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Czytaj książkę: «Les nuits mexicaines», strona 7

Czcionka:

– Tu le supposes, mon pauvre ami, mais sois convaincu que je ne me trompe pas et que je te dis la vérité.

– C'est étrange.

– Oui, fort étrange, en effet, mais cela est ainsi, cet homme est même ton ennemi le plus dangereux.

– Que faire?

– Me laisser agir; je m'étais rendu ce matin au rancho dans l'intention de t'annoncer qu'un de tes ennemis, le plus redoutable de tous, était mort; tu as pris soin de me faire mentir. Après tout, peut-être cela vaut-il mieux ainsi: ce que Dieu fait est bien, ses voies nous sont inconnues, nous devons nous courber devant la manifestation de sa volonté.

– Ainsi votre intention est…?

– Mon intention est de charger López de veiller sur ton malade; il restera dans le souterrain où on le soignera avec le plus grand soin, seulement tu ne le reverras plus, il est inutile que, quand à présent, vous vous connaissiez davantage; à mon tour, je te donne ma parole que tous les soins que son état exige lui seront donnés.

– Oh! Je m'en rapporte complètement à vous, maître Olivier; mais lorsqu'il sera guéri que ferons-nous?

– Nous le laisserons partir paisiblement, il n'est pas notre prisonnier; sois tranquille, nous le trouverons sans peine quand besoin sera; il est bien entendu que personne du rancho ne doit descendre dans le souterrain et avoir le moindre rapport avec lui.

– Bon, vous le leur direz alors, moi je ne m'en charge pas.

– Je le leur dirai; du reste moi-même je ne le verrai pas. López seul demeurera chargé de lui.

– Et moi, vous n'avez rien de plus à me dire?

– Si, j'ai à t'annoncer que je t'emmène avec moi pour quelques jours.

– Ah! Et allons-nous loin comme cela?

– Tu le verras, en attendant rends-toi au rancho, prépare tout ce qu'il te faut pour ton voyage.

– Oh! Je suis prêt, interrompit-il.

– C'est possible, mais moi je ne le suis pas; n'ai-je pas à donner des ordres à López au sujet de ton blessé.

– C'est juste, et puis il faut que je prenne congé de la famille.

– Ce sera fort bien fait, car tu resteras probablement quelque temps absent.

– Bon, je comprends, nous allons faire une bonne chasse.

– Nous allons chasser, oui, dit l'aventurier avec un équivoque sourire, mais pas du tout de la façon dont tu le supposes.

– Bon, cela m'est égal, je chasserai comme vous voudrez, moi.

– J'y compte bien, allons viens, nous n'avons déjà que trop perdu de temps.

Ils se dirigèrent alors vers le monticule. L'aventurier entra dans le souterrain et le jeune homme monta au rancho.

Loïck et les deux femmes l'attendaient sur la plate-forme, assez intrigués de la longue conversation qu'il avait eue avec Olivier; mais Dominique fut impénétrable, il avait trop longtemps vécu au désert pour se laisser sortir la vérité du cœur lorsqu'il lui plaisait de la cacher. En cette circonstance, ce fut en pure perte qu'on l'accabla de questions; il ne répondit que par des fins de non recevoir; désespérant de le faire parler, son père et les deux femmes prirent enfin le bon parti de le laisser tranquille.

Son déjeuner était tout préparé sur la table.

Comme il avait faim, il saisit ce prétexte pour changer la conversation, et tout en mangeant, il annonça son départ.

Loïck ne lui fit aucune observation, il était accoutumé à ses brusques absences.

Au bout d'une demi-heure environ, Olivier reparut.

Dominique se leva, et prit congé de sa famille.

– Vous l'emmenez, dit Loïck.

– Oui, répondit Olivier, pour quelques jours, nous allons dans la Terre-Chaude.

– Prenez garde, dit Louise avec inquiétude, vous savez que les guérillas de Juárez battent la campagne.

