de pays en pays, de continent en continent, en apprenant tout ce qu'il avait manqué au cours de sa sentence de trente ans.



Il avait lentement retrouvé ses forces, débutant sa guérison avec un chiot de type Yorkshire blanc qu'il avait trouvé tapi au creux d'un arbre vénérable de la forêt. C'était le chien de quelqu'un et il avait éprouvé des remords à agir de cette façon, mais la nécessité de se nourrir s'était montrée plus forte que la culpabilité à ce moment-là.



C'est seulement une fois nourri qu'il réalisa que ce chiot appartenait à l'enfant qui l'avait libéré de sa prison. Sentant qu'une petite étincelle de vie animait encore la petite boule de poils, il fit alors tout son possible pour la ramener tout à fait. Mordant son propre poignet, Kane fit tomber quelques gouttes de sang sur la langue rose du chiot puis l'étendit au sol en se demandant ce qu'il lui prenait de faire une chose pareille. Cela ne marcherait jamais... n'est-ce-pas ?



Elle l'avait sauvé deux fois et n'en avait même pas conscience. L'écho de sa voix terrifiée avait toujours le pouvoir de le sortir de son sommeil le plus profond. Il aurait voulu la voir... juste l'apercevoir pour mettre un visage sur cette voix qui l'envoûtait tant.



Après avoir cherché dans sa poche, il en sortit le petit collier et baissa les yeux sur l'étiquette en forme d'os collée dessus. Il connaissait le nom de cette famille mais l'adresse indiquée n'était plus la bonne... elle ne l'était plus depuis des années. Lorsqu'il apprit enfin à se servir d'un ordinateur, il effectua une recherche et découvrit que les parents de la demoiselle étaient morts et leur maison vendue. La fille, dont il était sûr qu'elle l'avait sauvé, avait disparu sans laisser une trace.



Kane jeta sa cigarette près de son pied gauche avant de l'écraser. Lorsqu'il était rentré à Los Angeles, il était immédiatement retourné au night-club où Malachi avait déjà vécu et qu'il avait dirigé, pour seulement apprendre qu'il avait été revendu et que ses enfants avaient déménagé à une nouvelle adresse. Leur nouveau foyer n'avait été rien de plus qu’un entrepôt abandonné, mais les jaguars l'avaient récemment remis à neuf et arrangé en night-club pour être dans l'air du temps. Les enfants de Malachi dirigeaient l'établissement à l'heure actuelle.



Il secoua la tête en se demandant comment Malachi avait fini par se remarier, sachant quel amour il avait voué à sa première femme. Elle n'avait été rien de moins que son âme sœur et, bien que les métamorphes étaient connus pour leur appétit sexuel, une fois rencontré leur âme sœur, il leur devenait quasiment impossible de vivre un nouvel amour.



Quand Kane avait fait son enquête, il avait noté que la nouvelle épouse de Malachi avait donné naissance à quatre enfants et n'avait pas survécu à celle de leur plus jeune fils, Nick.



Malachi était peut-être mort la nuit où Kane avait entendu son rugissement sous terre, mais une soif de vengeance continuait encore de ronger les entrailles de ce dernier. Presque tous les vampires étaient issus des ténèbres, et peut-être Syn avait-il eu tort à son sujet, quant au fait qu’il fût différent de ses pairs démoniaques. Peut-être l