– Ne crains rien, petite sœur, dit le jeune homme en l'embrassant, nous serons prudents; je te rapporterai un foulard, tu sais que voilà longtemps déjà que je t'en ai promis un.

– Je préférerais que tu ne nous quittes pas, Dominique, répondit-elle avec tristesse.

– Allons, allons, dit gaiement l'aventurier, soyez sans inquiétude, je vous le ramènerai sain et sauf.

Il paraît que les habitants du rancho avaient une grande confiance en la parole d'Olivier, car, sur cette assurance, leur inquiétude se calma, et ils prirent assez facilement congé des deux hommes.

Ceux-ci quittèrent alors le rancho, descendirent le monticule, et trouvèrent leurs chevaux tout prêts à être montés, qui les attendaient attachés à un liquidambar.

Après avoir fait un dernier signe d'adieu aux habitants du rancho groupés sur la plate-forme, ils se mirent en selle et s'éloignèrent au galop à travers terre pour aller rejoindre la route de la Veracruz.

– Allons-nous donc dans les Terres-Chaudes? demanda Dominique tout en galopant auprès de son compagnon.

– Oh! Oh! Nous n'allons pas aussi loin, tant s'en faut; je te conduis seulement à quelques lieues d'ici, dans une hacienda où je compte te faire faire une nouvelle connaissance.

– Bah! Pourquoi donc? Je me soucie peu des nouvelles connaissances.

– Celle-ci te sera fort utile.

– Ah! Alors c'est différent. Je vous avoue que je n'aime pas beaucoup les Mexicains.

– La personne à laquelle on te présentera n'est pas mexicaine, elle est française.

– Ce n'est plus du tout la même chose, mais pourquoi donc me dites-vous qu'on me présentera? Est-ce que ce n'est pas vous qui vous chargerez de cela?

– Non, c'est une autre personne que tu connais, et pour laquelle tu as même une certaine affection.

– De qui donc parlez-vous?

– De Léo Carral.

– Le mayordomo de l'hacienda del Arenal?

– Lui-même.

– C'est donc à l'hacienda que nous allons, alors?

– Pas précisément, mais dans les environs. J'ai donné au mayordomo un rendez-vous où il doit m'attendre, c'est à ce rendez-vous que nous allons en ce moment.

– Alors tout est pour le mieux, je serai charmé de revoir Léo Carral. C'est un bon compagnon.

– Et un homme de cœur et d'honneur, ajouta Olivier.

X
LE RENDEZ-VOUS

Depuis son arrivée à l'hacienda del Arenal, doña Dolores avait toujours tenu envers le comte de la Saulay une conduite réservée que les projets de mariage faits par leurs deux familles étaient loin de justifier. Jamais la jeune fille n'avait eu, nous ne dirons pas d'entretiens particuliers avec celui qu'elle devait en quelque sorte considérer comme son fiancé, mais seulement la plus légère privauté et la plus innocente familiarité; tout en demeurant polie et même gracieuse, elle avait su, dès le premier jour qu'ils s'étaient vus, élever une barrière entre elle et le comte, barrière que celui-ci ne s'était jamais hasardé à franchir et qui l'avait condamné à demeurer, peut-être contre ses désirs secrets, dans les bornes de la plus sévère réserve.

Dans ces conditions, et surtout après la scène à laquelle il avait assisté la nuit précédente, on comprendra facilement quelle dût être la stupéfaction du jeune homme en apprenant que doña Dolores lui demandait une entrevue.

Que pouvait-elle avoir à lui dire? Pour quel motif lui assignait-elle ce rendez-vous? Quelle raison la poussait à agir de la sorte?

Telles étaient les questions que le comte ne cessait de s'adresser, questions qui demeuraient forcément sans réponse.

Aussi l'inquiétude, la curiosité et l'impatience du jeune homme étaient-elles poussées au plus haut degré, et ce fut avec un sentiment de joie, dont lui-même ne se rendit pas bien compte, qu'il entendit enfin sonner l'heure du rendez-vous.

S'il se fût trouvé en France, à Paris, au lieu d'être au Mexique dans une hacienda, certes, il aurait su d'avance à quoi s'en tenir sur le message qu'il avait reçu, et sa conduite eût été toute tracée.

Mais ici, la froideur de doña Dolores à son égard, froideur qui ne s'était pas un instant démentie, la préférence que d'après la scène de la nuit elle semblait donner à une autre personne, tout se réunissait pour éloigner de ce rendez-vous la plus légère supposition d'amour. Était-ce la renonciation du jeune homme à sa main, son éloignement immédiat que doña Dolores allait exiger de lui?

Singulière contradiction de l'esprit humain! Le comte qui éprouvait pour ce mariage une répulsion de plus en plus marquée, dont l'intention formelle était d'avoir le plus tôt possible une explication à ce sujet avec don Andrés de la Cruz, et dont la résolution bien arrêtée était de se retirer et de renoncer à l'alliance depuis si longtemps préparée et qui lui déplaisait d'autant plus qu'elle lui était imposée, se révolta à cette supposition de la renonciation que sans doute doña Dolores allait lui demander; son amour-propre froissé lui fit envisager cette question sous un jour tout nouveau, et le mépris que la jeune fille semblait faire de sa main, le remplit de honte et de colère.

Lui, le comte Ludovic de la Saulay, jeune, beau, riche, renommé pour son esprit et son élégance, un des membres les plus distingués du jockey-club, un des dieux de la mode, dont les conquêtes occupaient à Paris toutes les bouches de la renommée, n'avoir produit sur une jeune fille à demi-sauvage, d'autre impression que celle de la répulsion, n'avoir inspiré d'autre sentiment qu'une froide indifférence; il y avait certes là de quoi se désespérer; un instant même il en vint à se figurer, tant le dépit l'aveuglait, qu'il était réellement amoureux de sa cousine, et il fut sur le point de faire le serment de rester sourd aux prières et aux larmes de doña Dolores et d'exiger, dans le plus bref délai, la conclusion de son mariage.

Mais heureusement l'amour-propre, qui l'avait poussé à cette détermination extrême, lui souffla tout à coup un moyen plus simple, et surtout plus agréable pour lui, de sortir d'embarras.

Après avoir jeté un regard de complaisance sur sa personne, un sourire de hautaine satisfaction illumina son visage; il se trouva physiquement et moralement si fort au-dessus de tout ce qui l'entourait, qu'il n'éprouva plus qu'un sentiment de miséricordieuse pitié pour la pauvre enfant, que la mauvaise éducation qu'elle avait reçue empêchait d'apprécier les innombrables avantages qui lui faisaient l'emporter sur ses rivaux, et de comprendre le bonheur qu'elle trouverait dans son alliance.

Ce fut en roulant toutes ces pensées et bien d'autres dans sa tête, que le comte sortit de chez lui, traversa la cour, et se rendit à l'appartement de doña Dolores.

Il remarqua, sans y attacher grande importance, que plusieurs chevaux sellés et bridés attendaient dans la cour, maintenus par des peones.

A la porte de l'appartement se tenait une jeune Indienne, au minois chiffonné et aux yeux brillants, qui le reçut avec un sourire et une grande révérence en lui faisant signe d'entrer.

Le comte la suivit; la camériste traversa plusieurs salles de plein-pied élégamment meublées, et finalement, elle releva une portière de crêpe de Chine blanc brodé de grandes fleurs de toutes couleurs, et introduisit, sans prononcer un mot, le comte dans un délicieux boudoir, meublé tout en laque de Chine.

Doña Dolores, à demi couchée sur un hamac en fil d'aloès, s'amusait à agacer une jolie perruche grosse comme la moitié du poing en riant comme une folle des cris de colère du petit animal.

La jeune fille était charmante ainsi; jamais le comte ne l'avait vue si belle. Après l'avoir saluée profondément, il s'arrêta sur le seuil de la porte en proie à une admiration mêlée d'une stupéfaction si grande, que doña Dolores, après l'avoir un instant regardé, ne put retenir son sérieux et partit d'un franc éclat de rire.

– Pardonnez-moi, mon cousin, lui dit-elle, mais vous faites une si singulière figure en ce moment, que je n'ai pu m'empêcher…

– Riez, riez ma cousine, répondit le jeune homme, en prenant aussitôt son parti de cette gaîté à laquelle il était si loin de s'attendre, je suis heureux de vous voir d'aussi bonne humeur.

– Ne restez-donc pas là, mon cousin, reprit-elle; tenez, venez vous asseoir ici, près de moi, sur cette butaca, et de son doigt rosé elle lui indiqua un fauteuil.

Le jeune homme obéit.

– Ma cousine, dit-il, j'ai l'honneur de me rendre à l'invitation que vous avez daigné me faire.

– Ah! C'est vrai, répondit-elle, je vous remercie de votre obligeance et surtout de votre exactitude, mon cousin.

– Je ne pouvais témoigner trop d'empressement à vous obéir, ma cousine; j'ai si rarement le bonheur de vous voir!

– Est-ce un reproche que vous m'adressez mon cousin?

– Oh! Nullement, madame, je ne me reconnais en aucune façon le droit de vous faire ce qu'il vous plaît de nommer des reproches; vous êtes libre d'agir à votre guise, et surtout de disposer de moi à votre gré.

– Oh, oh! Mon cher cousin, quant à ceci je n'en jurerais pas, et s'il me prenait fantaisie de mettre ce beau dévouement à l'épreuve, je crois que j'en serais pour ma courte honte et que vous me refuseriez net.

– Nous y voilà, pensa le jeune homme, et il ajouta tout haut: Mon désir le plus sincère est de vous complaire en tout, ma cousine, je vous en donne ma foi de gentilhomme, et quoique vous exigiez de moi, je vous obéirai.

– J'ai bien envie, don Ludovic, de vous prendre au mot, répondit-elle en se penchant vers lui avec un délicieux sourire.

– Faites, ma cousine, et vous reconnaîtrez à la promptitude avec laquelle je vous obéirai, que je suis le plus dévoué de vos esclaves.

La jeune fille demeura pensive un instant, puis elle replaça sur le perchoir de bois de palissandre, la perruche avec laquelle elle avait joué jusqu'à ce moment, et sautant à bas de son hamac, elle vint s'asseoir sur un siège à peu de distance du comte.

– Mon cousin, lui dit-elle, j'ai un service à vous demander.

– A moi, ma cousine? Enfin je vous serai bon à quelque chose!

– Ce service, continua-t-elle, n'est pas d'une grande importance en lui-même.

– Tant pis.

– Mais je crains qu'il ne vous cause un grand ennui.

– Qu'importe, ma cousine, l'ennui que je puis éprouver, si je vous suis agréable.

– Mon cousin, je vous remercie; voici ce dont il s'agit: il me faut aujourd'hui, dans quelques minutes, faire une course assez longue; pour des raisons que vous apprécierez bientôt, je ne puis et ne veux me faire accompagner par aucun des habitants, maîtres ou valets de l'hacienda. Cependant, comme les routes ne jouissent pas, en ce moment, d'une sécurité parfaite et que je n'ose me risquer seule à les parcourir, il me faut avec moi, pour me protéger et me défendre si le besoin était, un homme dont la présence à mes côtés ne puisse donner lieu à aucune supposition malveillante; j'ai jeté les yeux sur vous pour m'accompagner dans mon excursion. Y consentez-vous, mon cousin?

– Avec bonheur, ma cousine; je dois seulement vous faire observer que je suis étranger en ce pays et que je crains de m'égarer dans des chemins que je ne connais pas.

– Ne vous inquiétez pas de cela, mon cousin, je suis hija del país, moi, et à cinquante lieues à la ronde, je suis certaine d'aller sans courir le risque, non pas de me perdre mais seulement de m'égarer.

– S'il en est ainsi, ma cousine, tout est pour le mieux; je vous remercie de l'honneur que vous daignez me faire et je me mets complètement à votre disposition.

– C'est à moi de vous remercier, mon cousin, pour votre extrême obligeance; les chevaux sont sellés, vous portez à ravir le costume mexicain, allez chausser vos éperons, prévenez votre valet de chambre qu'il doit vous accompagner, armez-vous surtout, cela est important, car on ne sait jamais ce qui peut arriver, et revenez dans dix minutes, je serai prête à partir.

Le comte se leva, salua la jeune fille, qui lui répondit par un gracieux sourire et sortit.

– Pardieu, murmura-t-il dès qu'il se trouva seul, voilà qui est charmant, et la mission qu'elle me destine est réjouissante; je me fais l'effet d'accompagner tout simplement ma délicieuse cousine à quelque rendez-vous d'amour! Mais le moyen de lui rien refuser, je ne l'avais pas encore aussi bien vue qu'aujourd'hui. Sur mon âme, c'est un ravissant lutin, et si je n'y prends garde, je pourrais bien finir par en devenir amoureux, si ce n'est fait déjà, ajouta-t-il avec un soupir étouffé!

Il rentra chez lui, ordonna à Raimbaut de se préparer à le suivre, ce que le digne serviteur fit avec cette ponctualité et ce mutisme qui le distinguaient, et après avoir bouclé à ses talons de lourds éperons en argent, jeté un zarapé sur ses épaules, il choisit un double fusil, un sabre droit, une paire de revolvers à six coups et, ainsi armé, il se rendit dans le patio. Raimbaut, à son exemple, s'était muni d'un arsenal complet.

Les deux hommes étaient ainsi sans exagération en mesure de faire face, le cas échéant, à une quinzaine de bandits.

Doña Dolores attendait, déjà en selle, l'arrivée du comte; elle causait avec son père.

Don Andrés de la Cruz se frottait joyeusement les mains; la bonne entente des jeunes gens le ravissait.

– Ainsi vous allez faire une promenade? dit-il au comte, je vous souhaite beaucoup de plaisir.

– La señorita a daigné m'offrir de l'accompagner, répondit Ludovic.

– Elle a parfaitement fait, son choix ne pouvait être meilleur.

Tout en échangeant ces quelques paroles avec son futur beau-père, le comte avait salué doña Dolores et était monté à cheval.

– Bon voyage! continua don Andrés, et surtout prenez garde aux mauvaises rencontres; les cuadrillas de Juárez commencent à rôder aux environs, d'après ce que j'ai entendu dire.

– Soyez sans inquiétude, mon père, répondit doña Dolores; d'ailleurs, ajouta-t-elle avec un charmant sourire à l'adresse du comte, avec l'escorte de mon cousin, je ne crains rien.

– Partez donc alors, et revenez de bonne heure.

– Nous serons de retour avant l'oración, mon père. Don Andrés leur fit un dernier signe d'adieu et ils quittèrent l'hacienda.

Le comte et la jeune fille galopaient côte à côte; Raimbaut, en serviteur bien stylé, suivait à quelques pas en arrière.

– Vous saurez que c'est moi qui vous conduit, mon cousin, dit la jeune fille, lorsqu'ils se trouvèrent à une certaine distance dans la plaine, perdus au milieu des massifs de liquidambars.

– Je ne pourrais désirer un meilleur guide, répondit galamment Ludovic.

– Tenez, mon cousin, reprit-elle en lui jetant un regard de côté, j'ai une confidence à vous faire.

– Une confidence, ma cousine?

– Oui, je vous vois de si bonne composition, que je suis toute honteuse de vous avoir trompé.

– Vous m'avez trompé, vous, ma cousine?

– Indignement, fit-elle en riant, vous allez en juger. Je vous mène dans un endroit où on nous attend.

– Où on vous attend, vous voulez dire.

– Non pas, car c'est vous surtout qu'on veut voir.

– Je vous avoue, ma cousine, que je ne vous comprends plus du tout; je ne connais personne en ce pays.

– En êtes-vous bien sûr, mon cher cousin? demanda-t-elle d'un air railleur.

– Dam, je le crois du moins.

– Bon, voilà que vous doutez.

– Vous paraissez si sûre de votre fait!

– C'est que je le suis en effet; la personne qui vous attend, non seulement vous connaît, mais encore est de vos amis.

– Allons bon, très bien, cela s'embrouille de plus en plus; continuez je vous en prie.

– Je n'ai que peu de mots à ajouter, d'ailleurs dans quelques minutes nous serons arrivés et je ne veux pas vous laisser plus longtemps dans le doute.

– C'est bien aimable à vous, ma cousine, je vous jure. J'attends humblement que vous daigniez vous expliquer.

– Il le faut bien, puisque votre cœur a si peu de mémoire; comment monsieur, vous êtes étranger, jeté depuis quelques jours à peine dans un pays inconnu; dans ce pays, depuis que vous y êtes débarqué, vous n'avez rencontré encore qu'un seul homme qui vous a témoigné quelque sympathie, et cet homme vous l'avez déjà si complètement oublié; cela, permettez-moi de vous le faire observer, mon cher cousin, prouve médiocrement en faveur de votre constance.

– Accablez-moi, ma cousine, je mérite tous vos reproches; vous avez raison, il y a en effet au Mexique un homme pour lequel j'éprouve une sincère amitié.

– Ah, ah! Je ne me trompais donc pas?

– Non, mais j'étais si loin de supposer que ce fût de cet homme dont vous me parliez que je vous avoue…

– Que vous ne vous le rappeliez plus, n'est-ce pas?

– Au contraire, ma cousine, et mon plus vif désir serait de le revoir.

– Et comment nommez-vous ce personnage?

– Il m'a dit que son nom est Olivier, cependant je n'oserais affirmer que ce nom fût bien réellement le sien.

La jeune fille sourit avec finesse.

– Y aurait-il indiscrétion à vous demander pourquoi cette supposition peu favorable?

– Aucunement, ma cousine, mais le señor Olivier m'a paru un personnage assez mystérieux; ses allures ne sont pas celles de tout le monde. Il n'y aurait, il me semble, rien d'extraordinaire à ce que suivant les circonstances…

– Il se parât d'un nom de fantaisie, interrompit-elle; peut-être avez-vous raison, peut-être avez-vous tort, je ne saurais vous répondre là-dessus; tout ce que je puis vous dire, c'est que c'est lui qui vous attend.

– Voilà qui est singulier, murmura le jeune homme.

– Pourquoi donc? Il a sans doute une communication d'importance à vous faire; du moins c'est ce que j'ai cru comprendre.

– Il vous l'a dit?

– Pas précisément, mais en causant cette nuit avec moi, il m'a témoigné le désir de vous voir le plus tôt possible; voilà pour quelle raison, mon cousin, je vous ai prié de m'accompagner dans ma promenade.

Cet aveu fut fait par la jeune fille avec un laisser-aller si naïf que le comte en fut complètement déferré et la regarda un instant comme s'il ne comprenait pas.

Doña Dolores ne remarqua pas son étonnement. La main placée en abat-jour au-dessus de ses yeux, elle interrogeait la plaine.

– Tenez, dit-elle au bout d'un instant en indiquant du doigt une certaine direction, voyez ces deux hommes assis côte à côte à l'ombre de ce massif d'arbres, l'un des deux est don Olivero, la personne qui vous attend; pressons le pas.

– Soit, répondit Ludovic en éperonnant son cheval.

Et ils s'élancèrent au galop vers les deux hommes qui les ayant aperçus s'étaient levés pour les recevoir.